Thirteen Tales of Love and Revenge

Thirteen Tales of Love and Revenge est une collection relatant treize courtes histoires

 

 

The Hanging Tree

Basée sur la chanson du même nom issue du film "Hunger Games: La Révolte (Partie 1)" et interprétée par Jennifer Lawrence

 

 

 

Par Swallowing Darkness

2: Introduction
Introduction

A St. John, Elsa commence une nouvelle vie. Elle a réalisé son vœu, et ce qu’elle a souhaité est enfin là, à sa disposition. Mais dès le premier jour, elle sent que quelque chose ne va pas. Toujours est-il qu’elle s’y sent plus ou moins en sécurité, et continue tout de même à mener un quotidien le plus normal possible. Mais une nuit, elle est témoin d’un évènement si horrible et si près d’elle… que ses journées et ses nuits se transformeront en cauchemar continuel.

 « Il m'a dit de dessiner ça. Il vient pour toi »

Cette note trouvée avec ce dessin… Note rédigée de sa propre main. Quand ? Pourquoi ? Sa mémoire refuse de répondre.

Elsa plonge alors dans une peur et une confusion irrépressibles. Le mensonge s’installe et plus rien n’a de sens. Alors, réalité ou divagation de l’esprit ?

3: THIS IS THE STARTING OF A BRAND NEW DAY
THIS IS THE STARTING OF A BRAND NEW DAY

Le soleil se couche lentement, laissant une belle lueur orangée à l’horizon. Et bien que la route fut solitaire et l’endroit désert, Elsa Crawford admirait le magnifique ciel par la fenêtre, la tête appuyée sur le dossier de la banquette arrière. Elle vient à peine d’ouvrir les yeux. Peut-être avait-elle dormi, elle ne savait plus exactement. Elle tourne la tête et voit son père conduire. Elsa vit dans le rétroviseur une sorte d’inquiétude peinte sur son visage. Sa mère, assise du côté passager, avait les traits crispés et semblait retenir ses larmes.

- Papa, maman ? Est-ce que ça va ?

Sa mère pinça les lèvres.

- Ca va aller, dit son père.

Elsa allait poser d’autres questions, mais son attention fut attirée par l’établissement qui était apparu dans le paysage de désolation. C’était une grande bâtisse de couleur claire. De petites fenêtres étaient alignées sur plusieurs rangées, indiquant les différents étages. Des plantes grimpaient sur les côtés de la façade avant, ressemblant pour le coup à un cadre. Ce bâtiment était vieux, cela se voyait. Plus Elsa regardait, plus elle pensait que cet endroit avait quelque chose d’étrange et qui donnait des frissons, mais cela était hypnotisant à la fois, nous empêchant d’en détourner les yeux même si nous en étions effrayés.

La voiture ralentit doucement jusqu’à s’arrêter définitivement. Une plaque était dressée là, une inscription dessus. Cependant, à cause de plantes qui en recouvrait près de la moitié supérieure et l’écriture étant indistincte, Elsa ne réussit à intercepter qu’une partie depuis sa fenêtre.

St. John

Fondé en 1961

Elsa était venue suivre un programme d’été de l’université qu’elle va rejoindre à la prochaine rentrée. Ce programme se déroule sur plusieurs semaines pendant le mois de juillet à août, et est destiné à offrir aux lycéens, entre autres, l’occasion de se préparer à l’université et éventuellement prendre de l’avance sur leurs futures études. C’est ce que voulait Elsa : aller à l’université. Le seul fait de s’imaginer y aller apportait un doux parfum de nouveauté, de changement et de liberté. Combien de temps avait-elle attendu cela ?

Ses parents descendirent. Sa mère vint lui ouvrir sa portière et l’aider à sortir, tandis que son père se dirigeait vers le coffre de la voiture afin d’en prendre une toute petite valise. Tous deux l’accompagnèrent le long de l’allée qui traversait la cour déserte. Il y avait des sortes de parterres de fleurs ici et là, cherchant désespérément à égayer l’atmosphère, mais celles-ci avaient fané et ne constituaient plus que des broussailles aux côtés des buissons positionnés à plusieurs endroits. Elle s’attendait à un décor un peu plus joyeux. St. John avait définitivement un air triste et monotone.

Mais Elsa souriait. Elle était sur le point d’avoir un avant-goût de la vie universitaire. C’était quelque chose d’excitant, et c’est pour cela qu’elle ne comprit pas les regards inquiets de ses parents, marchant chacun d’un côté.

Avançant tranquillement vers l’entrée de l’établissement, Elsa tourna la tête vers sa droite et aperçut une silhouette mince et droite se tenant à moitié cachée par un arbre aux branches nues. C’état un jeune homme. Un beau jeune homme tout habillé de noir qui l’observait, son visage dénué de toute émotion. Il la suivit du regard jusqu’à ce qu’Elsa entre et ne puisse plus le voir.

Un homme en blouse blanche passa par-là à l’exact moment ou la petite famille fit son entrée. Il les accueillit. C’était sûrement un professeur. L’homme d’âge moyen se mit à leur parler en accompagnant machinalement ses paroles par des gestes de la main, mais Elsa n’écoutait point. Elle tentait d’avoir un angle parfait pour pouvoir jeter un coup d’œil dehors par la fenêtre à gauche de l’entrée. Elle recula de quelque pas et pu enfin percevoir l’arbre, mais aucune trace de celui qu’elle cherchait. Elle finit par abandonner et reporter son attention sur la conversation entre le professeur et ses parents.

- … Les inscriptions sont par-là, dit-il en pointant du doigt un comptoir non loin. Votre fille disposera d’une chambre par la suite. Ensuite, nous ferons tout notre possible pour qu’elle se sente bien. Vous verrez, tout ira pour le mieux.

Ses parents hochèrent la tête. Ils l’encadrèrent de nouveau, la tenant eu milieu, comme s’ils avaient peur qu’elle fuie. Ils allèrent vers le fameux comptoir, derrière lequel se tenait une femme au visage accueillant.

- Bonjour, dit-elle.

Ses parents donnèrent des renseignements à propos d’elle. Ils étaient… comme gênés. Que diable leur arrivait-il ? Elsa se plongea dans la contemplation du hall. Il n’y avait point de décoration, sinon quelques pots de fleurs à certains coins et des chaises alignées contre les murs. Ces derniers étaient sombres. Un escalier était visible sur la droite, il menait certainement au dortoir. Des gens de tout âge circulaient. Ce devait être les familles qui accompagnaient les inscrits en ce premier jour.

Après cela, Elsa fut conduite vers sa chambre. Minuscule chambre avec un simple lit sur la gauche, un bureau tourné vers le mur à droite, et une toute petite fenêtre avec de fins barreaux sur le mur d’en face. Son unique valise était sur son lit. Ne devait-elle pas avoir une colocataire ?

- Il est temps de partir, à présent.

Son père la prit dans ses bras l’espace d’une micro seconde et partit presque en courant. Elsa se retourna vers sa mère, qui elle, lui souriait tristement. Elle l’étreignit à son tour, plus longtemps, avant de disparaître.

Elsa redoutait la solitude. Elle avait peur de se retrouver seule, car c’est dans ces moments qu’elle perd tous ses moyens. Une noirceur grandit petit à petit dans sa tête, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus de contact avec la réalité ni avec elle-même. Dans ces moments, elle plongeait trop longtemps dans ses pensées, et dieu sait que sa tête n’est parfois semblable qu’à une grande chambre obscure, ne contenant que le noir et la souffrance en elle.

Mais elle irait bien, n’est-ce pas ? Après tout, cet endroit était destiné à la faire sortir de sa tête, à lui faire goûter la vie.

Elsa prit une grande inspiration et se dirigea vers la fenêtre. Elle aperçut son père et sa mère monter en voiture, prêts à quitter les lieux. Mais qui était donc cette troisième personne à l’arrière ? Son père dût faire demi-tour pour retracer le même chemin en sens inverse, et elle en était sûre : il y avait bien quelqu’un dans le siège arrière, là où elle était assise plus tôt. Ce quelqu’un, indistinct, tourna la tête lentement vers elle. La seconde d’après, il apparaissait debout au loin, puis finit par ne plus être là. Elsa fronça les sourcils. Tout s’était passé si vite… Le véhicule disparut de son champ de vision, et elle finit par décider de ne pas en faire toute une histoire.

« Mes yeux m’ont joué un tour, c’est tout ».

C’est alors qu’elle le vit. Le mystérieux jeune homme avait réapparu, toujours au côté de cet arbre qui à lui seul avait un côté effrayant. Ce garçon entouré de mystère attisait une certaine fascination chez Elsa. Cette fois un vague sourire sur les lèvres, il se tenait droit, de sa posture et son allure noble, les mains dans le dos et entièrement vêtu de noir. Et pour une raison qui lui échappait, il restait là, à l’observer, à la surveiller, pendant qu’Elsa se demandait pour la énième fois qui il était.

4: FEAR IS GROWING
FEAR IS GROWING

Le lendemain, Elsa se réveilla tôt. La première chose qu’elle fit fut de se demander qu’est-ce qui allait se passer à présent.

La veille, elle avait reçu de la visite. C’était une femme, qui était venue pour lui ramener son repas dans sa chambre. Elle avait un badge qui portait son nom. Becky, s’appelait-elle. Elsa lui posa des questions à propos de l’emploi du temps, du fonctionnement du programme, et ce qui se rapporte aux classes, espérant qu’elle aurait des réponses puisque personne ne lui a donné d’informations à ce sujet. Mais Becky ne fit que la regarder bizarrement et par quitter la pièce. En résumé, Elsa se retrouvait donc pour ainsi dire dans sa chambre, à… attendre ? Durant quelques heures, ses vêtements furent rangés, quelques uns de ses livres furent mis sur son bureau, et elle restait à l’écart des autres. Seules de rares personnes entraient de temps à autre dans sa chambre, lui donnant des conseils et ne cessant de lui rappeler que « tout ira bien ».

Ce matin, donc, Elsa se leva et s’assit à son bureau. Elle fixa le mur et demeura ainsi, comme en transe. Un certain temps s’était écoulé avant que la porte s’ouvre subitement et la fasse sursauter.

- Bonjour, dit la femme en entrant. Désolée de t’avoir fait peur. Bien dormi ?

Becky. Elsa sourit en guise de salut et se leva.

- Voilà ton petit-déjeuner, dit Becky.

Elle posa le plateau sur le bureau et se dirigea vers la sortie.

- Quelle heure est-il ? s’empressa Elsa de lui demander.
- Il est huit heures.
- Oh, merci.

Becky s’apprêta à sortir, mais elle fut arrêtée de nouveau par Elsa.

- Quand les cours débutent-ils ?
- Les cours ?
- Oui.

Becky la regarda quelques secondes avant de répondre.

- B-bientôt.

Elsa l’interrogea du regard.

- Dans quelques jours, ajouta rapidement Becky. Il faut d’abord faire des… préparations.
- Quel genre de préparations ?
- Tu verras.

Et Becky quitta la chambre au pas de course, cette fois pour de bon.

« Elle est un peu bizarre », se dit Elsa.

Elle se rassit à son bureau et prit tranquillement son petit-déjeuner.

Un instant après, on toqua de nouveau à la porte d’Elsa, mais cette fois elle fut priée de sortir et de suivre un homme à son bureau. Chose simple à faire, mais dès qu’elle franchit le seuil et se retrouva dans le couloir, elle poussa un cri. Cela alerta les personnes aux alentours. Le couloir, encore très normal quand Elsa y était passé la dernière fois, n’est devenu que cauchemar. Ce qu’elle a vu ne dura pas longtemps, mais la lumière avait diminué, laissant tout juste paraître des traces de sang au milieu de corps morts abandonnés au sol.

Elsa ferma instinctivement les yeux. C’est ce qu’elle faisait quand elle avait peur.

- Est-ce que ça va ? entendit-elle.

Non, ça n’allait pas. Que se passait-il ? Elle rouvrit les yeux et vit l’homme qui était venu la chercher en train de la scruter, tout comme les personnes présentes dans le couloir. Elsa détestait être le centre de l’attention.

- Désolée, s’excusa-t-elle. Ce n’est rien.

L’homme ne paraissait pas convaincu. Néanmoins, il se retourna pour continuer son chemin et Elsa le suivit, essayant d’ignorer les regards curieux dirigés vers elle.

- Bien, asseyez-vous.

Elsa obéit. A partir de ce moment-là, elle se sentit comme dans le vague. Elle entendait ce que l’homme lui disait. Il lui posait des questions à propos de sa capacité à travailler, d'avoir des rapports sociaux et de fonctionner dans la vie de tous les jours. Elle faisait de son mieux pour lui répondre, mais les mots s’étranglaient dans sa gorge, et la moitié de ce qu’elle disait était confus et incohérent. L’homme la regardait et l’écoutait attentivement, prenant des notes, l’air quelque peu inquiet mais bienveillant.

Elle reçut des instructions : à partir de huit heures, elle avait le droit d’aller dans la salle commune et dans la cour. Il était interdit de quitter la chambre après vingt-deux heures.

Après ça, elle alla dans le couloir avec appréhension. La vision qu’elle avait eu lui revenait encore. Mais rien d’effrayant ne se passa cette fois, sauf peut-être les regards hostiles que lui jetaient les personnes qui l’entouraient. Elle s’entoura de ses bras, comme si cela pouvait éloigner les autres ou lui apporter une quelconque protection. Ces visages qui la fixaient, ces expressions antipathiques et ces regards méprisants ne firent qu’accélérer l’allure d’Elsa. Des images de sang et de morts s’imposèrent de nouveau à son esprit. Des vagues de peur, de colère, de profonde tristesse l’envahissaient. Elle ferma les yeux pour pourchasser ces visions et émotions, mais cela ne l’aida point. Son but était de regagner sa chambre. Le réconfort et la sécurité de sa chambre.

Elsa se retrouva ainsi entre les quatre murs qui lui servaient de refuge. Elle s’allongea sur son lit et ferma les yeux. Toutes ses questions demeuraient sans réponse. Elle pouvait sentir une once de peur grimper au fur et à mesure en elle. Pourquoi ? Elle ne saurait pas exactement l’expliquer, mais pour une raison quelconque cet endroit lui donnait la chair de poule.

Tournant sur le côté, elle vit quelque chose sur son bureau. Un bout de papier plié. Intriguée, elle s’en approcha et le saisit.

« Are you, are you coming to the tree ? They strung up a man they say who murdered three. Strange things did happen here, no stranger would it be if we met at midnight in the hanging tree »

D’où venait ce mot ? Que voulait-il dire ? Et surtout, par qui était-il adressé ?

Ne sachant pas trop pourquoi, elle se dirigea vers la fenêtre. Le jeune homme était de nouveau là, mais semblait s’être rapproché un peu plus. Cette fois, Elsa eut tout le temps et le loisir de le détailler. Et c’est seulement au bout d’un moment qu’elle se rendit compte qu’elle le connaissait, et qu’elle put enfin attribuer un nom à ce visage.

Adam. C’était Adam.

5: TRUTH OR LIE?
TRUTH OR LIE?

Ses pieds et ses mains étaient attachés. Allongée, contrôlée. Sa respiration était saccadée. Les yeux grands ouverts, elle put en partie distinguer ce qui l’entourait. Une femme se tenait devant un plateau sur lequel gisaient des outils de médecine. Un homme qu’elle reconnaissait vaguement se tenait légèrement penché sur elle, quelque chose à la main. Elle sentit l’objet se poser sur ses tempes. Des électrodes.

- Arrêtez ! Lâchez-moi !

Elle se débattit aussi bien qu’elle le put, mais impossible de bouger. Elle tenta d’hurler, mais le choc électrique la traversa.

Elsa se réveilla en sursaut. Elle regarda frénétiquement autour d’elle, paniquée. Les quatre murs de sa petite chambre étaient là. La lune brillait dans la nuit noire et envoyait un peu de sa lueur dans la pièce. Elle avait la tête lourde et se sentait vidée. Son cauchemar semblait si réel… Des larmes montèrent à ses yeux clairs et s’en déversèrent immédiatement. Sa tête enfouie dans ses mains, elle tenta de se calmer.

- Ne pleure pas.

Elsa releva rapidement la tête. Cette phrase n’a été qu’un chuchotement, un chuchotement qui venait rompre un silence intense. Elle tendit l’oreille, ouvrit l’œil, mais rien ne se passa.

S’adossant de nouveau au mur, elle prit du temps pour réfléchir. Et sa principale préoccupation était le mot qu’elle avait trouvé sur son bureau.

« Are you, are you coming to the tree ? They strung up a man they say who murdered three. Strange things did happen here, no stranger would it be if we met at midnight in the hanging tree »

Adam l’invitait à le rejoindre à un arbre, un arbre où on a pendu un homme, car, disait-on, il avait assassiné trois personnes. Des choses étranges y ont eu lieu, d’après ses dires, et il estimait que ce ne serait pas plus étrange de se retrouver à minuit à l’arbre du pendu.

Mais où cet arbre se situait-il ? Et quelle était cette histoire de pendu ? Adam ne la lui avait jamais racontée, ni n’y avait fait la moindre allusion. Ou peut-être Elsa avait-elle oublié, qui sait ? Adam et elle parlaient de tellement de choses qu’elle n’était pas tout à fait sûre de se souvenir de tout ce qu’ils se disaient.

Elsa avait l’impression que ses pensées allaient à une vitesse ahurissante et se mélangeaient de façon à la faire nager dans la confusion comme jamais.

Elle se leva et se mit à faire les cent pas. Une autre question se posait : devait-elle aller le rejoindre ? Elle portait Adam dans son cœur depuis toujours. Pourquoi hésitait-elle à aller le retrouver ?

Quelque chose attira son attention et la fit s’arrêter net. Une feuille gisait là, au pas de la porte fermée. Elle s’en approcha. Est-ce que l’on avait glissé cette feuille sous la porte pendant qu’elle dormait ? Ou était-ce plus tôt, ou plus tard ?

Dépliant la feuille, elle découvrit ce qu’elle portait.

[Dessin se trouvant dans "album" à côté du sommaire de la fiction]

Accompagnant le dessin, une note semblable à la première.

 « Are you, are you coming to the tree ? Where the dead man called out for his love to flee. Strange things did happen here, no stranger would it be if we met at midnight in the hanging tree »

Encore une note. Bizarre. Elsa la relut à plusieurs reprises. C’était comme une suite à l’histoire du pendu. Cette fois, Adam disait que l’homme mort appelait son amour à filer. Toujours, des choses étranges s’y sont passées, et il pensait que ce ne serait pas plus étrange de se retrouver à minuit à l’arbre du pendu.

Mais la chose la plus étrange était les deux lignes sur le dessin. Ces deux lignes étaient rédigées par elle-même. Cette écriture petite et régulière était la sienne. Son écriture à elle. Or, elle n’avait aucun souvenir de les avoir écrites, encore moins d’avoir  fait ce dessin. C’était un beau dessin… Adam était plus capable qu’elle de faire un si joli dessin. Mais cela n’expliquerait pas le fait que son écriture à elle se trouve dessus, et n’en explique pas moins le sens de ces deux courtes lignes.

« Il m’a dit de dessiner ça

Il vient pour toi »

Elsa réfléchit aux possibilités de personnes que le pronom « il » dans les deux phrases puisse définir. Mais le « il » ne peut désigner qu’une personne, en fait. Adam. Sinon, qui d’autre viendrait pour elle ?

Toujours est-il qu’elle ne se rappelle pas avoir eu l’instruction de faire ce dessin. Car cette trouvaille suggérait qu’elle et Adam se seraient parlé, et si c’était vrai, elle l’avait oublié jusque là.

Elsa n’y trouvait là aucun sens.

Elle examina le morceau de papier portant un bout de l’histoire du pendu sous tous ses angles. Une belle écriture qui lui était inconnue formait ces mots si beaux mais ne manquant pas de lui faire froid dans le dos. C’est Adam qui lui a adressé ces quelques lignes. Qui d’autre pourrait-ce être ? Mais dans ce cas, pourquoi ne venait-il pas la voir ? Adam était si unique, si incroyable. Il lui manquait terriblement. Même si ces mots avaient une dose de frayeur en eux, Elsa voyait en eux une beauté singulière. Son envie d’aller le retrouver grandissait… Ses doigts jouaient avec le bout de papier et ses yeux ne pouvaient s’en décoller. Elle ne pouvait s’empêcher de se demander… Tout ceci était-il réel ?

Elsa n’était plus sûre de ce qui était vrai et ce qui ne l’était pas. Elle voyait des choses étranges, entendait des choses étranges. Sa notion de la réalité n’était plus la même.

Réalité ou mensonge ? Cela restait à vérifier.

6: DEATH IS KNOCKING
DEATH IS KNOCKING

Elle allait le faire. Elle allait rejoindre Adam.

Cette décision a été prise soudainement, à son réveil. Son désir de le revoir n’avait cessé de s’accroître ces dernières heures, depuis qu’elle a trouvé le dernier message au pas de la porte. Car par miracle, elle avait réussi à s’endormir après maintes tentatives, le cauchemar qu’elle avait fait l’empêchant de fermer les yeux.

Elsa se sentait bien ce jour-là. Malgré le manque de sommeil, elle se sentait de bonne humeur, notamment suite à l’idée de revoir celui qu’elle aimait. Comme les jours précédents, Becky entra avec un plateau portant son petit-déjeuner. Elle se montra gentille, ainsi qu’elle l’avait été depuis qu’elle la connaissait.

- Merci, se contenta de dire Elsa.

Le plateau reposait sur le bureau. Elsa s’y était installée pour déguster le modeste repas. La porte de sa chambre devait normalement se refermer dans un léger claquement, signalant le départ de Becky. Mais elle ne le fit pas.

Elsa se retourna et vit Becky debout derrière elle. Son expression douce avait disparut. Ses traits étaient tendus et elle arborait un air grave.

- Tiens, avale ça.

Elle lui tendit un verre d’eau d’une main, et un petit récipient de l’autre.

- Qu’est-ce que c’est ? voulut savoir Elsa.
- Des comprimés.
- Quoi ?

En effet, il s’agissait bien de comprimés dans le récipient que voulait lui donner Becky.

- Avale-les. Il le faut, pour te soigner.
- Mais…

Elsa était dans l’incompréhension. La soigner ? Mais elle n’avait nullement le besoin d’être soignée ! Elle recula d’un pas, méfiante.

- De quoi vous parlez ? Je… Je n’ai pas besoin de médicaments.
- Ne fais pas d’histoires.

Becky s’avança vers elle.

- Non… murmura Elsa, ayant reculé progressivement jusqu’à être collée à la fenêtre.

Becky arriva à un pas d’elle.

- Elsa, s’il te plait, lui dit-elle l’air de la prévenir.

Elsa tenta de fuir.

- Attrapez-là !

Deux hommes firent irruption dans la pièce et tinrent chacun un de ses bras afin de neutraliser la jeune fille.

- Non… Non !

Becky revint à la charge et Elsa devint hystérique. Elle donnait de coups et se débattait, la peur grimpant à toute allure. Mais tous ses cris et ses efforts furent en vain. Car elle finit par avaler les comprimés de force. Criant et s’agitant encore plus fort, elle aperçut brièvement une seringue dans les mains de Becky avant de sombrer dans le noir.

Les yeux d’Elsa s’ouvrirent d’un coup et elle se leva brusquement. Haletante, elle regarda son lit défait, son bureau sur lequel reposaient ses livres en vrac, le soleil levé à l’horizon par la fenêtre.

« Encore un cauchemar ».

Elsa avait entendu plusieurs rumeurs à propos de St. John. Et ayant effectué des recherches, ces rumeurs s’avérèrent être vraies : l’université St. John avait autrefois été un hôpital psychiatrique. Un asile, en d’autres termes. L’idée d’y aller lui avait donné la chair de poule, mais elle se doutait bien que l’endroit serait différent que comme il l’avait été bien avant. Est-ce que cela était la raison de ces cauchemars ? Etait-ce la petite mais néanmoins irrépressible inquiétude de se retrouver dans un ancien asile ? Ou y avait-il une toute autre raison, qui elle, n’aurait aucun rapport avec les origines de St. John ? Peut-être y avait-il même d’autres explications probables qui lui échappaient.

Elsa recouvrit son visage de ses deux mains. Elle prit de grandes bouffées d’air jusqu’à retrouver une respiration régulière. Néanmoins, ses membres tremblaient toujours, et une grande fatigue semblait s’être emparée d’elle.

Ayant retrouvé le courage de rouvrir les yeux, elle constata que les deux bouts de papiers – les messages d’Adam – étaient éparpillés par terre. Sans doute étaient-ils tombés au moment où elle s’est endormie. Mais elle ne savait plus vraiment quand elle s’est assoupie ni de quelle manière. Encore une fois, son cauchemar paraissait effrayamment réel, si bien qu’elle avait la vague impression que c’était vrai. Mais évidemment, ça ne l’était pas. Ce n’était qu’un cauchemar, rien d’autre.

Elle fourra les mains dans ses poches en regardant le soleil se lever au loin. Ce beau spectacle la rassura un tant soit peu, et la garda occupée pendant un moment. La lumière s’insinuait tout doucement dans la minuscule pièce, l’emplissant peu à peu de sa chaleur, et chassant la froideur et la peur que lui suscitait la nuit.

Le soleil était légèrement monté quand elle sentit quelque chose dans sa main. Ses doigts s’étaient refermés sur ce qui semblait être un bout de papier.

C’est ainsi qu’elle découvrit le message supplémentaire qui venait s’additionner aux deux précédents.

« Are you, are you coming to the tree ? Where I told you to run, so we'd both be free. Strange things did happen here, no stranger would it be if we met at midnight in the hanging tree »

« Oh, non ».

Tout d’un coup, Elsa en eut marre. Marre de ces énigmes, marre de cet endroit et de tout ce qui en était lié. Elle n’aurait jamais cru penser ça avant, mais elle s’en fichait maintenant de ce programme d’été. Elle allait rentrer à l’université à la rentrée prochaine. Ici elle avait peur, et pour le moment, tout ce qu’elle voulait était de rentrer chez-elle. Rentrer retrouver ses parents, le confort ainsi que la sécurité qu’offrait son bon vieux chez-soi.

Mais elle ne pouvait pas partir comme ça. Se le permettrait-elle ? Seulement, quoi, une semaine s’était écoulée depuis son arrivée ? Peut-être deux, ou même presque trois. Elle ne savait pas exactement – le temps semblait passer au ralentis, avait-elle l’impression -, mais ce devait être dans ces alentours. Plusieurs jours en tout cas, et pas une seule fois elle ne s’était sentie tout à fait à l’aise dans cet endroit. Et surtout pas en sécurité. Il se passait quelque chose à St. John, quelque chose de douteux, et elle ne voulait pas y rester plus longtemps. Elle devait partir.

Cependant, elle devait faire quelque chose avant. Elle devait aller voir Adam. C’était là une obligation, une nécessité. Adam l’obsédait. Et cela au point de le voir partout, d’en rêver la nuit. Leur rencontre était seule le moyen d’assouvir cette immense envie qu’elle avait de revoir son sourire.

Elsa ne comprenait pas où il voulait en venir avec tous ces messages qui pour elle, n’avaient pas plus de sens que ça. Il désirait la voir, oui. Mais pour le reste ? Elle comptait lui demander des explications. Elle les aurait le soir même. Elle se rendrait à minuit à l’arbre du pendu. Peut-être était-ce cet arbre qu’elle pouvait apercevoir depuis sa fenêtre et devant lequel se tenait Adam ? Oui, c’était bien cela. A minuit elle s’y rendrait, que cela soit interdit ou pas.

Elle allait le faire. Elle allait rejoindre Adam.

Un hurlement retentit non loin de là et interrompit les réflexions d’Elsa. Se demandant brièvement quelle avait été l’origine du bruit, elle se remémora ses propres hurlements dans son cauchemar. Un frisson la parcourut tandis que les images lui revenaient aussi nettes qu’elles l’avaient été durant son sommeil.

- Bonjour.

Elsa sursauta violement. C’était Becky.

« Tu dois te calmer. Ce n’est que Becky. Rappelle-toi: ce n’était rien de plus qu’un cauchemar »

Elle resta néanmoins le plus loin possible de la femme.

Plus tard, Elsa se rendit à la salle commune. Cette pièce lui paraissait bondée, tellement elle s’était tenue à l’écart de tout être humain jusque là. Elle qui n’aimait pas être seule avait quand même choisi de rester isolée. Et maintenant qu’elle voyait ces visages tournés vers elle, son désir de retourner dans sa chambre revenait. Mais non, elle n’y retournerait pas pour le moment.

Elsa revint sur ses pas voulant retrouver son chemin, et tentant de ne pas se perdre dans le dédale de couloirs. Elle croisa sur son chemin plusieurs personnes, mais n’y prêta pas attention. Aucune d’elles ne vint lui parler ou l’empêcher de continuer sa marche, et elle profita de cette liberté. Descendant des marches, elle reconnut la grande entrée telle qu’elle l’avait été au moment de son arrivée. Rien n’avait bougé. Elle se souvient comme elle était contente le premier jour, et de quelle manière cela s’est réduit à son humeur actuelle. A savoir l’humeur je-ne-sais-pas-trop-ce-que-je-ressens. Pour l’instant, tout ce qu’elle voulait était d’atteindre la cour.

Et la cour, Elsa y était enfin. A peine avait-elle franchit le seuil de la porte d’entrée, qu’elle s’était mise à chercher du regard le fameux arbre.

« C’est celui-là, j’en suis sûre ».

Un pas après l’autre, elle avançait vers cet arbre machinalement. Ses pieds la guidaient dans l’allée. Cet arbre, grand et aux branches presque entièrement nues, avait absorbé toute son attention, toute sa concentration. Elle se sentait comme en train de flotter, l’esprit vide, ses yeux et son esprit rivés sur l’arbre et rien d’autre. Ce moment lui était pour le coup très étrange, presque irréel. Mais elle ne pouvait pas s’en inquiéter, trop occupée par sa contemplation.

Tellement occupée que le retour à la réalité fut violent. Une main s’était abattue sur son épaule et une autre agrippa son bras de manière forte. Elle eut de plus en plus mal tandis que les deux mains la serraient. Elle essaya de se dégager, mais elle ne pouvait se défaire de la forte poigne qui bloquait son bras.

- Quels jolis yeux tu as là. Tu dois voir bien de choses à travers eux, des choses que d’autres sont incapables de voir. Mais moi aussi, j’ai des yeux comme les tiens ! Et ce n’est pas toujours drôle, n’est-ce pas ?

C’était un jeune homme qui devait avoir à peu prêt le même âge qu’elle. Il avait parlé vite et avait terminé avec un petit rire. Elsa voulut le repousser mais elle ne put s’empêcher de faire le contraire. Elle le regarda simplement. Peut-être que c’était dû au fait que sa voix lui rappelait celle d’Adam.

- Qu’est-ce que tu veux dire ?

Il détailla un instant son visage.

- Tu dois le tuer.
- Le… tuer ?
- Le démon qui est en toi ! Tue-le ! Mais fais attention, car tu peux difficilement le tuer sans te tuer toi-même.

Cette fois, les mots de l’individu commençant à devenir inquiétants, Elsa voulut partir. Elle se dégagea et se mit à courir vers l’intérieur de l’établissement.

- Les illusions sont partout. Partout ! cria une dernière fois l’inconnu.

Elsa, tel un ouragan, remonta l’escalier et courut le long de plusieurs couloirs avant d’arriver à sa chambre et de s’y cloîtrer. Les heures passèrent lentement, toutes semblant être les mêmes. Puis l’heure où ça allait changer, où Elsa aurait enfin des réponses arriva.

Elle se dirigea vers la porte et se rendit compte très vite qu’elle était verrouillée. Elle se rappelait avoir demandé un jour à Becky pourquoi les portes des chambres étaient verrouillées la nuit, à partir de vingt-deux heures.

- C’est pour votre sécurité, lui avait-elle déclaré. Nous ne voudrions pas… Eh bien, qu’il arrive malheur à quelqu’un.

Seulement cette réponse avait amené par la même occasion une question. Quel danger pouvait-il y avoir pour prendre ces précautions afin de préserver la sécurité ? St. John… Endroit qui ne cessera de causer des tourments à Elsa.

Quoiqu’il en soit, la porte était fermée, et elle devait sortir. C’est là qu’Elsa se rendit compte qu’elle n’avait pas réfléchi. Elle n’avait pensé qu’à son but, et pas un seul moment elle n’avait songé à la manière d’y arriver. Sans plan élaboré, elle se tenait impuissante devant cette porte qui ne s’ouvrirait certainement pas toute seule. Elle secoua la poignée comme si cela allait lui être d’une quelconque aide. Agacée, elle soupira. Au moins une minute passa, et une solution lui vit en tête.

« Espérons que ça marche ».

D’une main, elle ôta l’épingle à cheveux qui retenait quelques une de ses mèches en arrière. Retournant à la porte, elle l’inséra dans la serrure et se mit à la remuer un peu au hasard, ne sachant exactement comment s’y prendre. Elle avait vu ce geste une tonne fois à la télévision, mais n’a jamais vraiment su comment faire afin de crocheter la serrure.

« Allez, il faut que ça marche. Ca marche toujours dans les films ! ».

Un cliquetis finit par se faire entendre. Avait-elle réussi ? Elle agrippa la poignée et la tourna doucement. Tirant légèrement la porte, elle retint un cri de joie quand elle vit que celle-ci s’ouvrait.

Elsa sortit la tête dans le couloir afin de vérifier qu’il n’y avait personne. Par chance, il était désert, et elle put s’élancer aussi vite mais discrètement qu’elle le pouvait. Elle ralentit à un moment. Devait-elle aller à gauche ou à droite ? Puis elle se figea, croyant avoir entendu un bruit au tournant à gauche. Pire, elle reconnut le bruit comme étant des bruits de pas, et elle aperçut une lumière approcher. Revenant sur ses pas, elle se dirigea vers un coin sombre et s’y cacha. Elle se gifla mentalement, se disant qu’elle était fichue à présent, qu’elle serait repérée et qu’elle aurait des problèmes. Mais elle put respirer de nouveau, soulagée de constater que la personne n’avait pas emprunté le couloir dans lequel elle était, mais qu’elle avait continué tout droit. Elle se risqua à aller vérifier si l’individu était parti.

Il l’était.

Se remémorant le bon chemin, Elsa le suivit jusqu’à arriver à l’escalier qui menait à l’entrée. La peur de se faire surprendre lui avait noué le ventre tout le long. Et elle ne serait pas complètement tranquille jusqu’à avoir adressé la parole à Adam.

Son but était proche. La porte d’entrée était là, elle n’avait plus qu’à la franchir puis courir le plus vite possible vers l’arbre et trouver le moyen de se cacher là. Sa volonté d’y arriver était très forte, et celle-ci lui fera réussir. Descendant les marches une à une dans une extrême discrétion, elle arriva à la porte. Entendant des voix approcher, elle se rua dehors.

Trop tard.

- Eh, vous là-bas ! l’interpella une voix d’homme.

La porte se ferma dans un grand bruit, et Elsa fit de son mieux pour atteindre l’arbre à temps.

- Adam ! appela-t-elle.
- Elsa.

Il apparut de derrière l’arbre.

- Tu es venue, sourit-il.

Elsa sentit la joie remplir son cœur.

- Adam, je suis tellement contente de te voir, je…
- Revenez, vous n’avez pas le droit d’être ici !

Se retournant un seconde, elle vit que deux hommes venaient dans sa direction en l’interpellant.

- Tu devrais y aller, dit Adam.
- Mais… J’ai des questions. Et puis, je veux rester avec toi.
- Tu ne peux pas rester.

Elsa fut déçue.

- C’était quelque chose d’horrible. J’aurais aimé que tu ne voie pas ça, dit Adam sur un ton grave.
- De quoi parles-tu ?
- Au revoir, Elsa. N’oublie jamais que je t’aime.

Sur ce, une main lui agrippa le bras et la fit tourner.

- Les ballades nocturnes ne sont pas autorisées, dit l’un des deux hommes.
- Quel est ton nom ? demanda l’autre.
- Elsa Crawford.
- Eh bien, Elsa, nous allons te ramener à ta chambre, d’accord ?

Elsa se fichait royalement de ce qu’ils disaient. Elle leur tourna le dos pour reparler avec Adam. Mais il n’était plus là. Il était partit. Il était partit, elle n’avait pas pu le voir plus de quelques secondes, et cela la rendait dingue.

- Tu dois nous suivre à présent.
- Non ! Laissez-moi tranquille ! cria Elsa.

Elle se remit à courir, mais bien évidemment, elle ne tarda pas à se faire rattraper. Elle se débattit un instant, mais se résigna vite à abandonner. A quoi bon ? Elle était affreusement épuisée de tout ce cirque. Elle allait se laisser faire, c’était tout. Elle était faible, impuissante, et désespérée.

Retour à la chambre. Cette fois, la porte a non seulement été verrouillée à clef, mais quelqu’un s’est posté dans le couloir afin de garder un œil sur elle en particulier.

Voilà tout. Tout cela n’avait pas servi à grand chose. Elsa n’avait pas eu les réponses qu’elle convoitait tant.  Mais le fait d’avoir revu le jeune homme était le plus important. Ces quelques secondes avec lui auront réussi à la rendre heureuse durant un instant.

C’était pleine de sentiments contradictoires qu’Elsa s’avança vers la fenêtre. Et elle n’en cru pas ses yeux.

Adam était debout à l’observer, comme les précédentes fois. Quelques secondes s’écoulèrent, et il pointa son index vers quelque chose non loin de lui. L’arbre. Très vite, Adam se retrouva assis sur une branche assez haute. Lentement, et presque de manière théâtrale, il attacha une extrémité d’une corde à la branche. Tandis que l’autre, il en fit un nœud… Nœud qu’il mit autour de son cou.

- Adam, que…

Le jeune homme releva la tête et ses yeux se posèrent de nouveau sur elle. Son regard portait tout son amour pour elle. Il lui sourit tendrement.

- Non…

Un dernier regard, un dernier sourire.

- S’il te plait… supplia-t-elle dans un sanglot.

Adam sauta.

Elsa en eut le souffle coupé.

Adam était mort.

Pendu.

7: THE CHAOS OF REALITY
THE CHAOS OF REALITY

Une effroyable douleur s'était accaparée d'elle. Le souffle toujours coupé, les battements de son cœur qui retentissaient à ses oreilles et qui martelaient ses tempes, son corps tout entier restait paralysé.

« Je viens d'assister à la mort d'Adam ».

Cette pensée revenait tel un insupportable écho qui ne cessait de résonner dans sa tête.

Après ce long moment où tout était resté figé, quelque chose en elle se brisa et ses larmes jaillirent de manière subite et incontrôlable. Mais celles-ci se calmèrent un tant soit peu quand ses yeux se posèrent sur quelque chose qui reposait juste là, sous son nez, sur le rebord de la fenêtre.

« Are you, are you coming to the tree ? Wear a necklace of hope, side by side with me. Strange things did happen here, no stranger would it be if we met at midnight in the hanging tree »

Un espoir inattendu vint monter en elle. Se pouvait-il qu'Adam ne soit tout compte fait pas mort ? Était-ce seulement possible, qu'elle l'ait vu mourir mais qu'il ne le soit pas ?

Non, cela était impossible. Et pourtant, le jeune homme se manifesta juste au moment où Elsa avait décidé d'abandonner l'idée délirante et farfelue qu'il soit en vie.

- Coucou, fit-il doucement.

Elsa sursauta, ses mains se crispant sur le rebord de la fenêtre, les yeux grands ouverts de stupeur. Elle se retourna lentement, prudemment. Adam était assis tranquillement sur son lit. Il avait les traits détendus, l'air plus calme que jamais. Une vague d'effroi mêlé de soulagement submergea la jeune fille. Evidemment, elle était heureuse de constater qu'Adam se portait bien, mais comment diable s'était-il retrouvé là ? Comment, après qu'elle l'ait vu se pendre à un arbre depuis sa fenêtre, Adam avait-il trouvé un moyen de rentrer dans sa chambre à l'unique entrée verrouillée, et ce d'une telle discrétion qu'elle n'avait aucunement soupçonné sa présence ?

- Je suis venu te voir une dernière fois, reprit-il devant une Elsa blême et proche de l'évanouissement.

Poussant un long soupir, cette dernière s'assit à côté de lui.

- Veux-tu bien m'expliquer, s'il te plait, ce qu'il se passe ? Je n'en peux plus de réfléchir. Je suis fatiguée. Tout ça est tellement bizarre et je n'y comprends rien...

- J'ai toutes les réponses que tu souhaites avoir.

- Alors parle, je t'en prie !

Adam pencha légèrement la tête sur le côté, comme interloqué. Mais l'expression de son visage n'avait en rien perdu son calme absolu.

- Je les ai tués.

Elsa écarquilla les yeux.

- Je ne suis pas sûre de comprendre.

- Je les ai tués. Mes parents. Tous trois, nous mourions à petit feu par ma faute. Par ma simple existence, je les ai tués. Et j'ai fini par périr aussi.

Il lui tint la main.

- Et puis tu es arrivée, et tu m'as aidé à survivre. Seulement, il est arrivé quelque chose à laquelle malheureusement tu as assisté. C'était quelque chose d'horrible. J'aurais aimé que tu ne voie pas ça.

- De quoi s'agit-il ?

Adam ignora sa question.

- Le bureau au bout du couloir. Tu y trouveras ce que tu cherche. Et...

De nulle part, il sortit une corde.

- Je sais que tu veux le faire. Mais rappelle-toi que ce sera ta seule volonté, car malgré tout j'espère que tu ne t'en serviras pas. Quoiqu'il en soit, et quelque soit ton choix, je t'attendrai.

Elsa ferma les yeux, voulant se reprendre. Elle chercha les bons mots à prononcer, mais quand elle rouvrit les yeux, Adam n'était plus là. Inspectant la chambre, elle constata que toute trace du passage d'Adam s'était envolée.

Frustrée au plus haut point, elle essaya de contenir sa colère longtemps réprimée. Elle finit par se lever et faire les cent pas en rond dans sa chambre.

« Le bureau au bout du couloir. Tu y trouveras ce que tu cherche ».

Très bien. Maintenant, Elsa devait trouver un moyen de sortir de là pour la deuxième fois cette nuit-là. N'arrivant pas à se concentrer entièrement, elle alla à la porte. Quelqu'un était posté devant celle-ci afin de la surveiller, à cause de sa première fuite. Bouillonnant d'envie d'avoir des réponses, elle se fichait de faire n'importe quoi, son seul objectif pour le moment était de sortir.

Elsa frappa à la porte, doucement. Elle perçut le bruit presque inaudible de l'agitation de la personne de l'autre côté. Elle recommença, puis tout de suite après, elle entendit une clef entrer dans la serrure, et tandis qu'elle tournait, elle alla se coller au mur juste devant la porte. Celle-ci, s'ouvrant à l'intérieur, cacha Elsa au moment où l'homme chargé de la surveiller rentrait. Elsa retenait sa respiration. L'homme balayait la chambre de la lumière de sa lampe torche, s'attardant sur le lit. Certainement intrigué, il s'avança un peu plus, laissant un petit passage vers le couloir.

« Dans 3, 2, 1... »

Elsa marcha à pas de loup jusqu'au seuil puis s'élança dans le couloir, allant immédiatement à droite. Le bureau était là, à quelques mètres. Si elle courait très vite, elle y arriverait et s'y cacherait. Ses pieds nus ne faisaient aucun bruit sur le carrelage froid, mais l'homme ne tarderait pas à comprendre ce qu'elle avait fait, ce qui ne lui laissait que quelque secondes pour accomplir sa tâche.

Ces quelques secondes lui suffirent à arriver à agripper la poignée de la porte. Sur le coup, elle eut peur que celle-ci soit verrouillée, mais elle s'ouvrit sans problème, lui laissant le passage libre vers l'intérieur.

Elsa s'accorda deux secondes pour respirer, et se rendit compte qu'elle s'en était sortie de justesse : à peine avait-elle refermé la porte du bureau qu'elle entendit des pas en dehors, rapidement suivis par d'autres, qui indiquaient que les personnes couraient à sa recherche.

Elle avait encore un peu de temps, osa-t-elle espérer. Il y avait de fortes chances qu'ils aient le réflexe de bloquer rapidement toutes les issues et d'aller vérifier la cour en premier avant de fouiller l'établissement.

Le bureau n'était constitué que de quelques meubles de base. Aussi, Elsa se dirigea directement vers celui qui semblait contenir des dossiers, ayant l'intuition que ses réponses étaient enfermées là. Des étiquettes étaient collées sur les tiroirs, chacune indiquant un groupe de lettres. Elsa fouilla les dossiers classés dans la lettre « J », et chercha le nom d'Adam. Il y avait bien des Johnson, mais pas d'Adam Johnson. Cherchant de part et d'autre un nom familier, elle se retrouva à farfouiller parmi les dossiers appartenant à la lettre « C ». « C » comme Crawford. Elle prit le dossier et se mit à le parcourir.

La fiche index portait les informations suivantes :

Crawford, Elsa

Née le: 13 Juillet 1997

Date d'admission : 19 juin 2015

Raison d'admission : Schizophrénie

Homicide : Non

Guéri(e) : Non

Les pages suivantes étaient noircies par ce qui était indiqué être des notes des médecins et des évaluations du personnel.

Elsa tournait les pages, n'en revenant pas. Chaque mot qu'elle lisait était semblable à un coup au ventre.

La porte s'ouvrit brusquement, faisant sursauter la jeune fille si violemment qu'elle lâcha le dossier dont les pages s'envolèrent ici et là. Deux hommes lui agrippèrent les bras et essayèrent de la traîner avec eux, comme l'autre fois, plus tôt dans la nuit. Mais cette fois elle essaya de se défendre.

En vain.

Et ce fut le noir complet.

Après ce qui lui semblait n'être que quelques secondes mais en vérité avait duré un long moment, elle se réveilla. La première chose qu'elle vit fût le plafond blanc de sa chambre. Se rasseyant lentement dans son lit, elle remarqua l'homme et les deux femmes aux visages familiers ainsi que ses parents qui l'entouraient. Mais et... et...

- Adam ! s'écria d'un coup Elsa. Où est Adam ?

Les visages de ses parents se décomposèrent. Son père se pencha légèrement vers elle.

- Elsa... Adam est mort. Il y a quelque temps, déjà. Tu... Tu ne t'en souviens pas ?

Elsa sentit quelque chose se briser en elle. Elle secoua lentement la tête pour à la fois répondre à la question de son père, et essayer de se convaincre que ce n'était pas vrai.

- Il a été tué. Il était dans une situation difficile, Elsa, et... Il est parti.

- Tué ? Mais par qui ? demanda Elsa, horrifiée.

Ses parents se regardèrent, bouleversés.

- Elsa. Te souviens-tu d'Adam ? De son histoire ?

- Je...

Elsa fouilla dans sa mémoire. Puis, les mots se déversèrent de sa bouche sans qu'elle puisse les contrôler.

- Adam est mon petit-ami. Je l'aime et il m'aime aussi. Nous avons une relation fusionnelle. Sa mère est morte depuis deux ans dans un accident de voiture. Son père est violent, quelques fois, il a même failli me faire du mal un jour. Mais Adam était là pour moi. Parfois, Adam ne se sentait pas bien. Il disait que c'était à cause de son père. Mais il retrouvait vite le sourire. J'aime son sourire.

Un silence s'installa, où Elsa se demanda comment elle avait pu oublier cette histoire. Ces détails étaient revenus d'eux-mêmes, alors qu'elle ne s'en rappelait pas encore il y a deux minutes. Puis, elle éclata en sanglots.

- Il est mort ! cria-t-elle. Qui l'a tué ? Qui ?!

- Calme-toi, ma chérie, murmura sa mère en se rapprochant d'elle. Nous allons tout t'expliquer.

Elle lança un regard alarmé à son mari. Celui-ci prit la parole, la gorge serrée.

- Hum... Voilà l'histoire comme tu nous l'as racontée. Tu étais avec Adam ce soir-là. Chez-lui. Apparemment, vous n'aviez pas prévu que son père rentrerait à la maison – du moins, pas si tôt – et encore moins qu'il serait ivre. Pour une raison inconnue, il aurait déchaîné sa colère sur toi. Adam, naturellement, a prit ta défense, et... et ça a mal tourné. Une violente dispute a éclaté. Adam suivit son père à l'étage pour s'expliquer, puis son père l'a poussé. Il l'a poussé dans les escaliers et Adam a dégringolé avant de tomber à tes pieds.

Il marqua une pause.

- A ce moment, tu t'es enfuie. Son père t'a couru après mais a vite renoncé en voyant que tes cris alertaient déjà le voisinage. Il a prit sa voiture et a fui. Adam a été retrouvé le lendemain pendu à un arbre à l'arrière de la maison. Malgré son empressement, il semblerait que son père ait prit le temps de l'accrocher là. Peut-être le fait de le pendre était destiné à masquer le meurtre – ou accident ? – en suicide, mais c'était absurde vu qu'il était évident qu'Adam était mort la nuque brisée et non pas par strangulation. Son père, lui, fût retrouvé plus tard mort. Il s'était suicidé.

- Suite à ça tu as fait une grave dépression... continua sa mère. Et tu as eu des problèmes par la suite. Des problèmes... dans ta tête. Tu n'étais plus toi-même. C'est pour ça que tu es ici aujourd'hui.

L'homme, qui se présenta en tant que médecin, prit la parole.

- Nous devions définir la maladie dont vous souffrez. Nous ne saurions indiquer les causes exactes de la schizophrénie, mais les symptômes sont là : les hallucinations, les délires, la difficulté à se concentrer, la perte d'énergie et de motivation, et j'en passe. Les effets du traitement de la schizophrénie dépendent du patient et sa réaction face aux médicaments, ainsi, le traitement à l'électrochoc est parfois nécessaire, et je vous prie de m'excuser si cela vous parait extrême, mais cela peut s'avérer être...

Mais Elsa n'écoutait plus. Adam, mort ? Non. Tué sous ces yeux, qui plus est ? Non. Adam était en vie, faisant ses merveilleux dessins chez lui. Ils suggéraient qu'elle était folle, mais non. Elle n'était pas folle.

« Date d'admission : 19 juin 2015

Raison d'admission : Schizophrénie »

Elsa en était certaine, elle était une personne parfaitement saine d'esprit. Pourquoi tout le monde s'acharnait-il à lui prouver le contraire ?

« Guéri(e) : Non »

Elsa était normale, tout à fait normale. Tout ce qui était arrivé était dû à la fatigue et au stress, rien de plus.

« Je ne suis pas folle. Je vais bien, ce n'est qu'un malentendu. Ils finiront par me croire et je sortirai d'ici. Oui, je sortirai d'ici, et j'irai à l'université à la rentrée prochaine, et je retrouverai Adam. Il n'est pas mort. Il ne peut pas être mort... »

Mais même si elle refusait de l'admettre, cela rendait les choses claires. Les messages, malgré qu'ils semblent être rédigés d'une écriture différente de la sienne, étaient bien écrits par elle-même. Le dessin avec l'inscription dessus a été fait par elle-même, aussi. Ils étaient peut-être disposés de manière à faire croire que quelqu'un d'autre les lui a adressés, mais elle seule en est l'auteure. Adam est mort et ne lui a jamais demandé d'aller le rejoindre à l'arbre du pendu – le pendu étant Adam lui-même, et le rejoindre impliquant le fait qu'elle se pendrait elle aussi. Toute cette histoire, toute cette mise en scène générée par son esprit : ceci était dû à sa propre envie d'aller le rejoindre. Mourir pour le retrouver, c'est ce qu'elle souhaitait.

Le reste n'avait été qu'illusion. L'université de St. John ? Non, l'institut psychiatrique St. John. Et ces cauchemars qu'elle faisait ? Les électrochocs, les piqûres, les médicaments, les personnes déambulant dans les couloirs avec une mine triste. Ce qu'elle croyait être faux était en vérité vrai. Mensonge et réalité ont été inversés.

La nuit tombée, Elsa contempla le bout de paysage qu'elle pouvait percevoir depuis sa chambre. L'allée jusqu'à la sortie, les quelques plantes sur les bords, et le fameux arbre qui se tenait là, grand au branches nues, lui rappelant cette affreuse histoire qui lui a fait perdre la tête. Paysage de désolation, ainsi qu'elle l'avait pensé en arrivant ici pour la première fois.

Elle revoyait encore Adam. Que ce soit des souvenirs de lui en train de lire, de dessiner, ou tout simplement en train de sourire. L'avoir revu devant cet arbre en train de l'observer et où elle-même pouvait le regarder témoignait d'à quel point il lui manquait. Et d'une certaine manière, il était toujours là. Il était toujours là et il l'attendait.

Il l'attendait...

Elsa se retourna vers la porte. Celle-ci était certainement verrouillée, vu l'interdiction de quitter la chambre après vingt-deux heures. Elle avait épuisé son stock de méthodes pour sortir de cette pièce, et jamais plus elle ne pourrait en sortir sans autorisation.

« Tant pis ».

Comme hypnotisée, Elsa se rapprocha de son lit. Elle défit les draps et les enleva complètement. S'asseyant par terre, elle en confectionna une corde improvisée. Ensuite, elle se leva et retourna à la fenêtre. Elle sourit en regardant une dernière fois l'arbre du pendu. Prenant une extrémité du drap, elle l'attacha à la poignée de la fenêtre. Montant sur le bureau juste à sa gauche, elle enroula l'autre extrémité autour de son cou et en fit un nœud serré. Elle, petite être fragile, ne tarderait pas à perdre la vie rien qu'en faisant un pas.

Un pas, et elle se retrouva pendue à cette poignée de fenêtre, les bras ballants, les pieds à quelques centimètres du sol, la tête penchée sur le côté, et surtout, sans vie.

Et ainsi, ayant mit son collier d'espoir, Elsa s'en allait vers un monde incertain. Un monde incertain qui, elle l'espérait bien, renfermait ce qu'elle avait de plus cher et perdu à ce jour.

FIN