Prologue

Prologue – An invitation to my personal disaster.

«Rien n'imprime si vivement quelque chose à notre souvenance, que le désir de l'oublier » - Michel de Montaigne.

27 octobre 2010.

Cher journal,

Je fais tout pour oublier cette année… Mais je n'y arrive pas. Je me souviens chaque détail, chaque seconde de souffrance que j'ai passé. Moi, et mes plus proches amies avons fait des choses inavouables. Des choses tellement terribles… Et pourtant nous avions toujours trouvé un moyen de nous en sortir. Du moins, jusqu'au jour où notre petit jeu a pris une tournure différente. Nous étions dans une situation qui nous échappait. Nous étions toutes sous control, et nous sommes devenues de vulgaires marionnettes entre les mains de quelqu'un qui décidait de ce que l'avenir nous réservait…

Aujourd'hui j'ai peur. Peur que cette personne ne s'attaque à moi, encore une fois… J'en suis consciente, tout est de ma faute, je me suis transformée en un véritable monstre. Comment cela a-t-il pu m'arriver ? J'ai menti, trahi, et pire encore. C'est pour ça que j'ai fini comme ça…

Moi, Elena Porter, 18 ans, je suis coupable de beaucoup de crimes, et mes amies en sont complices malgré elles. Le mal est fait, et à jamais.

Même si je suis ici, enfermée entre quatre murs, je ferai mon possible pour me faire pardonner.

Elena.

Elena posa le carnet qu'elle utilisait en guise de journal intime ainsi que son stylo sur le petit bureau à sa gauche. Installée sur son lit, elle contemplait le paysage à travers les barreaux de la fenêtre en face d'elle. Elle se sentait vide, elle avait l'impression que sa vie s'était arrêtée.

Et vous ? Avez-vous déjà ressenti la même chose ? Quand tout vire au cauchemar du jour au lendemain, quand il n'y a aucun moyen de revenir en arrière, quand personne ne peut remonter le temps et faire en sorte d'effacer ou de modifier les évènements… Vous vous sentez vide, vous vous sentez mal. Et puis vous vous demandez : y a-t-il quelqu'un ? Y a-t-il quelqu'un qui sera là pour moi ? Mais, malheureusement, c'est précisément dans ce genre de moments que la plupart des gens décident de vous laisser tomber…

C'est ce qui est arrivé à Elena. Elle a dû se battre contre quelque chose qu'elle ne pouvait contrôler, quelque chose de bien plus fort qu'elle.

Radley Sanitarium. C'était l'établissement psychiatrique où elle était internée depuis maintenant plusieurs mois.

Ses jours se ressemblaient tous. Et pourtant, même si elle l'ignorait, quelque chose d'inévitable allait lui arriver ce jour-là : il ne lui restait plus que quelques minutes à vivre.

2: Chapitre 1 - Beautiful people
Chapitre 1 - Beautiful people

Chapitre 1 – Beautiful People

« Qu'est-ce d'autre que la vie des mortels qu'une vaste comédie dans laquelle divers acteurs travestis de divers costumes et masques déambulent jouant chacun leurs rôles jusqu'à ce que le grand ordonnateur les chasse de la scène ? » - Erasme.

Rosewood, Pennsylvanie : une ville magnifique. Absolument tout là-bas est à la perfection, spécialement les gens qui y vivent. Mais bien que cette ville soit d'habitude reconnue comme calme et agréable, elle a été le lieu de plusieurs massacres. D'ailleurs, tout le monde là-bas peut témoigner des horribles choses qui s'y sont déroulées il n'y a pas si longtemps. En effet, cette si charmante ville a connu une série de tragédies dernièrement : le meurtre d'Alison DiLaurentis, de Noel Kahn, du lieutenant Darren Wilden… Et l'histoire qui a fait froid dans le dos de tous ses habitants : celle de « A ». À présent, chacun d'entre eux connait les moindres détails. Au fur et à mesure que le temps passe, les gens passent à autre chose. Mais même si les plaies se referment petit à petit, il est difficile d'oublier. Personne ne pourra oublier l'affaire « A », ni celle qui l'a précédée de peu : l'affaire Porter…

Nous sommes en septembre 2009. C'est une nouvelle année scolaire qui débute pour tous les lycéens. Rares étaient les nouveaux élèves, c'est pourquoi ils se connaissaient pratiquement tous. Dès les premiers jours, trois jeunes filles de terminale se démarquaient déjà : Amanda Ross, une jolie blonde aux yeux bleus pétillants, Lucy Donovan, une toute aussi jolie brune aux yeux verts, et Elena Porter, une très belle brune aux cheveux ondulés et aux yeux marron. Elles étaient visiblement proches.

- Alors, tu viens toujours avec nous à cette soirée, j'espère ? demanda Lucy à Elena.

- On y va toutes, pas question de se défiler ! s'exclama une voix derrière elle.

- Amanda avait rejoint ses amies debout dans le parking du Rosewood High.

- Vous tenez tant que ça à y aller ?

- Ben c'est l'occasion de s'amuser et de connaitre un peu les autres ! En plus, j'ai promis à la fille qui l'organise qu'on sera là, vous savez, Emma ?

- D'accord, d'accord, t'inquiète, on sera là, répondit Lucy d'une voix posée.

- Yes !

Elena sourit. Après les deux dernières semaines de vacances passées à l'étranger avec sa famille, elle était contente de retrouver ses deux meilleures amies : Amanda, l'optimiste de la bande, et Lucy avec son calme et sa gentillesse à toutes épreuves.

Mais son sourire disparut quand elle repensa à l'été qui s'était achevé.

- Dites… commença-t-elle, soudainement tendue. Notre promesse tient toujours, hein ? Vous savez…

Lucy regarda Amanda, qui s'était crispée à son tour.

- Ce n'est pas qu'une promesse, Elena… On s'est juré de ne jamais en parler à qui que ce soit, et d'emmener ce secret dans nos tombes.

- Dans nos tombes… répéta Amanda.

- Bien… Je compte sur vous, et je vous fais confiance, poursuivit Elena. (Elle leur tint une main chacune) On doit rester soudées quoi qu'il arrive.

Les deux autres acquiescèrent.

Sur ce, elles s'engouffrèrent dans l'établissement en attendant le début des cours.

Les couloirs étaient bondés. Les professeurs faisaient allés et retours, tout comme leurs élèves. Ethan, qui s'occupait du journal du lycée depuis l'année précédente accrochait une annonce sur le mur d'affichage pour trouver des assistants. Le professeur chargé de s'occuper de la chorale du lycée y mettait à son tour une affiche invitant les élèves à auditionner. Certains entraient et sortaient du bureau du principal en tenant leurs emplois du temps. D'autres se massaient devant leurs casiers discutant et riant avec leurs camarades. Et bien sûr, parmi cette foule, il y avait les plus populaires, et aussi les plus « invisibles ».

Comme par exemple, ce garçon de terminale qui fuyait les regards depuis qu'il était arrivé ce matin là, circulant calmement, d'un pas léger. Ce même garçon, qui, de son air mystérieux et de son habitude à rester à l'écart en grand solitaire, intriguait n'importe qui autour de lui. Il parlait peu, et à peu de gens.

Toby McAlister.

- Désolé, dit une petite voix devant lui, après qu'une personne l'ait légèrement poussé.

Toby se retourna et croisa brièvement les yeux bleus glacier de son interlocutrice, avant que celle-ci ne disparaisse dans le flot d'élèves qui circulait encore.

Cette fille avançait d'un pas hésitant. On aurait dit qu'elle ne connaissait pas l'endroit, contrairement aux autres qui se déplaçaient aisément. Et pour cause : elle était nouvelle élève au Rosewood High, établissement qu'elle avait choisi pour sa dernière année de lycée.

Elle cherchait visiblement sa classe, mais elle s'arrêta un moment en face du mur d'affichage, qui comportait déjà toutes sortes d'annonces et d'affiches. Une en particulier attira son attention : celle du journal du lycée. Elle la regarda attentivement, puis saisit un stylo et inscrivit son nom en dessous de ceux de deux volontaires.

Katherine Anderson.

Dès qu'elle eut fini, elle se remit à la recherche de sa classe pour assister à son premier cours de l'année. Enfin trouvée, elle prit place dans un coin au fond et attendit patiemment l'arrivée des autres élèves ainsi que de leur professeur de maths.

- Elena Porter, viens ici tout de suite ! s'écria une jolie blonde aux yeux bleus, qui poursuivait son amie à travers la classe.

Elena Porter ? Katherine se retourna rapidement vers la brune qui riait aux éclats en brandissant un petit carnet de sa main droite.

- Tu ne l'auras pas !

La blonde s'arrêta, essoufflée. Une autre brune apparut derrière elle.

- Lucy, aide-moi à l'attraper ! lui dit-elle.

Lucy jeta un œil à Elena qui riait de son rire toujours aussi communicatif.

- Amanda, respire ! dit-elle avec un petit rire. C'est son journal, et tu ne peux pas l'obliger à te le donner.

Amanda leva les yeux vers elle, et Elena lui tira la langue d'un air moqueur. Elle lui fit une moue en retour, sous le regard de Lucy toujours aussi plein de douceur. C'est dans des moments comme celui-là qu'elle se rendait compte qu'elle avait raison toutes les fois où elle les avait traitées d'enfants. Mais c'est bien pour ça qu'elle les appréciait.

Katherine avait observé la scène, fouillant dans sa mémoire. Elena Porter… Pourquoi ce nom lui disait-il quelque chose ? Elle était sûre de l'avoir vu ou entendu quelque part, mais où ? Elle l'ignorait.

La sonnerie annonçant le début des cours retentit. Les élèves prirent place, et le professeur entra à son tour.

Une longue année s'annonçait, et Katherine le savait. Elle était venue dans cette ville dans un but précis, seulement… Il y eut un « léger problème ». Du coup, ses motivations ont changé du tout au tout.

C'est parti… Songea-t-elle.

3: Chapitre 2 - Suspicious
Chapitre 2 - Suspicious

Chapitre 2 – Suspicious

« Le secret pour s'en sortir avec un mensonge, c'est d'y croire de toutes ses forces. C'est d'autant plus vrai lorsqu'on se ment à soi-même que lorsqu'on ment aux autres » - Elizabeth Bear.

Toute la semaine, Katherine avait observé les personnes qui l'entouraient. Aussi bien au lycée que dans la rue. Et elle en est arrivée à une conclusion : quand elle plissait les yeux, elle ne trouvait aucune différence entre les filles qui gloussaient toutes en chœur, ni entre les garçons qui riaient et se tapaient dans le dos à chaque fois que l'un d'entre eux faisait une bêtise. Elle ne comprenait pas pourquoi ils s'efforçaient tous de faire la même chose que les autres. Et elle ne comprendra sans doute jamais.

Katherine a décidé de partir à cette soirée, organisée le soir même chez une certaine Emma. Apparemment, tous les élèves étaient la bienvenue, alors, pourquoi pas ? Comme ça, elle aurait l'occasion de trouver ce qu'elle cherchait, et, qui sait, peut-être même se faire des amis. Quoique, elle en doutait fort. Car si « Les ados clones de Rosewood » (c'est le surnom qu'elle leur a trouvé) étaient vraiment tous les mêmes, elle n'aurait probablement jamais d'amis dans cette ville.

Elle était à présent dans le parc, un livre entre les mains. Elle appréciait le calme et l'air frais de cet endroit. Ca avait le don de la détendre – chose pas facile du tout, surtout ces derniers temps. Elle en oubliait presque sa colère…

La colère.

C'était exactement ça qui l'avait entraînée à Rosewood. La colère, la soif de vengeance. Elle devait trouver le coupable.

Machinalement, elle prit son téléphone et afficha cette même page qu'elle consultait chaque jour depuis plusieurs semaines.

À la mémoire de Rebecca Wilkinson.

Nous t'aimons tous très fort, Becca. Tu nous manque.

Repose en paix.

Ces quelques phrases étaient inscrites en haut du site, avec juste en dessous une photo de la jeune défunte de 18 ans, ses cheveux bruns tombant sur ses épaules, ses yeux bleus brillants et un large sourire au visage. Le reste du site parlait de sa vie, de la situation dans laquelle elle était, du fait qu'elle ait été grandement appréciée, et que sa mort était un énorme choc pour toute la ville. Sans oublier les innombrables messages de ses amis sur le site.

Katherine venait toujours sur ce site, même si cela ne lui servait pas à grand-chose. Certes, elle avait apprit de nombreuses chose sur la jeune fille, ce qui l'aidera peut-être plus tard. Et elle lisait toujours les messages laissés en son honneur. Les messages…

Mais oui !

Elle afficha immédiatement la page de messages la plus ancienne. Le tout premier était de la part de… Elena Porter. C'était donc là qu'elle avait vu son nom…

Je n'aurais plus jamais l'occasion de te dire à quel point tu comptes pour moi. Je m'en veux tellement pour toutes les fois où on s'est disputé toutes les deux… Lucy, Amanda, et moi t'aimions énormément. On avait de la chance de t'avoir comme amie. Tu nous manques… Pardonne-moi pour ce que j'ai fait, Rebecca.

- Elena Porter

« Pardonne-moi pour ce que j'ai fait, Rebecca ».

Katherine ne comprenait toujours pas pourquoi cette Elena avait écrit ça. Lui pardonner quoi ?...

En fin de compte, je crois que j'ai trouvé ce que je cherchais, se dit-elle.

C'est ainsi que dans la soirée, elle était allée à l'adresse où avait lieu la fête. À son grand désespoir, des ados typiques de Rosewood, il y'en avait partout !

Elle traversait le jardin, cherchant du regard la fameuse Elena. Et elle n'eut pas de mal à la trouver : elle était assise sous le porche de la grande maison victorienne en compagnie d'Amanda et Lucy, ainsi que deux autres filles. Elle salua Ethan d'un petit signe au passage avant de les rejoindre.

- Euh… Salut.

Elles se retournèrent en même temps, et la saluèrent à leur tour.

- Moi, c'est Amanda. Elle c'est Lucy, Elena, Emma et Morgane, dit-elle en les désignant tour à tour.

- Katherine, s'efforça-t-elle de sourire.

- Viens, assieds-toi.

Elle s'installa donc devant elle, comme par hasard bien en face d'Elena. Elles commencèrent donc à parler, et l'une après l'autre se présentait à la nouvelle venue, qui fit de même. Soudain, ne pouvant se retenir plus longtemps, Katherine posa une question.

- Vous connaissez Rebecca Wilkinson ?

Aucune réponse. Les cinq filles devant elle s'étaient figées en une fraction de seconde.

- Oui, répondit Elena d'une voix tremblante. C'était notre meilleure amie, ajouta-t-elle en regardant Amanda et Lucy.

- « C'était » ? répéta Katherine aussi innocemment qu'elle pouvait.

Elena s'était mise à trembler.

- Elle est morte chez elle, dans un incendie… intervint Lucy calmement. La police a dit que c'était un accident, et malheureusement… Becca était dans sa chambre à ce moment-là, et elle n'a pas pu s'échapper.

- Oh mon dieu… (Katherine fit mine d'être surprise) Je suis désolée.

- Tu la connaissais ? lui demanda Morgane, qui était restée silencieuse jusqu'ici.

- Pas vraiment… Je l'ai rencontrée un jour à Philadelphie. On a passé un peu de temps ensemble, mais c'est tout. Elle était vraiment gentille.

- C'était un ange, tout le monde l'adorait.

Katherine leva discrètement les yeux vers Elena, qui était devenue pâle.

- On doit y aller, fit brusquement cette dernière. On s'était mises d'accord pour ne pas rentrer trop tard.

- Oui, c'est vrai, acquiesça Amanda.

Elles se levèrent donc toutes les deux en compagnie de Lucy après avoir échangé leurs numéros de téléphone avec les autres. Dès qu'elles furent installées dans la voiture de cette dernière, Elena recouvra son visage de ses mains.

- Vous croyez qu'elle sait ?

- Non.

- Alors pourquoi elle s'est mise à parler d'elle ? Elle sait, c'est sûr…

- Elena, dit fermement Amanda, elle est dans cette ville que depuis une semaine. Et c'est la première fois qu'on lui parle. C'est impossible qu'elle sache.

Lucy se tourna vers elle et la regarda l'air de dire « elle a raison ».

- Calme-toi, Elena. Personne ne sait, et personne ne le saura.

- Oui…

Pendant ce temps, une silhouette était debout de l'autre côté de la rue, bien droite. Elle regardait fixement les trois filles, l'une d'entre elles étant visiblement paniquée. Elle les regardait, simplement, et les suivit même des yeux jusqu'au moment où le véhicule disparut dans la nuit.

Elena Porter, tu es mon suspect n°1, se dit Katherine en se remémorant l'air effrayé de la jeune fille.

 

4: Chapitre 3 - Thanks, diary
Chapitre 3 - Thanks, diary

Chapitre 3 – Thanks, diary

« Il n'y a pas de témoin plus redoutable, pas d'accusateur plus implacable que la conscience qui sommeille en chaque homme » - Polybius.

Le surlendemain, Elena se réveilla d'un sommeil agité. Elle n'avait cessé de repenser à Rebecca, suite à la conversation avec Katherine. D'ailleurs, était-elle au courant de quelque chose ?

C'est impossible, s'était répétée Elena tout le reste du weekend.

Elle finit de se préparer, empoigna son sac, et se rendit au Rosewood High pour le premier jour de cours de la semaine.

Plus le temps passait, plus le souvenir de Rebecca la hantait. Il a suffit que quelqu'un prononce son nom pour que les souvenirs enfouis refassent surface. Dix minutes passées à ressasser le passé, elle était arrivée aux portes du lycée. C'en était trop. Il fallait qu'elle relâche la pression. Pour cela, elle s'assit sur un banc dans la cour, elle prit son journal intime, et commença à écrire frénétiquement.

16 septembre 2009.

Cher journal,

Je n'en peux plus. Je croyais que j'arriverais à contrôler mes émotions, mais c'est plus difficile que je ne le pensais. J'avais réussi à oublier un moment… Non, en fait, pas vraiment. Mais je faisais avec, sans que cela ne m'empêche de vivre. Seulement voilà, maintenant, j'y repense de plus en plus. Et ça me rends malade.

J'aimerais réparer mon erreur, mais il n'y a rien que je puisse faire, maintenant.

Je me demande ce que Rebecca me dirait si elle avait l'occasion de me parler…

- Elena !

Une main se posa sur son épaule et la jeune fille sursauta.

- Lève-toi, on va être en retard !

- Oui, oui, j'arrive, Amanda.

Elena referma son journal et le fourra dans la poche avant de son sac.

- Bouge ! s'impatienta son amie, qui lui prit la main et l'entraîna avec elle.

Elle eut à peine le temps de prendre son sac.

Ce qu'elle ne remarqua pas, c'était le fait que son journal était retombé sous le banc, à cause du sac qu'elle n'a pas eu le temps de bien fermer.

Oups.

Pour couronner le tout, quelqu'un passait justement par là. Et devinez quoi ? Cet élève comme par hasard en retard ce jour-là prit le journal. Il entra vite dans l'établissement de peur de se faire renvoyer par son professeur, l'objet toujours en main.

Il s'installa donc au fond de la classe, comme à son habitude. Comme le cours d'histoire ne l'intéressait point – il détestait le fait de devoir retenir toutes ces dates et événements – il ouvrit le journal (qui était dépourvu de toute protection – style petit cadenas) à la première page. Mais il s'arrêta d'un coup.

Je n'ai pas vraiment le droit de faire ça, pensa-t-il.

Cependant, après hésitation, sa curiosité finit par gagner. Il lut l'inscription sur la première page.

« Elena », était-il écrit d'un grand soin. Mais l'absence de nom de famille lui posa un petit problème.

Toby n'avait pas l'habitude de parler avec grand monde. Il restait en général dans son coin, à l'écart de tout être humain. Il connaissait vaguement certains des élèves avec il avait des cours en commun. D'ailleurs, cette « Elena », ça ne serait pas la fille qui était assise deux rangs plus loin ? Ou alors, c'est la fille à qui il avait prêté son cahier quelques jours avant. Peut-être même que c'est la fille qui l'a accidentellement bousculé dans le couloir le jour de la rentrée… Il n'en avait aucune idée. Comment allait-il pouvoir rendre ce journal à sa propriétaire s'il ignorait qui elle était exactement ?

Toby tourna quelques pages. À première vue, plusieurs passages mentionnaient ses amies Lucy et Amanda – qu'il ne connaissait pas non plus, d'ailleurs. Elle parlait aussi des vacances passées avec sa famille, de son premier petit copain, du fait qu'elle ait réussi ses examens de fin d'année haut la main, comment s'était annoncé le début de l'été, tout ce qui s'est passé chez Rebecca, blablablaaaa…

Stop. Rebecca ?

Il fut soudain intéressé. Rebecca était sans doute une amie de cette fille, mais que voulait-elle dire par « ce qui s'est passé chez Rebecca hier soir est vraiment affreux » ?

Ah. Mais oui. L'incendie, comprit-il.

Attendez. Non.

Il poursuivit la lecture de ce qu'Elena avait écrit ce jour-là – et de tout ce qui suivait. Il n'en croyait pas ses yeux. Ce pouvait-il que ça soit…

Toby réalisa alors ce qu'il avait entre les mains : une preuve. Il se rendit compte qu'il avait l'avenir d'une certaine personne entre ses mains.

Devait-il la dénoncer ? Ou alors remettre le journal où il l'avait trouvé, comme si de rien n'était ? Mais s'il choisissait la deuxième option, cela voudrait dire qu'il était au courant de quelque chose de grave, et que s'il se taisait, il était, d'une certaine manière, le complice d'une fille dont il connaissait que le prénom.

Que devait-il faire ? Il ne le savait pas. Lui qui croyait y trouver que le simple quotidien d'une jeune lycéenne, il avait trouvé une révélation choquante.

Ça m'apprendra à vouloir lire les journaux intimes des gens ! se gronda-t-il lui-même.

Il était à présent prit au piège.

Une chose est sûre, il devait trouver cette fameuse Elena.

5: Chapitre 4 - Where is Elena?
Chapitre 4 - Where is Elena?

Chapitre 4 – Where is Elena ?

« Nous naissons seuls, nous vivons seuls, nous mourrons seuls. Il n'y a qu'à travers l'amour et l'amitié que nous pouvons, l'espace d'un instant, créer l'illusion que nous ne sommes pas seuls » - Orson Welles.

Le weekend suivant, Katherine était sortie faire une ballade en vélo, histoire de prendre l'air. Elle voulait oublier un moment le fait qu'elle soit en plein échec dans son « enquête ». Depuis qu'elle est arrivée, elle s'était mise à chercher des suspects, et elle en avait trouvé un : Elena Porter. Mais à bien y réfléchir, elle n'avait rien sur elle. Du moins, rien de concret. Elle s'était basée sur le fait qu'elle ait demandé pardon à Rebecca dans son message sur le site rendant hommage à la jeune fille, et l'expression effrayée qu'elle avait l'autre soir quand elle avait entendu son nom. Peut-être qu'Elena culpabilisait seulement à cause de leurs disputes, et lui demandait pardon. Dans ce cas-là, Katherine serait toujours au point de départ.

Soudain, en une seconde, elle se retrouva par terre, son vélo tombé juste à côté d'elle.

Eh merde ! jura-t-elle intérieurement.

En plein dans ses pensées, elle n'avait pas vu la limite du trottoir, ce qui fit vaciller son vélo sur le côté et la fit se cogner le genou. Elle voulut se relever, c'est alors qu'elle remarqua la petite quantité de sang qui s'était déversée sur sa jambe. Elle qui voulait décompresser, c'était réussi.

- Hey, ça va ? demanda une voix près d'elle.

Katherine leva les yeux vers son interlocuteur. Il était plutôt grand, les cheveux et les yeux noirs.

- Oui, ça va.

Elle essaya de se relever.

- Attends, je vais t'aider.

Il lui tendit la main, et une fois levée il l'aida à marcher jusqu'au petit muret juste devant sur lequel elle s'est appuyée. Il regarda le vélo qui gisait toujours sur le sol.

- Tu peux m'expliquer comment tu t'es arrangée pour tomber ? dit-il d'un air moqueur.

- La gravité, tu connais ? marmonna-t-elle.

Il la regardait, amusé.

- Tu veux que je te raccompagne ?

- Non.

- D'accord… (il croisa les bras) Bonne chance pour rentrer chez-toi sur une seule jambe, avec en plus, un vélo à trainer avec toi.

Elle releva la tête, et remarqua son amusement, source de son agacement soudain. Mais il avait raison, ils étaient assez éloignés du centre-ville, et elle ne pouvait y retourner surtout avec son vélo encombrant.

- Ok, ok… Tu compte me raccompagner comment ?

Il désigna une voiture garée un peu plus loin, puis lui tendit à nouveau la main en la fixant. Elle se laissa entrainer au siège arrière, de sorte qu'elle pouvait allonger sa jambe blessée. Une fois qu'il eut mis le vélo dans le coffre de sa voiture, il s'installa à l'avant et démarra le véhicule.

- Tu sais, commença-t-il, tu es la première personne du lycée à qui je parle vraiment. Tu vas au Rosewood High, je suppose ?

- Mmmhhm, acquiesça la jeune fille derrière.

Un silence s'installa. Aucun des deux ne semblait avoir de sujet de conversation.

- Au fait, tu t'appelle Elena ? demanda-t-il brusquement.

Katherine leva vivement les yeux, surprise, et croisa le regard du jeune homme dans le rétroviseur. Alors là, elle ne s'attendait vraiment pas à ça.

- Non… Attends, pourquoi tu me demande ça ? fit-elle en écarquillant les yeux, perplexe.

- Oh, pour rien… Juste comme ça.

Il ne voulait pas évoquer l'histoire du journal.

- En fait, ajouta-t-il, moi, c'est Toby.

- Super intéressant…

Toby lui jeta un coup d'œil dans le rétroviseur. Soudain, il se mit sur le côté de la route et arrêta la voiture. Il poussa un gros soupir. Il se retourna vers elle.

- Tu ne veux visiblement pas être là, avec moi. Alors, si tu veux, tu peux partir.

Il fit un geste de la main, l'invitant à sortir.

Katherine lui jeta un regard étonné. Elle resta un moment immobile. Toby la regardait droit dans les yeux. Puis, voyant qu'elle ne bougeait pas, un sourire satisfait se dessina sur son visage. Il se remit dans sa position initiale et redémarra.

La jeune fille avait soudain le cœur qui battait fort. Jamais elle n'avait vécu un moment aussi bizarre. Elle regarda à nouveau dans le rétroviseur et voyant que Toby la dévisageait, elle baissa immédiatement les yeux.

- Je m'appelle Katherine, affirma-t-elle.

Il lui sourit légèrement.

- Enchanté. (Il marqua une pause puis ajouta sur le ton de la plaisanterie :) et ce n'est pas grave si tu ne t'excuse pas pour ton comportement plus qu'offensant.

Katherine leva les yeux au ciel, ce qui fit encore plus sourire le jeune homme. En le voyant, elle ne put s'empêcher de penser qu'il avait un sourire magnifique.

Finalement arrivés devant sa maison, il la raccompagna jusque devant sa porte et installa le vélo dans le petit jardin mal entretenu.

- Tu es sûre que ça va aller? (il désigna son genou blessé)

- Oui, c'est bon, ce n'est rien de grave.

Il acquiesça d'un petit signe de tête et s'apprêta à partir.

- Toby ? (il se retourna) Quand tu m'as demandé si je m'appelais Elena, j'ai pensé à Elena Porter. Ce n'est pas elle que tu cherche, par hasard ?

Toby parut réfléchir un moment puis haussa les épaules.

- Je ne sais pas… Possible.

- Comment ça ? Tu ne sais pas ?

- C'est assez bizarre, mais oui. Je cherche une Elena, mais je ne connais pas son nom de famille.

Voyant le regard perplexe de Katherine, il ajouta :

- Je te raconterai peut-être, un jour.

À son grand étonnement, elle lui sourit.

- D'accord. J'adore les mystères. Ah, et au fait, merci.

- Pas de quoi.

Il partit alors à ce moment-là. Katherine se demandait pourquoi il cherchait cette Elena. Mais bon, c'était peut-être une histoire banale… Ou pas. Désormais, tout ce qui se rapportait à Elena pouvait constituer un indice. De toute façon, elle ne tarderait peut-être pas à savoir de quoi il s'agissait.

6: Chapitre 5 - Little confessions
Chapitre 5 - Little confessions

Chapitre 5 – Little confessions

« Si nous n'avions plus de secret les uns pour les autres, serait-ce une source de réconfort ? » - John Churton Collins.

Le lundi matin, Toby repensa pour la millième fois à sa rencontre avec Katherine. Il évitait toujours de parler avec les autres élèves de son lycée – car il les trouvait tous superficiels. Il ne les supportait pas. Mais cette fille, elle était assez… Spéciale.

Quand il fut arrivé au lycée, il croisa son regard. Elle était là, assise sur l'une des marches de l'escalier qui menait à l'entrée de l'établissement.

Devait-il aller lui parler ? Il avait toujours été du genre solitaire, et ça lui faisait assez bizarre d'avoir une conversation de gens normaux avec une fille.

Il se décida malgré tout de s'approcher d'elle.

- Salut.

- Salut.

Il s'assit à côté d'elle.

- Est-ce que tu vas enfin me parler de ton truc avec Elena ? lui demanda la jeune fille, qui ne pouvait plus tenir.

- Tu es vraiment têtue !

- Je sais ! Alors ?

Toby soupira.

- Ça, dit-il en sortant le journal de son sac à dos, je l'ai trouvé la semaine dernière. Je veux simplement le lui rendre.

Katherine parut déçue.

Une minute… Elle se rendit compte qu'il y avait une chance sur elle ne sait combien que ce journal appartienne à sa Elena.

- Je peux le voir ?

- Non.

Elle fronça les sourcils.

- Pourquoi ?

- J'ai trouvé quelque chose que… Une chose que tu ne voudrais pas savoir.

Il était soudain tendu. Elle réfléchit un moment.

- Ok… Mais dis-moi juste si ça concerne Rebecca Wilkinson.

Toby cligna des yeux. Bingo.

- Tu es au courant ?

- Au courant de quoi, Toby ?

Il hésita à lui donner le journal. Il savait que c'était quelque chose qui pourrait lui attirer de gros problèmes si elle savait.

- Si c'est à propos de Rebecca, s'il te plait, laisse-moi voir, le supplia-t-elle.

- Donne une seule bonne raison, et je te le donnerai.

L'expression décontractée de Katherine avait disparut, laissant place à… De la tristesse ?

- Jure-moi que tu ne le répéteras à personne.

- Je te le jure, dit-il sur un ton solennel.

Malgré cela, elle hésitait. Elle le connaissait depuis quelques jours à peine. Pouvait-elle lui faire confiance ?

- Bien… En réalité, je suis la sœur de Rebecca, finit-elle par avouer.

- Qu-quoi ? balbutia-t-il.

Soudain, il fût frappé par la ressemblance des jeunes filles. Il ne connaissait pas beaucoup Rebecca, mais il voyait à présent qu'elles avaient le même teint pâle qui faisait ressortir la couleur foncée de leurs cheveux, et des yeux bleus, que Katherine avait en plus clairs.

Katherine baissa la tête.

- Comment c'est possible ?

- Je te raconterai peut-être, un jour, fit-elle avec un petit sourire triste.

Toby ne savait plus quoi faire. À présent, il trouvait le fait de lui faire lire cette fameuse page d'autant pus dangereux. Mais d'un autre côté, il estimait qu'elle était en droit de savoir. Il déglutit difficilement puis ouvrit le journal.

- Voilà, juste là.

Il détourna son regard, ayant peur de sa réaction. Quand il la regarda à nouveau, la jeune fille se tenait immobile, le journal entre les mains.

- Non…

Toby lui prit la main, ne sachant comment la réconforter. Mais elle la dégagea très vite, et prit son téléphone.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Elle ne répondit pas. Elle activa le « numéro masqué » (option sur son téléphone, qui masque son numéro quand elle appelle ou envoie un message à quelqu'un), alla sur sa messagerie, et commença à taper fiévreusement.

Pendant ce moment, Elena, Lucy, Amanda, Emma et Morgane se tenaient en cercle à l'arrière de l'établissement. C'était un endroit presque désert, et il leur restait encore un peu de temps avant le début des cours.

- Pour que vous soyez officiellement dans notre bande, affirma Elena à l'attention d'Emma et Morgane, vous devez connaitre notre secret.

Elle les regarda tour à tour, puis se lança dans son récit.

FLASHBACK, 02 juillet 2009.

C'était une nuit d'été ordinaire, durant laquelle quatre jeunes filles s'étaient arrangées pour dormir chez l'une d'entre elles.

- Allez, Becca, grouille-toi !

- J'arrive ! Lança celle-ci du bas de l'escalier.

Elena, Lucy et Amanda étaient assises sur le lit dans la chambre de leur amie. Elles l'attendaient pendant qu'elle était allée chercher de quoi grignoter devant leur film. À un moment, Elena remarqua le téléphone de Rebecca placé sur sa coiffeuse.

- Hé, regardez ! chuchota-t-elle en prenant le téléphone.

Elle l'agita devant ses deux amies avec malice, puis le déverrouilla et se mit à fouiller dedans. Malheureusement, elle fut prise en plein délit.

- Qu'est ce que tu fais ?

Rebecca était entrée dans la chambre. Elle posa le grand bol de pop-corn qu'elle tenait, et lui ordonna de partir.

- Tu ne peux pas me mettre dehors, contra Elena.

- Si. Va-t-en.

- Mais il fait nuit !

- Va-t-en, répéta Rebecca.

Elena se leva, et sortit dans le couloir, sous les yeux de ses trois amies.

- Dans ce cas, tu n'es plus mon amie. Je croyais qu'on n'avait pas de secrets l'une pour l'autre ! s'exclama-t-elle un fois arrivée près de l'escalier.

- J'en ai marre que tu veuille toujours tout contrôler, Elena ! Nous te racontons tous, mais en retour, nous ne savons presque rien sur toi. Et c'est toi qui parle de n'avoir aucun secret pour les autres?

Elena sentait la colère monter. Comment osait-elle ?

- Arrêtez, intervint Lucy, ça ne sert à rien de vous disputer pour ça. Elena, excuse-toi.

- Que je m'excuse ?! (elle eut un petit rire) D'accord, je vais m'excuser. Je m'excuse d'être devenue amie avec toi, Rebecca. Je m'excuse d'essayer de garder notre amitié intacte. Je m'excuse de…

- Ça suffit, Elena, l'interrompit Rebecca. Sors de chez-moi.

C'en était trop pour Elena. Personne ne pouvait lui donner des ordres. Sans savoir vraiment ce qu'elle faisait, elle empoigna Rebecca par les épaules.

- C'est bon, arrête, intervint à son tour Amanda.

Mais Elena bouscula la jeune fille, qui poussa un cri juste avant de dégringoler dans l'escalier. Lucy et Amanda sursautèrent. Elles virent Rebecca, immobile au pied de l'escalier, et plusieurs secondes s'étaient écoulées sans que la jeune fille ne se relève. Prises de panique, les deux amies sont descendues pour voir si tout allait bien. Et, au grand malheur, remarquèrent la flaque de sang qui se déversait de sa tête.

- Oh, mon dieu…

Lucy vérifia son pouls, et elle éclata en sanglots.

- Elle est morte ! Elena, qu'est-ce que tu as fait !

Elle qui était de nature calme, semblait au bord de l'hystérie. Amanda se couvrait la bouche des mains, trop choquée pour réagir. Quant à Elena, elle contemplait le corps inerte de la brune, qui gisait au sol, une étrange expression au visage.

- Qu'est-ce qu'on va faire ? Chuchota Amanda, qui avait retrouvé l'usage de la parole.

- On va faire disparaître les preuves, affirma Elena, qui était toujours en haut, d'une voix étrangement calme.

C'est ainsi que les trois jeunes filles ont mit la maison en feu, qu'elles se sont échappées sans laisser aucune trace derrière elles.

FIN DU FLASHBACK.

- Vous devez garder ce secret. Jurez-le.

Avant même que les autres aient pu réagir, le téléphone d'Elena sonna.

Tiens, un message.

Je sais ce que tu as fait, salope. Et crois-moi, tu vas me le payer très cher.

- {-.-}

7: Chapitre 6 - And now, panic
Chapitre 6 - And now, panic

Chapitre 6 – And now, panic

« Il n'y a pas de présent ou de futur, juste le passé qui revient encore et encore » - Eugene O'Neill.

Elena était en état de panique toute la journée. D'ailleurs, elle avait séché les cours de l'après-midi tellement elle n'en pouvait plus. Après qu'elle ait raconté ce qu'elle a fait à Rebecca, Emma et Morgane avaient eu une expression de peur. Puis de dégoût. Et autre chose qu'Elena ne saurait décrypter. Elles s'étaient levé rapidement et l'avaient évitée tout le reste de la journée.

Elle n'ont pas intérêt à me laisser tomber, se dit-elle.

Mais le pire, c'était ce message anonyme.

Qui était-ce ? Est-ce que cette personne est au courant de toute l'histoire ? Et puis, comment en est-il/elle arrivé(e) à le découvrir ?

Oh, mon dieu.

Elle eut comme une illumination.

Le journal.

En effet, elle avait perdu son journal depuis plus d'une semaine, et elle ne l'avait toujours pas retrouvé. Et soudain, elle réalisa que quelqu'un détenait en ce moment même la preuve qu'elle avait commis un meurtre. D'où la menace qu'elle avait reçu.

Avec un peu de chance, cette personne ne me dénoncera pas. Et puis, si elle avait voulut le faire, pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? Tenta de se rassurer Elena.

Mais elle savait au fond d'elle qu'elle était dans une grosse galère. Qu'est-ce qui lui avait prit d'écrire à propos de ça dans son journal ? Trop de gens étaient à présent au courant. En plus du trio, il y avait Emma et Morgane, ainsi que cette personne dont elle ne connaissait pas l'identité.

Et bien évidemment, elle ignorait que derrière « cette personne », se cachaient en fait deux: Katherine et Toby.

Katherine était, en cette fin de journée, installée sur un banc dans le parc en compagnie de Toby.

- Alors, en fait, avant de venir ici, j'ai en quelque sorte découvert l'histoire de ma vie, commença-t-elle avec une voix qui se voulait nonchalante. J'ai découvert que mes parents biologiques m'ont abandonnée à ma naissance. Je suppose qu'ils ne voulaient pas d'enfants en plus de Rebecca. Donc, j'ai été placée dans un orphelinat. (elle baissa la tête) Puis finalement après des années, une gentille vieille dame m'a recueillie et s'est occupée de moi. Je la considérais comme ma grand-mère. Mais elle est décédée il y a quelques mois.

Elle poussa un gros soupir.

- Je recherchais déjà ma véritable famille. C'est comme ça que j'ai trouvé et contacté Rebecca, je lui ai raconté la situation et elle n'a pas hésité à me voir. On a même finit par s'arranger pour que je vienne habiter avec elle au début de l'été. J'étais tellement heureuse de retrouver ma sœur ! Et puis, quand j'arrive, on m'apprend qu'elle est morte. Et là, je découvre qu'en fait, ce n'était pas du tout un accident, et que c'est cette cinglée d'Elena qui me l'a enlevée…

- Je suis désolé, répondit Toby d'une petite voix, ne sachant pas quoi répondre.

- Ce n'est pas ta faute.

- Attends, pourquoi tu ne revois pas tes parents ?

Là, il ferma les yeux réalisant la gaffe qu'il venait de faire.

- Ils sont morts dans un accident de voiture il y a peu, Rebecca me l'a dit. Tu n'étais pas au courant ?

Elle semblait étonnée.

Avant qu'il ne réponde, elle haussa les épaules puis ajouta :

- De toute façon, même s'ils étaient vivants, je doute qu'ils veuillent me voir.

Toby se tourna vers Katherine, qui avait toujours la tête baissée. Il la détailla. Ses cheveux mi-longs noirs retombaient gracieusement sur ses épaules. Son teint pâle, ses yeux bleus glacier actuellement plongés dans le vide. Elle arborait une expression à moitié absente.

- Tu comptes faire quoi, maintenant ? demanda-t-il, se rappelant le message qu'elle avait envoyé à Elena.

Katherine eut l'air de revenir à la réalité.

- Je ne sais pas encore, répondit-elle d'un air pensif. Mais, j'ai besoin d'aide.

Toby releva un sourcil interrogateur.

- Besoin d'aide… ?

- Ton aide.

Il secoua la tête de façon négative.

- Non, je ne veux pas être impliqué dans cette histoire. Et tu ne le devrais pas non plus.

- Mais tu es déjà impliqué ! s'écria-t-elle. Le simple fait que tu sois au courant fait que tu l'es.

- Cette fille est dangereuse ! contra-t-il. Ce que nous devons faire, c'est aller la dénoncer.

- Mais…

- Je suis désolé.

- Toby, tu es le seul sur qui je peux compter. (Elle eut un petit rire) La preuve, en l'espace de trois jours, j'ai raconté toute ma vie un parfait inconnu !

- Je ne suis plus vraiment un inconnu.

À ce moment-là il croisa le regard suppliant de Katherine. Il soupira.

- D'accord.

Elle lui sourit.

- Merci.

Mais son expression s'assombrit à nouveau.

- Je veux me venger. Venger Rebecca. Ce n'est pas juste qu'Elena continue de vivre librement après ce qu'elle a fait.

- Je t'aiderai. Promis… Au fait, comment tu as su de quelle Elena il s'agissait?

- Il y avait les noms de ses deux amies partout dans son journal. Ça ne pouvait être qu'elle. En fait, je ne sais pas encore exactement quoi faire. Je compte la dénoncer, mais j'ai envie de la torturer un peu, avant.

- Ouuuuuhh ! fit-il avec un petit air malicieux.

Katherine lui rendit un sourire qu'elle s'efforçait de rendre diabolique et lui donna un petit coup de poing sur le bras, ce qui le fit rire.

- Quoi qu'il en soit, je peux te faire confiance, n'est-ce pas ?

- Parfaitement, coéquipière.

Il lui tendit la main. L'ignorant, Katherine se leva et commença à s'éloigner, un sourire au coin.

- Eh ! Tu étais censée me serrer la main ! s'exclama-t-il en levant le bras.

- Tais-toi et marche, coéquipier !

Toby la rattrapa.

- On t'a déjà dit à quel point tu es sympa ? dit-il sur un ton ironique.

- Non. Mais merci pour le faux compliment, sourit-elle.

C'est à ce moment-là que le téléphone de Katherine bipa.

Moi aussi, je suis au courant. Et je veux vous aider. Retrouvez-moi tous les deux demain après les cours, à l'entrée des bois.

Elle lui montra le message, qui provenait d'un numéro masqué. Tous deux semblaient réfléchir. Qui d'autre pouvait bien savoir ?

Ils ne tarderaient pas à le découvrir.

8: Chapitre 7 - The betrayer
Chapitre 7 - The betrayer

Chapitre 7 – The betrayer

« Aucun mortel ne peut garder un secret. Si les lèvres restent silencieuses, ce sont les doigts qui parlent. La trahison suinte par tous les pores de sa peau » - Sigmund Freud.

Le lendemain, comme convenu, Toby et Katherine se tenaient à l'entrée des bois pour parler à leur mystérieux messager. Cependant, ils avaient tous les deux de petites craintes.

Et si c'était un piège ? Et si Elena avait envoyé cette personne à l'intention d'en savoir plus sur eux deux ? Et si c'était Elena elle-même qui venait ? Mais bien sûr, il y avait aussi la possibilité que quelqu'un veuille vraiment les aider.

Toby regarda autour de lui. Cela faisait plus de quinze minutes qu'ils attendaient, et hormis Katherine qui faisait les cent pas devant lui, il ne voyait personne d'autre.

- Tu pourrais arrêter de tourner en rond ?

Elle s'arrêta un moment.

- Non.

Elle lui sourit d'une manière qui disait « c'est juste pour t'énerver », puis continua à marcher de la même façon sous les yeux du jeune homme, qui se leva à ce moment-là et se dirigea vers elle.

- On devrait partir maintenant, non ? proposa-t-il en la prenant par les épaules pour l'empêcher de tourner encore. Tu vois bien qu'il n'y a…

Un petit craquement l'interrompit. Ils tournèrent la tête en même temps, et virent quelqu'un approcher.

- … Personne, continua-t-il avant de lâcher son amie.

- Désolée pour le retard, j'ai été retenue par un prof, dit une voix féminine.

Katherine appréhendait tellement le fait de voir Elena apparaître d'entre les arbres qu'elle crut que cette voix lui appartenait. Mais elle reconnut cette personne qui se tenait maintenant face à eux.

- Morgane… Mais… ?

- Salut, Katherine, (elle tourna la tête) Toby.

Ce dernier écarquilla les yeux. Qui était-ce ?

- Ecoutez, je dois faire vite, expliqua-t-elle, Elena nous oblige à garder son secret, vous savez, Rebecca. Mais je n'ai aucune envie d'être sa marionnette. Je ne sais pas comment Amanda et Lucy peuvent vivre avec ça, mais moi je ne peux pas.

- Attends, l'arrêta Toby, comment on peut être sûrs que ce n'est pas un piège ?

- Et puis, comment tu as su qu'on était au courant ? ajouta Katherine.

Morgane les regarda tour à tour.

- Vous croyez vraiment que j'ai envie d'être dans le coup avec Elena ? Rebecca était mon amie la plus proche, et franchement, je ne veux pas avoir à vivre avec un secret pareil. Je pensais qu'elle allait nous parler de trucs de filles, par exemple. Mais quand elle nous a avoué qu'elle avait commis un meurtre, comme si c'était normal, et qu'elle l'avait écrit dans son journal, je me suis souvenu avoir vu Toby le ramasser. Elena nous a dit à quoi il ressemblait, au cas où on le verrait. J'ai donc supposé que vous saviez, vu que vous avez gardé le journal.

Morgane s'arrêta un moment, repensant à sa discussion avec Emma.

- Tu as juré de ne pas le répéter ! s'exclama cette dernière.

- Mais, Emma, tu ne comprends pas ? Si on ne fait rien, ça fait de nous ses complices !

- Mais si on la dénonce, elle risque de s'attaquer à nous, répliqua-t-elle, visiblement apeurée.

- On doit le faire. Elle a tué quelqu'un ! Elle ne peut pas s'en tirer comme ça ! contra la jeune fille.

- Non, ne fais pas ça. S'il te plait, Morgane. Elena va le découvrir.

- D'accord, dit-elle avec un soupir. Alors, on va continuer à faire semblant que c'est tout à fait normal ?

- On n'a pas le choix…

Plus Morgane pensait à cette conversation, plus elle se sentait désespérée.

- Tu es sûre qu'aucune d'entre elles ne sait que tu es là ? demanda soudain Katherine, l'arrachant de ses pensées.

- Oui.. J'ai essayé de convaincre Emma de ne pas être du côté d'Elena, mais elle n'a rien voulu entendre. Alors, je lui ai fait croire que moi aussi je garde gentiment ce secret. Elle a peur d'Elena et de ce qu'elle est capable de faire. Moi aussi. Je suis prête à vous aider pour tout ce que vous voulez si c'est contre Elena.

Toby et Katherine se regardèrent, puis dévisagèrent Morgane.

- Tu crois qu'on peut lui faire confiance ? chuchota Katherine après avoir traîné Toby un peu plus loin.

- Je n'en sais rien.. Elena est capable d'avoir envoyé Morgane exprès.

- Oui, mais en tout cas, elle a l'air sincère.

- Tu es prête à prendre le risque de la croire ?

- N'oublie pas qu'on a le journal. Si elle nous fait un coup bas, tout ce qu'on aura à faire c'est dénoncer Elena, et les autres tomberont toutes avec elle.

Effectivement, il y avait cette option.

Une fois retournés auprès de Morgane, Katherine prit la parole.

- Tu es d'accord pour nous apporter des infos sur la petite bande d'Elena ?

- Vous voulez que je sois votre d'espionne ? Cool !

L'enthousiasme de Morgane se changerait vite en toutes autres émotions. Car la vengeance est des fois loin d'être une partie de plaisir. Et le fait que Katherine se réjouit à l'avance de faire qu'une bouchée de sa pire ennemie ne fait que les entraîner tous les trois dans un chemin sombre qui n'a aucun répit, et qui n'accorde aucun retour en arrière.

Sa pire ennemie…

En vérité, elle ignorait tout d'elle. La Elena meurtrière est sans doute le côté le plus obscur de la jeune fille, mais qu'en est-il du reste?

En cette fin d'après-midi, Elena était assise devant son miroir, dans sa chambre. Elle se détaillait elle-même, fixant de ses grands yeux marron son reflet dans la glace.

Ses cheveux bruns étaient impeccables, son visage soigneusement maquillé, ses habits minutieusement choisis. C'était une fille qui avait tout pour plaire. Certains disaient même qu'elle était l'incarnation de la perfection. Pourtant, aux yeux de la jeune fille, quelque chose avait changé en elle…

Bip.

Elena sursauta. Encore son téléphone qui bipait à l'annonce de l'arrivée d'un nouveau message.

Ça doit être Amanda.

Elle prit l'objet, et constata que ce n'était pas le cas.

Coucou ! Oui, c'est moi…

Tu sais, tuer quelqu'un, ce n'est pas bien. Et ça l'est encore moins quand tu le caches au reste du monde. Enfin, sauf à tes précieuses amies... Oh, et à moi. Mais qui suis-je pour te juger, hein ? Libre à toi de faire ce que tu veux. Mais fais très attention, Elena, je peux frapper à tout moment. C'est MOI qui décide quand TOI tu vas tomber. Sur ce coup-là, tu peux me faire confiance. Allez, à bientôt !

- {-.-}

Elena ne comprenait pas. Elle se doutait bien que tout ça vient de ce que contenait le journal qu'elle avait perdu. Elle se sentait tellement bête !

Elle remit son téléphone là où il était.

Un bruit semblable à un grincement vint aux oreilles de la jeune fille, si près qu'elle avait cru un instant qu'elle n'était pas seule.

Elena se retourna. Elle était seule dans sa chambre. Elle scruta chaque recoin de la pièce, comme si elle s'attendait à voir surgir quelqu'un de nulle part.

Elle attendit quelques secondes. Silence.

Elle soupira, et se regarda à nouveau dans son miroir.

Ce n'est rien, se dit-elle, comme pour se rassurer, puis détailla à nouveau son visage.

Ça y est. Elena avait comprit ce qui clochait. C'était effectivement une meurtrière.

9: Chapitre 8 - Whispers
Chapitre 8 - Whispers

Chapitre 8 – Whispers

« Une question parfois me laisse perplexe : Est-ce moi ou les autres qui sont fous ? » - Albert Einstein.

Le soir, Elena était toujours plongée dans ses pensées. Ses parents ayant été absents toute la journée et n'étant toujours pas rentrés, elle avait diné en vitesse avant de regagner les quatre murs qui constituaient sa chaleureuse chambre.

Elle avait été distraite depuis l'après-midi. Cette même question qui revenait : « qui a mon journal ? ». Et puis, il y avait ces fichus messages qu'elle recevait… Bon, jusqu'ici, elle n'en avait eu que deux. Mais la peur la gagnait à chaque fois qu'elle se rappelait qu'une personne de trop est au courant de ce qu'elle avait fait.

Meurtrière.

Elena se mit à regarder partout autour d'elle. D'où venait cette voix ?

Meurtrière.

Elle commençait à s'affoler.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle sans même savoir à qui elle s'adressait.

Meurtrière.

- S'il vous plait…

Meurtrière.

Cette fois, elle se couvera les oreilles des mains.

- Taisez-vous !

Meurtrière, chuchotèrent de nouveau plusieurs petites voix moqueuses.

Elena pleurait à présent, assise au sol sur les genoux, les mains toujours plaquées contre ses oreilles.

- Ça suffit ! sanglota-t-elle. Taisez-vous !

Meurtrière. Meurtrière. Meurtrière.

Les voix s'enchaînaient, répétant à chaque fois le même mot, la poussant à bout.

- ARRÊTEZ !

Elle commença à trembler violemment. Les chuchotements ne voulaient pas s'arrêter. Soudain, dans son agitation, elle leva les yeux, et vit… Un homme ? Il était immobile, habillé tout en noir, et lui faisait dos.

Qui est-ce ?

À peine se l'était-elle demandé que l'inconnu se retournait. Il se retournait très lentement, devant une Elena qui sanglotait toujours et morte de peur. Quand il se tint enfin face à elle, elle constata une chose qui lui avait coupé le souffle pendant deux secondes. En dessous de sa capuche noire relevée sur sa tête, cette personne… Elle était sans visage.

Elena hurla de toutes ses forces.

Ses yeux s'ouvrèrent brusquement. Elle était dans son lit, haletante. Quelques larmes étaient coulées sur ses joues, et elle avait l'horrible sensation de ne pas pouvoir respirer. Son armoire lui faisait face, à l'autre bout de la pièce. La fenêtre était à sa droite. Son bureau était juste devant, contre le mur. Son miroir accroché au dessus de sa coiffeuse à sa gauche. Sa table de chevet était là. La porte était fermée. Tout était à sa place et parfaitement normal.

Elle s'était endormie quelques minutes plus tôt sans s'en rendre compte. Elle soupira de soulagement.

Ce n'était qu'un cauchemar, il n'y a rien à craindre, se répétait-elle d'une toute petite voix, essayant de retrouver son calme.

Et quel cauchemar ! Quand elle eut le courage d'y repenser, elle vit à nouveau l'inconnu sans visage. Avait-elle, sans vraiment le vouloir, visualisé son maître chanteur ? D'après l'image de lui qu'elle avait gardé malgré elle dans sa tête, c'était un homme. Non… Tout compte fait, ça pouvait très bien être une femme.

Elle entendit la porte claquer en bas.

- On est rentrés, Elena ! cria une voix féminine.

Ses parents venaient d'arriver.

Elena se leva, chassa tant bien que mal l'affreux souvenir de son cauchemar et quitta sa chambre.

- L'une de vous a une idée ?

Toby était adossé à un arbre à l'entrée des bois, au même endroit où lui et Katherine avaient retrouvé Morgane la première fois.

- Pourquoi ne pas utiliser son journal ? suggéra cette dernière. La plupart du temps, les gens écrivent des choses qu'ils ne veulent pas vraiment raconter à tout le monde. Il y a sûrement des infos croustillantes sur Elena là-dedans !

- Je n'ai rien lu à part ce qui concerne Rebecca. Mais, oui, peut-être.

- Vous voulez balancer des trucs sur elle au lycée ?

- Je suis sûre qu'il y a au moins un truc qui pourrait lui foutre la honte ! répondit Morgane.

Katherine paraissait d'accord. Elle voulait faire davantage de mal à Elena, et non pas seulement que tous les élèves se moquent d'elle. Mais elle avait décidé de commencer son plan gentiment.

- D'accord. On n'a qu'à faire ça.

- Et si je commençais à lire le journal ce soir ? proposa Morgane. Je note les trucs les plus intéressants, ensuite toute la ville est au courant !

- Attendez, intervint Toby. Vous comptez répandre ses secrets vous-même ou comment ça se passe ?

Katherine parut réfléchir.

- On pourrait les publier dans le journal du lycée ! (elle les regarda tour à tour) Ce n'est pas moi qui m'occupe de la rubrique « Quoi d'neuf ? », mais je peux m'arranger avec Anna pour qu'elle poste ce que tu auras trouvé de façon anonyme. Comme ça, Elena ne saura pas que c'est nous.

- Et si cette Anna lui dit que c'est toi qui lui donné les infos ? demanda Toby.

- Ne t'inquiète pas pour ça. On n'est pas censés donner de nom quand la personne demande à être anonyme. Donc, pas de risque.

- Ok. Mais fais gaffe, dit Morgane, Emma bosse avec vous de temps en temps, n'est-ce pas ? Elle pourrait le découvrir.

- Ouais, je l'ai déjà croisée. Mais je serai vigilante.

- Eh mais vous êtes sûres de votre coup ?

- Crois-moi, Elena est le genre de fille qui ne supporte pas qu'on touche à sa popularité.

- En attendant, on doit rester discrets, répliqua Katherine. Personne ne doit nous voir ensemble pour l'instant, ou encore voir le journal.

- Je trouverai une planque.

Toby les dévisagea tour à tour.

- Wow… Vous faites flipper, vous, les filles !

- Et tu n'as encore rien vu ! répondirent-elles en chœur.

Sur ce, ils décidèrent de rentrer chacun chez eux. La nuit commençait à tomber. Ils s'imaginaient déjà la réaction d'Elena le lendemain.

10: Chaitre 9 - Five things you didn't know about her
Chaitre 9 - Five things you didn't know about her

Chapitre 9 – Five things you didn't know about her

« La honte n'a pas pour fondement une faute que nous aurions commise, mais la sensation insupportable que cette humiliation est visible par tous » - Milan Kundera.

Morgane était encore éveillée quelques heures après sa discussion avec ses deux complices. Il était près de 23h30, et elle n'avait toujours pas lâché le journal.

Elena en a écrit des choses !

Jusqu'ici, elle n'avait trouvé que des trucs communs à ce que vivent certains adolescents. Mais elle avait conscience que même si, en gros, ça arrivait à la plupart d'entre eux, ils se moqueraient tous d'elle en prétendant qu'ils étaient parfaits comparés à elle.

Elle avait noté plusieurs petites choses qui étaient susceptibles d'au moins provoquer un micro rire chez chacun d'entre eux. Mais ils ne riraient sans doute pas si elle leur divulguait la chose impardonnable que cette fille avait faite. Mais bien sûr, la dénoncer à tout Rosewood serait « le bouquet final », autrement dit, c'était une chose à faire plus tard. Après s'être amusés un peu.

Après avoir atteint cinq choses compromettantes sur sa liste, elle décida d'aller se coucher.

Le lendemain matin, Katherine était encore dans son lit quand elle reçut un message sur son téléphone. Elle s'assit et cliqua sur le bouton « lecture ».

C'est prêt. Rendez-vous au même endroit que d'habitude dans trente minutes.

C'était Morgane. Apparemment elle avait fini sa petite mission.

Elle n'était pas vraiment convaincue. Elle espérait qu'Elena souffre. Mais peut-être que Morgane avait raison, peut-être que ça ferait mal à Elena.

Elle se dépêcha de se lever et de se préparer.

Toby était arrivé le premier au lieu de rendez-vous. Il avait reçu la même indication. Quand il vit les deux jeunes filles arriver, il prit la parole.

- Alors ?

-Tout est là.

Morgane brandit une feuille pliée en deux.

- Donne-la moi, dit-il. Comme ça, il n'y aura aucun risque qu'on remonte à vous deux.

Il regarda Katherine.

- Tu es sûr ?

- Tu m'as demandé de l'aide, c'est ce que je fais, répondit-il simplement.

- Mais si Elena remonte à toi ?

Il haussa les épaules.

- On trouvera quoi faire.

Katherine avait assez peur à l'idée d'improviser face à elle. Et elle ne voulait pas que Toby soit la cible d'Elena. Elle était sûrement capable de vouloir s'en prendre à lui, même si au final, il ne s'agissait que d'une simple « blague ».

- Ok, vas-y, se résigna-t-elle.

C'est alors ainsi que, comme prévu, ils se séparèrent et prirent des chemins différents jusqu'au lycée. C'est là que Toby est entré pour la première fois dans la petite classe ou se retrouvaient les quelques membres du club de journalisme – un club crée par un professeur qui, apprenait à ses membres à mieux s'exprimer et par la même occasion, publier toutes sortes d'annonces et articles concernant le Rosewood High.

Seulement certains d'entre eux étaient là – ils préparaient visiblement les journaux du jour avant les cours, afin de les distribuer un peu plus tard dans la journée. Il les dévisagea un par un, mais encore une fois, il ne reconnut personne.

Il se rappela alors les descriptions plutôt bien détaillées des filles. Comment était la fille à qui il fallait parler, et celle qu'il fallait éviter. Par chance, la supposée Anna était déjà là, mais pas d'Emma en vue. Tout ce qu'il eu à faire, c'était s'avancer vers la fameuse Anna et lui expliquer qu'il voulait publier pour le lendemain ce qui était inscrit dans le bout de papier qu'il tenait dans sa main, et ce, anonymement.

Dans la rubrique « Quoi d'neuf ? », Anna publiait des anecdotes à propos de quelques élèves. Certains d'entre eux (ou plutôt la plupart) venaient en leurs noms, et partageaient des choses sur leurs vies. Ils aimaient beaucoup parler d'eux, et ça, Anna l'avait compris. C'était bien pour ça que sa rubrique marchait, et qu'elle ne se retrouvait jamais vide. Et puis, d'autres choisissent de lancer des blagues, des rumeurs. D'ailleurs, plusieurs élèves concernés étaient venus se plaindre, mais Anna ne pouvait rien faire, c'était le but de sa rubrique de connaitre la vie des gens.

Elle expliqua au jeune homme qu'elle avait déjà beaucoup d'annonces à publier pour le jour suivant, mais lui promit quand même de publier son message après qu'il lui ait expliqué que c'était « urgent ».

Bien, Toby avait fini. Il jeta un coup d'œil autour de lui, dans l'espoir qu'Emma ne soit pas dans les parages. Il ne savait pas si c'était de la chance, le hasard, ou quoi que ce soit d'autre, mais Emma n'était pas encore arrivée, comme – il l'imaginait – d'autres membres du club, puisqu'ils n'étaient que quatre.

Il ressortit vite et alerta Katherine d'un simple message que c'était fait. Celle-ci lui répondit d'un grand « bravoooooo ! » qui se voulait ironique – il le savait – ce qui le fit sourire. Il ne lui restait plus qu'à rejoindre sa salle de classe pour une autre longue journée.

Le jour suivant, Elena prenait son petit-déjeuner devant la télé. Elle aimait bien ce petit moment de détente le matin, avant d'attaquer une nouvelle journée au lycée. Cependant, c'était le moment de se lever et de partir si elle voulait rester un peu avec ses amies avant le début des cours. Elles s'étaient mises d'accord pour se retrouver chaque matin dans un coin bien précis de la cour, pour passer un peu de temps ensemble, puisqu'en général, l'après-midi à la fin des cours, chacune avait ses occupations et ne pouvait pas forcément voir les autres.

Quand elle fut à la moitié du chemin, ses pensées se concentrèrent sur une seule chose. Rebecca. Elle revoyait encore son ex meilleure amie dans les couloirs du lycée, marchant nonchalamment à ses côtés. Elle revoyait son visage d'ange, qui souriait en permanence. D'un côté elle se sentait mal. Mais d'un autre…

Elle se ressaisit vite en apercevant le flot d'élèves qui était encore à l'extérieur. Cherchant du regard ses amies, elle croisa ceux des autres élèves. Elle fut étonnée en voyant l'air moqueur qu'ils arboraient, certains pouffaient de rire en la fixant, d'autres se contentaient de la dévisager. Quant à elle, elle continuait de les regarder, ne sachant pas du tout ce qui les prenait.

Qu'y a-t-il ?

Puis, elle vit que plusieurs groupes se tenaient penchés autours d'un journal, faisant la navette entre l'objet et elle-même. Décidée à comprendre ce qui se passait, elle en arracha un des mains d'une fille qui passait près d'elle, et se mit à détailler la page. Elle constata que c'était la fameuse rubrique « Quoi d'neuf ? », qu'elle-même aime bien lire avec ses amies à la cafétéria au moment du déjeuner, éclatant de rire à chaque fois qu'elle lisait une nouvelle humiliation. D'ailleurs, les élèves ayant été victimes de plaisanteries sur cette page du journal du Rosewood High l'avaient surnommée « Le mur de l'humiliation ».

Elena fut attirée par un titre qui clamait « Cinq choses que vous ne saviez pas sur elle ! ». Le titre attirait déjà assez l'attention, puisque juste après l'avoir lu, on se demande automatiquement qui est cette « elle ». Elle lut ce qui suivait : cinq lignes numérotées, qui commençaient toutes par « Elena Porter… ». Elle sentit son estomac se tordre et la menace de celui-ci de lui faire vomir tout ce qu'elle avait englouti quelques minutes plus tôt.

Cinq choses que vous ne saviez pas sur elle !

1. Elena Porter s'est fait larguée par son copain et non l'inverse.

2. Elena Porter se fait vomir pour rester mince.

3. Elena Porter a dragué son prof de maths pour avoir de bonnes notes.

4. Elena Porter menace des élèves pour qu'ils fassent ses devoirs à sa place.

5. Elena Porter a commis l'irréparable – une chose que vous n'oseriez même pas imaginer. Devinez!

- Signé {-.-}

Dès qu'elle eut fini sa lecture, Elena froissa le journal et le jeta par terre avec une grande colère. Qui avait osé faire ça ? Qui lui en voulait à ce point ? Elle n'arrivait pas à réfléchir. Sa colère était bien trop grande. Furieuse, elle quitta les lieux sous les yeux de ses camarades qui, avant la parution de ce fameux article, la regardaient avec admiration.

Arrivée devant l'une des grandes maisons de la rue qu'elle longeait, elle s'arrêta net. Elle fixa le sol, les yeux grands ouverts.

Je sais qui a fait ça…

En effet, une idée venait de fleurir dans son esprit. En quelques secondes, elle avait trouvé un suspect et son mobile.

Je vais te le faire payer, espèce de garce, pensa-t-elle, déterminée à mettre une croix sur son maître chanteur.

11: Chapitre 10 - Imagine
Chapitre 10 - Imagine

Chapitre 10 – Imagine

« L'imagination est plus importante que la connaissance car la connaissance est limitée tandis que l'imagination englobe le monde entier » - Albert Einstein.

Le lendemain, au moment du déjeuner, Katherine riait encore en se rappelant la tête qu'Elena avait faite en découvrant ce qui se disait à son sujet dans le journal du lycée.

- J'ai adoré sa réaction !

- Ça s'est passé hier matin, et tu ris comme si ça venait juste d'arriver.

- Mais attends, c'était génial !

Toby était assis juste en face d'elle. Il ne comprenait pas trop comment Katherine pouvait encore rire autant après une journée et demie ayant suivit la blague, mais en quelque sorte ça l'amusait de la voir ainsi.

- Mange maintenant, dit-il en constatant qu'elle avait à peine entamé son déjeuner à force de rire. On n'a plus beaucoup de temps avant le cours suivant.

- Tu as vu comment elle a jeté le journal après ? fit-elle, ignorant ce qu'il venait de dire. Et comment elle est partie !

Toby saisit la fourchette de Katherine et l'agita devant son visage.

- Katherine… Ceci est une fourchette, affirma-t-il lentement. Tu es censée la tenir coooomme ça, et manger avec ce qu'il y a dans ton assiette !

Katherine suivit l'objet des yeux un instant et prit un air enfantin.

- Aaaaaah ! C'est donc comme ça que ça s'appelle !

Elle reprit la fourchette de sa main et ajouta d'une petite voix :

- Merci, quelle trouvaille !

- Content de t'avoir appris un nouveau mot !

Quelques filles installées près de leur table jetaient des regards envieux à Katherine. Plusieurs d'entre elles avaient tenté d'approcher Toby, en vain. Elles lui tournaient tout le temps autour, mais il ne semblait guère s'intéresser à elles, car à part un bref « salut » qu'il retournait aux autres, il s'arrangeait toujours pour rester tout seul. Et voilà qu'il s'assit avec cette fille à la même table, et qu'en plus, il lui parle. Mais comment avait-elle fait ?

- Vous devriez être plus discrets.

Morgane venait de s'asseoir près d'eux.

- De quoi tu parles ? demanda Toby.

- Ben, la moitié des gens ici croient que vous sortez ensemble ! s'exclama-t-elle.

- QUOI ?! firent-ils en même temps.

- Et vous êtes synchro en plus !

Katherine et Toby se dévisagèrent, et eurent une expression de dégoût.

- Oh, beurk !

Morgane rit.

- À ce point ?

Elle les regarda tour à tour, les yeux écarquillés.

- Quoi ?

- Non, rien…

Katherine jeta un bref coup d'œil à Toby, perplexe.

- Bon, je dois y aller. À plus tard, les amou…

- Je t'interdis de le dire ! l'interrompit Katherine.

Morgane leur jeta un dernier regard moqueur et s'en alla. Elle devait aller rejoindre ses « amies » au plus vite si elle ne voulait pas se faire crier dessus par Elena. D'ailleurs, elle en avait marre. Elena ressent le besoin de toujours tout contrôler au sein de leur petite bande : les activités à faire ensemble, où et quand elles se rejoignaient, qui elles peuvent ou pas fréquenter, et parfois même elle choisissait elle-même les vêtements de ses amies. À première vue, elle semblait être quelqu'un de génial de qui tout le monde souhaite être proche. Mais en la connaissant un peu mieux maintenant, elle la trouvait… Étouffante.

Elle alla donc les retrouver dans la cour, là où elles s'installaient immédiatement chaque matin et après le déjeuner. Exactement comme elle s'y attendait, Elena parlait en faisant de grands gestes, pendant que Lucy, Amanda et Emma étaient accrochées à chaque mot qu'elle prononçait. Elle soupira, essaya tant bien que mal d'afficher un sourire et avança dans leur direction.

- Sal…

- Tu étais où ? l'interrompit sèchement Elena.

- Euh… J'étais aux toilettes, improvisa-t-elle.

- Je vous ai demandé de venir à une heure précise. Tu es en retard de dix minutes.

- D-Désolée… s'excusa-t-elle à contre cœur.

Elena leva les yeux au ciel.

- C'est dommage, tu viens de rater ce qui lui est arrivé pendant le cours de sciences ! intervint Emma en gentille petite esclave.

Amanda et Lucy acquiescèrent de la tête.

Morgane en fut accablée. Comment pouvaient-elles supporter de se faire traiter ainsi par Elena ? Toujours à la suivre partout, toujours à se plier à ses moindres désirs. Cela ne fait pas longtemps qu'elle est entrée dans son cercle d'amies, mais Morgane avait déjà comprit comment ça se passait et elle n'en pouvait déjà plus. Ce qui l'énervait le plus, c'était qu'Emma, son amie et la fille qu'elle croyait connaitre se transforme elle aussi en Elena 2.0. Et Amanda et Lucy alors ? Elle les trouvait tout aussi pathétiques. Elle voulait les saisir par les épaules et les secouer très fort en criant « Réveillez-vous ! », en espérant les faire revenir à la raison.

- Je te conseille de ne pas me contrarier la prochaine fois. Ou tu le regretteras.

Morgane eut soudain peur de savoir ce que cachait réellement cette phrase. Une chance qu'aucune d'entre elles ne l'ait vue avec Toby et Katherine ! Qui sait comment aurait réagi leur leader si elle découvrait ce qui se passait dans son dos…

- Je suis désolée. Je ne le ferai plus, dit-elle difficilement.

- Bien.

La sonnette retentit, indiquant la fin de la pause déjeuner.

- Allez, venez. Il ne faut pas que nous soyons en retard.

Elle se leva, et les autres la suivirent.

- Qu'est-ce que tu attends ? cria Elena en voyant Morgane restée sur place.

- J'arrive…

Elle leur emboîta le pas et fit semblant de s'intéresser à leur sujet de conversation. Elle voulait que cela s'arrête, mais elle ne pouvait pas. Elle devait continuer à jouer le jeu. Pour Katherine, pour Toby, pour Rebecca… Et pour elle-même. À bien y réfléchir, sa vie était en danger. Enfin, pas tant qu'elle obéissait à Elena, c'est sûr. Mais une seule erreur de sa part pourrait lui coûter la vie.

Ou tu le regretteras.

Les mots qu'avait prononcés Elena à peine quelques minutes plus tôt. Après tout, peut-être que les filles avaient juste peur d'elle, surtout qu'elles connaissaient toutes son dangereux secret…

Après la fin du cours de Maths – qui avait semblé durer une éternité – Elena sortit de la classe soulagée que ce calvaire se soit achevé. Elle attendit que ses amies la rejoignent et elles partirent ensemble pour assister au cours de théâtre. Cet après-midi, c'était le club de théâtre qui disposait de l'auditorium – des horaires fixés partageaient le lieu pour ce club, ainsi que pour la chorale du lycée.

Arrivées sur place, elles s'installèrent chacune sur un siège du premier rang, parmi les autres élèves déjà présents. À peine assises, leur prof fit irruption sur scène, au milieu de décors ayant servi auparavant pour les spectacles montés par le club. Il les salua, et se mit à expliquer les projets de cette année.

- Je voulais vous faire jouer Roméo et Juliette cette année…

- Oh non, protesta une fille tout bas.

C'était à croire qu'il était accro à cette pièce : elle a été jouée les 4 années précédentes. Heureusement que les changements de têtes pour les rôles donnaient une petite différence et empêchaient les spectateurs de définitivement détester la pièce.

- … Mais d'après le sondage sur le site du Rosewood High, poursuivi-t-il, les élèves et les parents souhaiteraient du changement. C'est pourquoi j'ai opté pour une autre œuvre de Shakespeare :Macbeth.

Des chuchotements s'élevèrent automatiquement.

- Et pourquoi on n'inventerait pas une histoire nous-même ? lança un garçon derrière Elena.

Le silence revint quelques secondes, puis les élèves se remirent à parler de plus belle, cette fois plus fort. Le prof parut réfléchir un instant, puis demanda le silence.

- C'est d'accord. Ça pourrait être original.

Une excitation soudaine se fit ressentir dans la salle. Et c'est ainsi que les idées commencèrent à fuser.

- Et si on faisait une histoire de zombies ?

- Oh, non ! Les vampires, c'est beaucoup mieux.

- Oui et avec des loups garous !

- Beurk, non ! Un conte de fée, voilà ce qui nous faut.

- Hein, mais ça ne va pas ? On ne veut pas d'un truc gnangnan !

- Ce n'est pas « gnangnan » !

- S'ils meurent tous à la fin, je veux bien !

- La ferme !

- Et si on faisait le Petit Chaperon Rouge, pendant qu'on y est !

- Ouaiiii… Non !

- Pourquoi pas un truc avec des extraterrestres ?

- Pffff…

- D'accord, d'accord… Alors, pourquoi pas… Une ville et ses habitants bloqués sous un dôme ?

- Ça existe déjà, et ça s'appelle justement « Dôme » par Stephen King.

- En plus, comment tu veux qu'on installe une ville et un dôme géant sur scène ? T'es trop un génie, toi !

Les autres se mirent à rire.

- Ça suffit !

Le prof, que ses élèves avaient littéralement oublié, tapait dans les mains pour faire revenir le silence.

- Je vous suggère d'y réfléchir chez-vous, et écrire en résumé votre idée. Ensuite, chacun d'entre vous la lira aux autres pendant le prochain cours, et nous choisirons le meilleur scénario.

Les élèves acquiescèrent, excités à l'idée de faire cette toute nouvelle chose.

La sonnette retentît et l'auditorium se retrouva vite vide.

Elena s'était fixé un objectif pour cette journée : s'assurer que son suspect était bien la personne responsable de la petite blague sur le journal. Elle avait observé les gens autour d'elle – qui se moquaient toujours d'elle, d'ailleurs. Mais surtout, elle avait surveillé une fille en particulier. Elle en était sûre à présent : c'était bien elle.

12: Chapitre 11 - I hate everything about you
Chapitre 11 - I hate everything about you

Chapitre 11 – I hate everything about you

« Le secret de l'existence humaine consiste non pas seulement à vivre mais à trouver un motif de vivre » - Fyodor Dostoïevski.

Katherine leva la tête et plissa les yeux, surprise. Qui pouvait bien lui rendre visite ? Elle abandonna ses cahiers de cours dispersés sur la table du salon et longea le petit couloir qui conduisait à l'entrée. Elle ouvrit la porte doucement et jeta un œil dehors. Le jeune homme au visage familier lui adressa un petit sourire tandis qu'elle lui jetait un regard interrogateur.

- Je passais juste te faire un coucou, a-t-il dit.

- Coucou ! s'exclama Katherine avant de refermer la porte.

Toc toc toc.

- C'est comme ça que tu traites les gentilles personnes qui viennent te voir ? demanda-t-il quand la porte fut rouverte de nouveau.

- Règle N°1, Toby : se méfier de tout le monde sans exception car n'importe qui peut être un serial killer.

Toby se rapprocha légèrement et prit un air diabolique.

- Est-ce que j'ai l'air d'être un tueur en série ?

- Désolée, tu n'échappe pas à la règle, affirma-t-elle.

- D'accord… Je m'en vais.

Il tourna les talons et s'éloigna de quelques pas.

- Mais, dit brusquement Katherine, je suis prête à courir le risque de te laisser entrer.

Un sourire satisfait releva les coins de la bouche de Toby tandis qu'il se retournait et revenait sur ses pas.

Une fois entré, il détailla l'intérieur et constata l'absence de multiples choses qui auraient dû se trouver là : des photos encadrées et accrochées aux murs, des décorations en tout genre, fleurs, tapisserie, de la couleur, de la gaieté et même des… êtres humains. Contrairement à chez-lui, cette maison était mal entretenue et était terriblement impersonnelle. De plus, elle se trouvait un peu en retrait comparé aux autres qui étaient dressées côte à côte. Un peu comme si elle était abandonnée avec sa couleur grisâtre et ses volets fermés, alors qu'il y avait bien quelqu'un qui y vivait.

Katherine tourna sur elle-même et ouvrit les bras d'un grand geste théâtral.

- Voici donc ma demeure.

Elle marqua une pause avant d'ajouter :

- À propos… Comment tu as su que j'habitais là ? Je ne l'avais dit à personne.

- Je t'ai vue rentrer l'autre jour, répondit-il en contournant l'unique canapé du salon et en s'asseyant.

Elle tendit un doigt accusateur vers lui et plissa les yeux.

- Tu m'espionnais ? Tu vois, c'est exactement ce qu'aurait fait un tueur avant de s'en prendre à sa victime.

Il leva les mains d'un air coupable.

- Ok, d'accord, je suis démasqué… En fait, je suis un vampire. Et tu viens de commettre l'erreur de ta vie en me laissant entrer.

- Oh… Et je suppose que tu vas m'hypnotiser pour me faire oublier cette conversation ?

- Probablement, dit-il avec malice.

Katherine esquissa un sourire et vint s'installer à côté de lui.

- Tu sais, en fait, je t'aime bien.

Toby tourna la tête vers elle.

- Oui, je sais… C'est humainement impossible de ne pas m'aimer !

Elle haussa les sourcils et lui jeta un coussin dessus.

- Eh !

- Tu le mérites !

Il fit mine de bouder.

- Alors, un plan pour la prochaine attaque ? demanda-t-il, reprenant un minimum de sérieux.

- Oui, j'ai ma petite idée… répondit Katherine, pensive.

Elle sortit son téléphone et se mit taper un message. Toby se rapprocha et se pencha pour voir l'écran. Dès qu'elle eut cliqué sur « envoyer », il la toisa d'un air intrigué.

- Quoi ?

Katherine remit son téléphone dans sa poche et attendit une réponse.

- La première fois que je t'ai vue, tu avais l'air de la gentille fille, du genre mignonne et timide. Mais en réalité, tu fais vachement peur !

- Je sais, je sais…

Stop. Venait-il d'avouer qu'il la trouvait mignonne ? En même temps, il a aussi dit qu'elle faisait peur… C'est peut-être un petit peu vrai, d'ailleurs. Mais il avait quand même dit qu'elle était mignonne. Non que Katherine se souciait de ce qu'il pensait d'elle…

- Donc… Tu vis ici, toute seule ?

Sa voix prit un ton hésitant.

- Oui, acquiesça la jeune fille. Avec l'argent que m'a laissé Maya, j'ai pu m'acheter cette maison – c'était la moins chère, et aussi l'une des seules disponibles. Rebecca était prête à m'accueillir chez elle, elle m'avait promis que je ne serais plus jamais seule, mais… sa voix se brisa tandis qu'elle essayait de continuer sa phrase.

- Désolé. Je n'aurais pas dû…

- Non, ça va aller, l'interrompit-elle en secouant la tête et ravalant ses larmes.

Elle prit une grande inspiration pour se calmer. Elle détestait pleurer devant quelqu'un, alors elle faisait un effort incroyable pour ne rien laisser paraître et garder une expression impassible.

- Tu sais quoi ? (Toby se leva d'un coup) on devrait sortir un peu, toi et moi.

- Hein ?

Il lui empoigna le bras et la fit se lever à son tour du canapé.

- Tu as besoin d'un peu d'air. On ira où tu veux, et on fera ce que tu veux. (Il fit mine de réfléchir) Sauf peut-être aller dans les bois – il va bientôt faire nuit et je pourrais être tenté par l'idée de te laisser avec mes amis vampires.

Cette fois, Katherine lui donna un coup de poing dans le ventre avec un air faussement indigné.

- Aïe ! Ok, ok… Je vois qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter !

Il avança dans le couloir aux murs blancs avec Katherine derrière lui. Avant qu'il n'ouvre la porte, elle lui tapota l'épaule.

- Toby ?

- Oui ?

Elle croisa les bras et se pencha vers lui.

- Ne crois pas qu'on est les meilleurs amis du monde… En réalité, je te déteste toujours.

- Katherine Anderson me déteste… Oh, mais j'en suis honoré !

Elle écarquilla les yeux.

- Je viens de te dire que je te détestais, et tu es « honoré » ?

- Moi, ça me va. (Il haussa les épaules) C'est mieux que si tu ne ressentais rien du tout pour moi… Pas vrai ? dit-il avec un petit sourire en coin.

Katherine sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Toby la mettait soudain très mal à l'aise. Sans répondre, elle ouvrit la porte et sortit dehors.

- Bon ben, tu viens ?

Il était resté immobile et l'observait. Katherine haussa les sourcils comme pour dire « alors ? », et il se décida enfin à refermer la porte et à la suivre.

- Alors, alors… chuchota Elena en tapotant un stylo sur son bureau.

Une feuille vierge était placée devant elle. Elle devait écrire cette fameuse histoire qui ferait l'objet de la pièce organisée par le club de théâtre de son lycée. Mais elle ne savait pas quel genre de récit conviendrait à tous ses camarades et son prof afin d'être choisie. Devait-elle imaginer une histoire qui serait agréable, dans la douceur et la bonne humeur, ou devait-elle écrire quelque chose de sanguinaire, plein de meurtres et de mystères ?

Son imagination refusant de répondre, elle reposa son stylo près de la feuille en soupirant. Elle regarda vers la fenêtre et vit à travers la modeste maison des Callum, à proximité de la leur. Morgane était assise sous le porche un livre entre les mains, tandis que ses deux petites sœurs couraient joyeusement dans le jardin. Elena se leva de sa chaise et s'approcha prudemment de la vitre. Elle détailla son expression détachée en lisant, tournant les pages d'un geste désinvolte, jusqu'au moment où Morgane sortit son téléphone de sa poche, répondit, et se dépêcha de rentrer. Elle fixa la porte d'entrée par laquelle la jeune fille avait disparut, quand une idée soudaine vit le jour dans son esprit, et un large sourire se dessina sur ses lèvres. Elle venait de trouver le moyen de faire d'une pierre deux coups : éliminer son ennemi et échapper à toute accusation…

Mais pour cela, elle devait impérativement avoir la meilleure histoire.

« I hate everything about you », écrivit-elle en haut de la feuille en guise de titre, revenant à son emplacement initial.

Elle laissa échapper un petit rire, trouvant son idée de plus en plus géniale.

Avant qu'elle ne finisse d'écrire la première ligne, le bipe de son téléphone jusqu'ici posé sur son bureau l'interrompit.

Normalement, je ne devrais pas te prévenir, mais là, je suis de bonne humeur. Je suppose que je peux que faire exception de temps en temps. Fais attention à toi, mon nouveau plan d'attaque en est presque à son dernier stade : l'exécution ! Tu as trouvé ma petite blague de mauvais goût ? La prochaine va te plaire – je te le garantis.

- {-.-}

Elle reposa son téléphone là où il était en grimaçant.

Dis au-revoir, tu n'existeras plus pour très longtemps…

13: Chapitre 12 - Hear my evil, see my evil
Chapitre 12 - Hear my evil, see my evil

Chapitre12 – Hear my evil, see my evil

« La croyance en une origine surnaturelle du mal n'est pas nécessaire. Les hommes sont à eux seuls capables des pires atrocités » - Joseph Conrad.

Morgane était dans les coulisses de l'auditorium. Les acteurs amateurs du club de théâtre étaient agités et en proie au stress. Seule Elena paraissait tout à fait calme et à l'aise – sans doute était-elle habituée à participer à ce genre d'activités.

- Pas trop le trac ?

Elena se retourna vers son amie avec un large sourire.

- Tout va très bien pour moi ! Pas toi, Morgane ?

- Si, si…

À vrai dire, elle n'était pas du genre à être inscrite à un club de théâtre – si bien que c'était la première fois qu'elle participait à une pièce devant tout un tas de gens. Alors, évidemment, elle avait le trac. Mais surtout, elle se demandait ce qu'elle faisait là… Personne ne l'obligeait à faire quelque chose qui ne lui plaisait pas, et voilà qu'Elena contrôlait même ses faits et gestes.

Une fille en longue robe bleue passa à côté d'elles, un script à la main et récitant nerveusement ses répliques.

- Hey, Emma !

Celle-ci se retourna.

- Oh, je ne vous avais pas vues.

Elle releva légèrement sa robe et s'inclina.

- Veuillez me pardonner, votre majesté.

Morgane faillit faire tomber l'un des gros objets destinés à servir de décorations pour la pièce. Est-ce qu'Emma venait vraiment d'appeler Elena « votre majesté » ?

Oh, mais suis-je bête ! pensa-t-elle.

Pendant quelques secondes, elle avait oublié que c'était le script d'Elena qui était retenu, et qu'Emma venait de dire une de ses répliques. Elle se retint de lever les yeux au ciel. Evidemment que c'était le script d'Elena qui allait être choisi : les autres membres du club avaient bien trop peur d'elle pour oser choisir une autre histoire que la sienne.

Elena gloussa.

- Je ne suis pas encore ta reine, Emma !

Elle tripota le couteau rétractable posé sur la grande table où étaient positionnés les quelques objets qui n'avaient pas encore été installés sur scène, ainsi que de multiples accessoires.

En effet, d'après l'explication d'Elena à propos de son histoire, elle-même jouait le rôle d'une pauvre servante qui ne possédait pratiquement rien, avant qu'elle n'aille s'infiltrer dans le château royal pour tuer la reine Emma et ainsi prendre sa place et régner sur son royaume.

Au moins, pas besoin de s'embêter pour les costumes, avait remarqué Morgane, repensant aux costumes qui avaient servi maintes et maintes fois pour les représentations de Roméo et Juliette.

- Entrée en scène dans trente minutes ! annonça leur professeur sur un ton pressant.

- Il ne pourrait pas éviter de nous stresser encore plus ?

Amanda et Lucy rejoignirent leur trois amies, vêtues d'humbles tenues de servantes.

- Wow, tu es ravissante, Emma ! commenta Lucy en détaillant ses cheveux blonds ondulés et son allure dans cette jolie robe bleue.

Emma rougit.

- Merci.

Amanda s'amusa à lui mettre sa couronne et fit la révérence telle une servante le ferait devant sa reine.

- On devrait se préparer, décréta Elena d'une voix forte.

Elles approchèrent de la scène, là où deux gardes royaux s'amusaient à s'entre-tuer avec leurs fausses épées. Le décor représentant la salle commune du château – là où se trouvaient les trônes du couple royal – était fin prêt pour le début de la pièce. Le professeur ordonna à ses élèves de se dépêcher de finir les préparations et demanda à Emma et Ian – la reine et le roi – d'aller s'installer sur leurs trônes.

Toby était assis sur l'un des sièges rouges de l'auditorium au fond, près de l'entrée, d'où les spectateurs entraient encore. Katherine, Morgane et lui avaient discuté de leur plan – qu'ils exécuteraient après la représentation. Il pensait toujours qu'ils devraient rester à l'écart d'Elena et aller la dénoncer sur le champ, mais tant qu'ils ne faisaient rien de dangereux, ni pour Elena, ni pour eux-mêmes…

Soudain, deux mains se posèrent sur ses yeux.

- Bou, fit une voix à son oreille.

Puis quelqu'un se jeta sur le siège à côté du sien.

- Tu m'as l'air de bonne humeur… Pour une fois, remarqua Toby.

- C'est parce que je suis avec toi, affirma Katherine.

Toby la dévisagea, surpris.

- C'était ironique, précisa-t-elle très vite.

Elle se dandina en fixant le grand rideau rouge encore fermé.

- Bien sûr.

C'est à ce moment-là que la pièce débuta. Le rideau se leva devant leurs yeux et dévoila le tout premier décor.

Emma et Ian se tenaient droit sur leurs trônes, et des gardes s'alignaient en file sur chaque côté. Elena entra en scène et avança lentement, deux gardes à ses côtés. Elle arborait une expression triste et larmoyante.

- En fait, c'est quoi l'histoire ? Chuchota Katherine.

- Personne ne le sait : le club de théâtre a voulu faire une surprise, répondit Toby à voix basse.

Elena suppliait la reine et le roi de lui donner l'opportunité de travailler au sein du château en tant que servante, sous prétexte qu'elle n'avait plus de famille et qu'elle n'avait nulle part où aller. Elle fut acceptée.

Katherine pouffa de rire.

- Ça à l'air complètement nul leur truc !

- Chut ! la réprimanda une dame en portant son index sur ses lèvres.

Toby jeta un regard moqueur à la jeune fille.

Les personnages poursuivaient l'énonciation de la pièce – qui était d'un ennui suprême au goût de Katherine. Ce qui était le cas aussi pour Toby, puisqu'ils semblaient tous les deux sur le point de dormir.

Après plusieurs minutes, plusieurs changements de scènes, plusieurs dialogues et monologues, vint une scène qui mit Katherine mal à l'aise. Elena était en train d'annoncer clairement qu'elle avait l'intention de tuer la reine et de se débrouiller pour prendre sa place, tout en cherchant minutieusement le moyen d'y parvenir.

La jeune fille était devenue tendue. Elena avait-elle prévu depuis le début de se débarrasser de Rebecca ? Était-elle devenue son amie dans ce but précis ?

Toby lui prit machinalement la main.

- Hey… Ça va ?

- Euh… (elle dégagea lentement sa main) oui, oui je crois..

Arriva le moment crucial : l'assassinat de la reine.

Emma récitait son monologue. Puis Elena vint discrètement se positionner derrière elle et l'interpella d'une voix effrayante. La reine se retourna et eut une expression apeurée.

- Elena ? (les acteurs avaient gardé leurs vrais prénoms) Que fais-tu ici ?

Elena sortit le couteau rétractable – qui ressemblait assez à une dague – en guise de réponse.

- Elena ?

- N'est-ce donc pas évident ?

Emma fixa la dague en reculant.

- Non, de grâce…

- Votre peuple est pauvre, et malgré cela, vous ne faites rien. Tant de personnes sont mortes de faim, dont mes parents. Que vous faut-il de plus pour que vous daigniez nous accorder de l'attention ?

- Veuillez me pardonner, Elena…

- Non, appelez-moi « votre majesté ».

Et sur ces mots, et lui enfonça la dague en plein cœur, et le hurlement déchirant d'Emma se fit entendre dans toute la salle. Puis, le roi entra en trombe dans la pièce et alla s'agenouiller près de sa femme, tandis que la meurtrière quittait les lieux en courant.

Emma s'était écroulée et Ian s'était penché vers elle.

- Wow, souffla une fille près de Toby. La façon dont elle a crié… On y croirait presque !

Soudain, Ian parut horrifié. Il regarda un moment Emma, qui gisait immobile au sol, puis se leva lentement avant de jeter un regard inquiet à leur professeur qui observait depuis les coulisses. Amanda et Lucy, ainsi que des gardes que Ian était censé appeler avant qu'ils n'entrent en scène, lui jetèrent des regards interrogateurs. Jugeant qu'il fallait y aller quand même, ils s'élancèrent vers Emma. Ils eurent tous un mouvement de recul.

- Mais qu'est-ce que… C'est… C'est du sang ?! s'écria un des garçons sur scène.

Les spectateurs sursautèrent, comprenant que cette réplique n'avait rien à faire là.

Elena s'élança vers son amie, qui ne bougeait pas, et cria à la vue de l'énorme quantité de sang qui se déversait du corps inerte d'Emma. Le liquide rouge imprégnait la robe de cette dernière et constituait une vision d'horreur. Le professeur et tous les autres acteurs encerclèrent la jeune fille. Trois spectateurs se levèrent brusquement et se mirent à courir vers la scène – sans doute les parents d'Emma et son frère aîné.

Katherine jeta un coup d'œil affolé à Toby. Qu'est-ce qu'il se passait ?

Emma était supposée s'écrouler par terre après s'être fait poignardée avec un faux couteau. Ian devait arriver en courant et appeler de l'aide. Puis un changement de décor s'imposait. À aucun moment il n'était question de sang.

À présent, les spectateurs étaient tous debout, paniqués à leur tour.

Katherine aperçut soudain Elena qui se détachait légèrement de la foule… Un léger rictus flottant sur ses lèvres.

Oh, mon dieu. Se pouvait-il que… ?

- Elle est morte, affirma alors une voix.

14: Chapitre 13 - Here in the dark
Chapitre 13 - Here in the dark

Chapitre 13 – Here in the dark

« La lumière pense voyager plus vite que quoi que ce soit d'autre. Mais c'est faux. Peu importe à quelle vitesse voyage la lumière, l'obscurité arrive toujours la première et elle l'attend » - Terry Pratchett

I will keep quiet; you won't even know I'm here

You won't suspect a thing; you won't see me in the mirror

I've crept into your heart; you can't make me disappear till I make you…

Elena tournoyait sur elle-même dans sa chambre en chantant, tout sourire.

I've made myself at home in the cobwebs and the lies

I'm learning all your tricks; I can hurt you from inside

I made myself a promise you would never see me cry till I make you…

You'll never know what hit you!

Elle s'arrêta et se jeta sur son lit avec un petit rire ravi.

Elle avait éliminé Emma. Cette traîtresse d'Emma… Elle était persuadée qu'Emma détenait son journal, que c'était elle qui lui envoyait ces messages puérils, que c'était elle qui lui voulait du mal. Et le fait de l'avoir poignardée… C'était une sensation tellement incroyable, tellement exaltante ! Cette excitation qu'elle avait ressentie avant les faits, ce soulagement et cette joie indéniables qui l'avaient envahie pendant que le couteau rétractable – qu'elle avait si soigneusement remplacé par un vrai quelques instants avant la pièce – transperçait la poitrine d'Emma en plein cœur, que la magnifique couleur de son sang se déverse à flots… C'était unique. Et pourtant, elle était probablement la seule à ressentir ça. Tout le monde était bien trop occupé à être horrifié pour se rendre compte de la beauté du spectacle. C'est bien pour cela qu'elle avait caché avoir commis ce meurtre. Elle aurait bien agi ouvertement, elle aurait voulu raconter à qui veut l'entendre comment elle avait procédé. Mais elle savait que les autres voyaient ça comme quelque chose de « mal », ils appelaient ça un « crime ». D'ailleurs, elle a été interrogée sur ce qui s'était passé – et heureusement elle avait été libérée, pleurant à chaudes larmes et affirmant qu'elle-même ne comprenait pas. Mais Elena pensait tout le contraire : en quoi est-ce un crime de vouloir débarrasser la terre d'une traîtresse ?

La loyauté. La loyauté envers ses amis, voilà le plus important à ses yeux. La règle d'or dans le code de l'amitié. Et Emma ne l'avait pas respectée.

Won't see me closing in

I'm gonna make you suffer

This hell you put me in

I'm underneath your skin

The devil within

You'll never know what hi…

Elle s'interrompit. Un bruit dehors l'avait interpellée. Leur ville était incroyablement calme, en particulier la nuit. Pas un individu, pas une voiture, pas même un chat ne se montrait à l'extérieur à la tombée de la nuit. Pas un.

Elena se releva légèrement et jeta un coup d'œil vers la fenêtre à peine ouverte. La faible lueur de sa veilleuse renvoyait des ombres immobiles sur les murs. Le tic-tac de sa petite horloge était régulier et suivait le même rythme que d'habitude. Elle se rassit, puis, décidant que c'était juste le fruit de son imagination, elle regarda distraitement les photos accrochées dans le coin de sa chambre à sa gauche.

Soudain, elle capta un mouvement à sa droite, et elle sursauta. Mais avant même qu'elle ne puisse se retourner, une main se plaqua sur sa bouche pour l'empêcher de crier, et des bras puissants la saisirent et l'entraînèrent en arrière. Elle tenta désespérément de hurler, de se débattre, agitant bras et jambes pour se dégager. Mais petit à petit, tout autour d'elle devenait flou. Sa chambre se déformait de manière étrange, elle ne captait plus aucun bruit, pas même celui de sa propre respiration saccadée. Et finalement, ce fut le noir complet.

Quelques instants plus tard, Elena rouvrait ses yeux lentement et difficilement. Sa tête tournait, elle avait l'impression qu'elle était sur le point de vomir. Elle scruta furtivement les alentours, essayant de comprendre où elle était, mais ne vit rien dans la pénombre. Depuis combien de temps avait-elle quitté sa chambre ? Était-ce une question de minutes, d'heures… Ou bien même de jours ? Elle n'avait aucune idée de ce qui se passait, et cette impuissance la mettait hors d'elle.

Quand enfin ses yeux s'habituèrent à l'obscurité, elle distingua quelques formes qui se découpaient dans la pièce où elle se trouvait. Elle devinait la couleur sombre des murs, un meuble cassé abandonné dans un coin, des cartons éparpillés par terre, et ce qui ressemblait à des bâches jetés de part et d'autre. Quand elle se retourna, elle reconnut immédiatement la forme d'un escalier… Un escalier ! Et puis, elle comprit : elle était dans un sous-sol.

Elle se traîna à quatre pattes sur le sol poussiéreux jusqu'à avoir atteint la première marche de l'escalier. Gravissant lentement et sans bruit les autres marches, elle se demanda s'il y avait quelqu'un là-haut. Elle tâtonna le mur à la recherche d'un interrupteur, mais apparemment, il était à l'extérieur. Elle s'immobilisa brusquement en entendant des chuchotements à travers la porte.

- On ne va tout de même pas la garder ici éternellement ! Tu as pensé à la police ? Et s'ils découvraient qu'on l'a kidnappée ?

- Je n'appellerais pas cela kidnapping.

- Enlever quelqu'un en le rendant inconscient grâce à du Chloroforme et l'emmener quelque part contre son gré, si, je peux t'assurer que c'est la définition même du kidnapping !

- Ok, ok… Du calme. Elle ne va surement pas tarder à se réveiller, alors il va falloir rester discrets : il ne faut surtout pas qu'elle comprenne qui nous sommes.

Elena distingua trois voix différentes, mais elle ne saurait dire si elles étaient de nature masculine ou féminine. Elle arrivait à peine à entendre les chuchotements et à suivre la conversation. La voix avait marqué une pause avant de reprendre :

- Souvenez-vous que je compte seulement la retenir jusqu'au matin (« jusqu'au matin ? Alors je ne suis là que depuis quelques heures » en conclut Elena) pour éviter que tout le monde se mette à sa recherche.

- Et on la laisse comme ça ? Qu'est-ce qu'on fait quand elle se réveille ?

Elle entendit un soupir.

- On la laisse avoir la peur de sa vie… Même si je suis très tentée de l'assassiner sur le champ, je préfère continuer à lui faire vivre un enfer grâce à son journal et…

La voix ne put continuer sa phrase, car elle fut interrompue par un grand bruit qui l'avait interpellée.

Elena émit un cri de douleur : elle venait de dégringoler le long des marches et s'était cogné la tête contre l'une d'entre elle. Elle porta une main au côté droit de son crâne, s'attendant à y découvrir la substance de son sang. Mais elle ne sentit rien sur ses doigts, juste la douleur sur plusieurs parties de son corps. Elle avait eu de la chance : si cet escalier était plus grand, elle aurait pu y rester. Elle aurait pu mourir, ici, dans le sous-sol de ces trois inconnus. Elle aurait pu mourir de la même manière que Rebecca.

Elle grogna. Rebecca… Il fallait toujours que tout revienne à elle ! Elle se releva et secoua la tête pour oublier le visage de son ex-meilleure amie défunte qui s'était de nouveau imposé à son esprit. Dès qu'elle l'eut chassé, elle se concentra sur la porte, s'attendant presque à ce que l'une des personnes jaillisse dans le sous-sol pour l'achever à grands coups de marteau à la tête. Mais rien n'arriva sur le moment. Tout était immobile, silencieux. Beaucoup trop silencieux.

Elena se recroquevilla sur elle-même dans un coin de la minuscule pièce. Elle venait de se rendre compte qu'elle avait commis une erreur monumentale : Emma n'était pas une traîtresse. Emma n'avait jamais volé son journal pour l'utiliser contre elle, et ne lui avait jamais envoyé de messages anonymes. Emma était innocente. Et elle était morte. Car Elena l'avait tuée. Elle avait tué une jeune fille innocente qui n'avait rien à voir avec cette mascarade. C'étaient ces trois personnes dans la pièce juste au-dessus qui étaient coupable, et elle ignorait leurs identités. S'ils voulaient l'effrayer, c'était réussi. Mais bizarrement, elle n'avait aucun remord concernant Emma. Elle était morte ?... Tant pis !

Elle fixait toujours la porte quand elle vit quelque chose se glisser en dessous. Était-ce bien ce à quoi elle pensait ? Elle hésita un moment mais remonta l'escalier et se pencha pour voir. Oui, c'était bien une feuille de papier pliée par terre. Elle s'en saisit et redescendit. Elle eut grande peine à distinguer ce qui était écrit, uniquement éclairée par la faible lueur qui filtrait de dessous la porte.

Bonjour ! Bien dormi ? J'espère que tu apprécies ton séjour – certes, un peu trop court, mais j'espère fort en émotions ! Petit rappel, Elena : je dispose de tous les moyens de me débarrasser de toi. Alors, sois gentille, et ne rends pas la situation plus compliquée qu'elle ne l'est déjà. Voici la suite : tu seras libre dans quelques heures. Tu devras te rendre au lycée et faire comme d'habitude. Ne crois pas t'en tirer sans payer pour tes deux meurtres… Ce n'est pas encore fini. Et fais-moi plaisir : pas un mot à quiconque. Bisous !

- {-.-}

Que devait-elle faire ? Obéir ? Non, Elena Porter ne se laissait jamais marcher dessus ainsi par quiconque. Furieuse, elle monta vite les marches et se mit à cogner très fort contre la porte en hurlant :

- Je vais me venger ! Vous m'entendez ? Je découvrirai qui vous êtes, et je me vengerai !

Mais comment allait-elle faire ? Face à cette situation, elle ne put retenir ses larmes. Elle-même ne comprenait pas comment elle arrivait à passer de son côté obscur d'assassin à ce côté sensible en totale impuissance.

Une chose est sûre, en tout cas. Dès qu'elle serait libre, Elena mettrait tout en œuvre pour accomplir sa vengeance. Car désormais, la guerre était déclarée.

15: Chapitre 14 - Merry Christmas everybody!
Chapitre 14 - Merry Christmas everybody!

Chapitre 14 – Merry Christmas everybody!

« L'homme est le plus cruel de tous les animaux, il est le seul capable d'infliger une douleur à ses congénères sans autre motif que le plaisir » - Mark Twain.

Le samedi matin, transportant un carton chargé de décorations, Toby se dirigeait vers l'énorme sapin que le Rosewood High dressait chaque année pour les fêtes de Noël. Il avait décidé de donner un coup de main à ceux qui s'étaient portés volontaires pour le décorer, essayant tant bien que mal de se changer les idées. Il faut dire que c'est l'un des moments de l'année préféré des élèves : à chaque Noël, - en plus de tout ce qu'apporte cette fête – ils avaient la possibilité de déposer chacun un objet quelconque, un souvenir, une photo, qui seraient plus tard accroché ou posés au pied du sapin.

Il déposa la boite et scruta le sapin. A peine avaient-ils commencé leur tâche que celui-ci se retrouvait déjà bien rempli : une multitude de petites guirlandes de toutes les couleurs, paillettes, flocons, étoiles... Il restait encore un grand nombre de décorations à ajouter, mais déjà, l'arbre commençait à ressembler à ce qui était convenu.

- Quelqu'un a vu Anna ? demanda un garçon en regardant autour de lui.

Toby soupira et retourna dans la salle de classe inoccupée où était disposé le dernier carton de souvenirs. Il aurait aimé que sa famille fête encore ce genre d'événements. Malheureusement, depuis des années, les liens qu'étaient censés garder les membres d'une famille proches sont pratiquement inexistants dans la sienne. Lui, sa mère et sa sœur cadette ont à présent l'habitude de vivre chacun de son côté, passant à côté des moments précieux.

Il ferma la porte et s'assit sur une chaise face au tableau, comme s'il était sur le point d'assister à un cours très intéressant.

- Ben.. Qu'est-ce que tu fiches ? Les cours te manquent à ce point ? lança une voix féminine.

La porte s'était ouverte à la volée et Katherine se tenait sur le seuil en observant Toby.

- On ne t'a jamais appris à frapper à la porte avant d'entrer ? la gronda-t-il en se levant.

- Non… Alors j'ai inventé un nouveau concept : j'entre, puis… (elle lui donna un coup de poing dans le bras) je frappe !

Toby fronça le nez.

- Je trouve ça original.

Katherine acquiesça de la tête, puis désigna la boite de décorations.

- Tu comptes revenir nous aider ou tu veux continuer à déprimer tout seul ici ?

Il sourit.

- Je veux bien revenir… Si tu acceptes de me laisser t'emmener quelque part demain.

- « Quelque part » ? répéta-t-elle. Umm, c'est bien mystérieux ton truc.

- Est-ce que je risque d'être tabassé si je te dis que j'ai l'intention de passer un peu de temps avec toi ?

- Non, tu ne le risque pas… Tu vas l'être tout de suite !

Elle brandit un rouleau de papier-cadeau et fit mine de le frapper à la tête. Il lui agrippa le bras.

- Alors ?

Katherine croisa les bras sur sa poitrine.

- D'accord… (elle plissa les yeux) mais ça reste entre toi et moi, ok ?

- Donc… Tu pense que cette chaise n'est pas digne de confiance ? plaisanta-t-il.

- Non. Elle me parait même très suspecte.

Ils s'apprêtaient à ressortir quand Morgane apparut sur le seuil.

- Coucou ? fit-elle doucement.

Ils la saluèrent.

- Comme il y a le truc des souvenirs, j'ai pensé qu'on pourrait déposer quelque chose, nous aussi. Qu'est-ce que vous en dites ?

Elle tendit à ses amis une photo. Le cliché les représentait : Morgane se tenait au milieu, bien droite, avec sur le visage, un masque de Jigsaw. Katherine était à sa gauche croisant les bras et tirant la langue à l'objectif d'un air boudeur. Toby, quant à lui, était à sa droite. Il avait un chapeau en forme de bateau en papier sur la tête, levait les bras en l'air, poings fermés comme en signe victorieux et affichait un grand sourire.

- On a l'air de gros débiles.

- Et fiers de l'être !

Ils prirent chacun un des derniers objets de décoration et s'en allèrent.

Deux heures après, les élèves se mirent tous devant leur chef-d'œuvre et le contemplèrent avec émerveillement : ils avaient – pour une fois – trouvé le moyen de lui donner un côté magique. Plusieurs jeunes se tapèrent victorieusement dans la main tandis que d'autres commentaient le résultat.

La plupart avaient souhaité laisser un souvenir, si bien que sur le sapin étaient accrochées plusieurs photos, et les autres, pour éviter une surcharge, étaient déposées au pied et tout autour de l'arbre au près des paquets cadeaux.

Katherine aperçut la photo d'elle et ses amis, et elle se tourna machinalement vers Toby, puis chercha Morgane du regard. Celle-ci était debout juste devant Amanda, Lucy et Elena. Ce tableau lui paraissait un peu bizarre : Emma n'était pas là. Elle n'était plus là. Et si Elena décidait d'éliminer Morgane aussi ? Katherine ferma les yeux pour chasser cette idée de son esprit, mais un souvenir vint s'imposer à lui : Elena enfermée dans son sous-sol. C'était un plan qu'ils avaient trouvé à la va-vite : effrayer Elena et lui montrer qu'ils étaient les seuls maîtres du jeu. Pour la libérer, ils avaient ouvert la porte et s'étaient cachés sur chaque côté de celle-ci. Comme ils s'y attendaient, Elena sortit en courant et Toby l'attrapa par derrière en lui bandant les yeux à l'aide d'un foulard. Elena tenta de crier tandis qu'ils la faisaient tourner sur elle-même pour qu'elle ne puisse pas s'orienter. Ils l'avaient conduite jusqu'à mi-chemin du lycée – dans un autre quartier – et l'avaient laissée là. Plus tard, Elena fut assaillie de questions par ses amies, notamment pourquoi elle avait les même vêtements que le jour précédent (Elle ne mettait jamais la même tenue deux jours de suite), pourquoi elle avait des bleus un peu partout sur son corps, et pourquoi elle n'avait pas répondu à leurs appels. Mais elles s'arrêtèrent dès qu'elle leur ordonna de cesser de poser des questions.

Revenant à la réalité, elle remarqua l'air perplexe de Toby. Puis elle se rendit compte que quelques élèves examinaient un paquet cadeau en particulier, étant penchés au-dessus et le qualifiant de « bizarre ».

- Ce paquet n'était pas là, chuchota Toby.

C'était exact : Katherine n'avait pas aperçu ce paquet cadeau, et à en juger l'expression des autres élèves, eux non plus ne savaient pas ce qu'il faisait là.

À ce moment là, un garçon de seconde se mit face à ses camarades avec une feuille à la main qu'il avait trouvée sur le paquet en question.

- « Vengeance is in my heart, death in my hand, blood and revenge are hammering in my head" récita-t-il en fronçant les sourcils. Ce n'est pas du Shakespeare, ça?

- Si, c'est une citation issue de la pièce "Titus Andronicus", l'une des premières tragédies que William Shakespeare a écrit, confirma une fille passionnée de théâtre à la connaissance de tous.

- Euh, attendez, il y a une suite. « Qui que tu sois, cher ennemi, n'oublie pas que nous sommes plusieurs à jouer à ce jeu. Et tant que le gagnant n'a pas été désigné, les joueurs ont tous les mêmes chances de remporter la victoire. Bien sûr, tous les coups sont permis. Ce petit cadeau en est la preuve indéniable… »

Un petit silence s'installa. Katherine se demanda la signification de ce message, en méditant les mots qu'avait lu le garçon.

Nous sommes plusieurs à jouer à ce jeu… Tous les coups sont permis.

Et puis, ça a fait tilt dans la tête de Katherine. Elle se retourna vivement vers Toby d'un air alerté. Celui-ci lui jeta un regard interrogateur. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais elle fut interrompue par les protestations des autres élèves.

- On ne devrait pas l'ouvrir, dit une fille après qu'un de ses camarades se mit à déballer le cadeau.

- Pourquoi pas ?

- On ne sait pas à qui il est adressé. On n'a pas le droit d'y toucher.

- Le mot n'est même pas signé, et il ne désigne personne en particulier, contra le garçon. Il a peut-être été mis là exprès pour qu'on l'ouvre ensemble, qui sait ?

- Moi je dis qu'on peut l'ouvrir, intervint une petite brune.

- Oui, moi aussi. Qui est avec nous ?

- Moi ! s'écrièrent plusieurs personnes en même temps en levant la main.

Le garçon parut satisfait et commença à déchirer le papier cadeau tandis que la fille, elle, partit s'adosser au mur du fond de la salle en levant les yeux au ciel. Katherine se cacha instinctivement derrière Toby.

Et c'est à ce moment-là qu'ils la virent. Le paquet était étrangement grand. Et le papier à peine déchiré révélait… Une tête. La peau avait une couleur bleuâtre. Des cheveux blonds emmêlés dépassaient. Des yeux bleus sans vie étaient grands ouverts et fixaient le plafond.

Les élèves constatèrent avec effroi de qui il s'agissait.

Ce visage… C'était Anna.

16: Chapitre 15 - Stupid human feelings
Chapitre 15 - Stupid human feelings

Chapitre 15 – Stupid human feelings

« Nous ne pouvons ressentir de désespoir concernant notre humanité puisque nous sommes nous-mêmes des êtres humains » - Albert Einstein.

C'était une fin de journée comme les autres. La nuit tombait lentement sur la petite ville de Rosewood, la plongeant peu à peu dans l'obscurité. Katherine se tenait sur une colline qui donnait vue sur toute la ville. Après avoir traversé une partie des bois, elle avait trouvé cet endroit grâce aux indications de Toby – endroit dont elle ignorait l'existence jusqu'ici. Le jeune homme devait la rejoindre d'un moment à l'autre – c'était leur lieu de rendez-vous.

Tandis qu'elle observait les petites lumières de la ville, Katherine repensa à tous ce qui s'était passé dernièrement. Elle voulait se venger d'Elena en essayant de lui en faire voir de toutes les couleurs. Résultat : Elena déclare la guerre. Ce qui rend les choses compliquées : ce qui devait être une simple vengeance se transforme en un jeu impitoyable et sanguinaire. Alors que Katherine et ses deux complices restaient dans la limite de l'innocent, son ennemie, elle, frappait fort. Désormais, à chaque attaque, un cadavre ferait surface. Conséquence de ce jeu infernal qui prenait une tournure définitivement dangereuse.

Crac.

Katherine n'eut pas besoin de se retourner complètement pour voir que quelqu'un l'observait. Avec un réflexe de survie incroyable dont elle ignorait l'existence et dont elle n'avait jamais fait preuve avant, elle lança une poignée de cailloux ramassés à la va-vite à la figure de l'individu qui était placé derrière elle. Seulement, elle rata sa cible, et l'objet lui passa de près avant de se cogner contre un arbre dans un bruit à peine audible.

L'inconnu sursauta et leva les mains en geste d'impuissance. Katherine le détailla un moment avant de pousser un grand soupir de soulagement.

- Oh, tu m'as fait peur. Je suis contente que ce soit toi.

Le jeune homme fronça le nez.

- Tu jettes toujours des cailloux à la figure des gens que tu es contente de voir ?

Elle eut un petit sourire.

- C'est une marque d'affection, Toby.

Il haussa les sourcils.

- Alors comme ça… Tu as de l'affection pour moi, déduit-il lentement.

Katherine frémit. « Oui » voulait-elle répondre.

- Ben, on est coéquipiers, non ? dit-elle cependant.

- Oui, bien sûr.

Toby mis ses mains dans ses poches et fit quelques pas vers la jeune fille.

- J'ai apporté un petit quelque chose.

Il désigna un petit panier à pique-nique déposé près d'eux. Quelques minutes plus tard, les deux jeunes gens étaient confortablement installés sur une couverture, assis face à face avec seule une petite bougie parfumée entre eux. Ils mangèrent tranquillement, sans un mot.

- C'est en quel honneur ? demanda Katherine au bout d'un moment.

Toby se tourna vers le panier et en sortit deux petits gâteaux qu'il disposa devant lui. Il mit une petite bougie sur l'un deux, l'alluma et offrit un des gâteaux à son amie, un large sourire aux lèvres.

- Katherine Anderson, je te souhaite un joyeux anniversaire.

La jeune fille fixa la bougie, comme si elle ignorait ce qu'elle était censée faire.

- Fais un vœu.

- Cela fait longtemps que j'ai cessé de croire à ces trucs.

- C'est bien cela ton problème. Allez. Fais-moi plaisir.

Katherine ferma les yeux, fit un vœu, inspira profondément et souffla pour éteindre la bougie.

- Satisfait ?

- Très satisfait.

Il entama son gâteau. Elle l'imita et tourna la tête vers la ville. Des lumières scintillaient partout.

- C'est beau, hein ? commenta Toby.

La lueur de la bougie dansait sur son visage. Il resta ainsi à contempler le paysage puis déclara lentement:

- J'ai quelque chose à te dire.

- Oui ?

Il prit une grande inspiration.

- Ça fait un moment qu'on se connait, et même si on traîne ensemble je me rends compte que tu ne m'aime pas beaucoup. Mais moi, contrairement à toi, je t'apprécie. Même si tu es un peu flippante des fois, et que tu es vachement agaçante quand tu t'y mets et que…

- Toby… l'interrompit-elle. Où veux-tu en venir ?

Il baissa les yeux, mal à l'aise.

- Eh bien, je voulais simplement te dire que je…

- Tu… ?

- Je t'… Je te considère comme ma meilleure amie.

L'expression de Katherine s'adoucit malgré elle.

- Oh… Je t'apprécie beaucoup, moi aussi. Je sais que je ne le montre pas trop, mais tu comptes énormément pour moi…

Elle s'interrompit net. Elle réalisa à ce moment ce qu'elle venait de dire et détourna le regard. Toby parut surpris, lui aussi. Il la fixa quelques secondes sans réagir, puis un grand sourire se dessina lentement sur son visage.

- Eh bien ! s'exclama-t-il. Qui aurait cru que Katherine Anderson était capable de dire une chose aussi gentille ?!

Cette dernière ramena son regard sur lui.

- Eh, est-ce que tu veux que ce truc tombe « accidentellement » sur ta tête ? menaça-t-elle en désignant une branche à côté d'elle.

- Non, merci. Le fait que tu m'aies presque assommé à grands coups de pierres a été une expérience déjà assez traumatisante comme ça !

- Tu exagères.

Elle sourit et lui donna un petit coup de poing sur son bras gauche.

Elle ne voulait peut-être pas l'avouer, mais elle se sentait bien en sa compagnie, et pour la première fois depuis longtemps elle se sentait proche de quelqu'un.

Etant plongés dans un silence, ils se dévisagèrent. Atteinte d'une gêne soudaine, Katherine détourna à nouveau son regard, faisant mine d'être fascinée par un arbre. Elle scruta nerveusement le feuillage, sentant que le jeune homme l'observait toujours.

C'est là qu'elle sentit quelque chose tomber sur son visage : des gouttes. Elle leva la tête vers le ciel et constata la présence de gros nuages gris qui assombrissaient l'atmosphère davantage qu'il ne l'était.

- Il va pleuvoir, affirma Toby, qui regardait lui aussi dans la même direction.

- J'adore la pluie, murmura-t-elle avant de rebaisser la tête.

- Moi aussi.

Leurs regards se croisèrent, et avant même qu'elle comprenne ce qu'il se passait, Toby s'approcha d'elle et posa délicatement ses lèvres sur les siennes.

« Les amis ne sont pas censés s'embrasser » se dit-elle, un peu désorientée.

Mais Katherine ne pu y résister – elle ne voulait pas résister. Elle passa ses bras autour de son cou et lui rendit son baiser. Elle ne saurait dire combien de temps ils étaient restés ainsi.

Soudain, elle s'écarta de lui, mettant fin au baiser.

- Toby… (elle secoua la tête) On ne devrait pas faire ça.

- Pourquoi ?

- Parce que… (elle semblait chercher ses mots) Je ne peux pas.

Elle se leva et s'apprêta à partir, mais Toby la retint par le bras et la retourna face à lui.

- Je ne te laisserai tranquille uniquement si tu me donne une raison. Une bonne.

- Parce que tu es censé être un ami, lança-t-elle espérant que cela suffirait à l'empêcher de poser des questions.

- Ce n'est pas ce que j'appelle une excuse valable.

Toby la regardait droit dans les yeux avec une expression impassible qui, d'une certaine manière, déstabilisait Katherine. Celle-ci demeura muette un instant, puis sachant pertinemment qu'il ne lâcherait pas l'affaire sans avoir eu une réponse, et sentant qu'elle-même ne tiendrait pas plus longtemps, les mots se déversèrent de sa bouche de telle façon qu'elle ne pu les arrêter.

- Tu veux une bonne raison ? Très bien. C'est parce que tu es tout ce que j'ai. Et si je veux te garder un minimum loin de moi c'est parce que tu comptes trop à mes yeux pour que je te laisse t'approcher et qu'il t'arrive malheur par ma faute car je ne suis qu'une psychopathe qui cherche à venger une sœur qu'elle a à peine connue, et avec tout ça, malgré que je veuille te protéger, je t'aime, Toby. Je t'aime de tout mon stupide, stupide cœur !

Elle s'interrompit, à bout de souffle. Toby agrippait toujours son bras, et restait figé, plus qu'étonné. Ils semblaient ne se soucier guère d'être à ce moment-là trempés jusqu'aux os par la pluie qui s'était faite dense.

Katherine se dégagea et s'éloigna à pas pressés. Elle n'arrivait pas à croire ce qu'elle venait de faire. Mais peut-être cela allait-il servir à quelque chose : Toby accepterait de se tenir à une certaine distance.

Un petit cri étouffé s'échappa de sa gorge tandis qu'elle s'engouffrait dans les bois pour ainsi se retrouver seule et pouvoir tranquillement se lamenter. Mais elle sentit quelqu'un l'attraper par la taille et la tirer en arrière. Son visage se tenait face à elle, près – très près – du sien.

- Primo, tu n'es pas une psychopathe. Secundo, même si tu es têtue comme pas possible, je t'aime.

- Je…

- Non. Ferme-là.

- … Tu ne vas pas me lâcher, c'est ça ?

- Tu as tout compris.

- Mais tu sais très bien que tout est devenu compliqué et dangereux.

- Les drames… On peut bien les mettre de côté de temps en temps, tu ne penses pas ?

Katherine ferma les yeux et soupira. Voilà encore une chose qui vient s'ajouter à la longue liste de ce qu'elle devait gérer : choisir de faire taire ses sentiments pour Toby et lui briser le cœur au passage… ou laisser son propre cœur décider à sa place.

17: Chapitre 16 - Burn
Chapitre 16 - Burn

Chapitre16 – Burn

« Trois personnes peuvent garder un secret si deux d'entre elles sont mortes » - Benjamin Franklin

Il était tard, et Katherine et Toby devaient rentrer chez eux. Après cette soirée, Katherine voulait tout simplement se pelotonner sous sa couette, comme à chaque fois que quelque chose la préoccupait. Elle n'arrivait toujours pas à croire à ce qui s'était passé avec Toby. Elle se sentait terriblement mal à l'aise. D'autres auraient trouvé ça ridicule, mais elle ne pouvait pas se permettre de perdre l'un de ses seuls amis. Il comptait trop pour elle pour qu'elle le mette plus en danger qu'il ne l'était déjà – et ce, par sa faute.

Katherine scruta l'horizon à peine visible dans la nuit tandis que Three Days Grace entamait le premier couplet de Someone Who Cares.

Every street in this city is the same to me

Everyone's got a place to be but there's no room for me…

En se rendant compte avec joie de quelle chanson il s'agissait, Katherine tendit le bras et monta le son. Toby lui jeta un regard en biais tandis qu'elle fredonnait le refrain.

… Why is it so hard to find someone who cares about you?

When it's easy enough to find someone who looks down on you

Why is it so hard to find someone who can keep it together when you've come undone?

Why is it so hard to find someone who cares about you? …

- Arrête de me regarder, imbécile, lui lança-t-elle en s'apercevant qu'il l'observait.

Toby détourna les yeux vers la route, un sourire amusé aux lèvres. Katherine le remarqua et ajouta :

- Quoi, tu croyais que j'étais du genre à écouter du One Direction ?

- J'en apprends chaque jour des choses à propos de toi. Des bonnes choses comme des mauvaises. Mais surtout des bonnes.

Katherine le dévisagea.

- Tu me dis ça juste parce que j'adore ce groupe ?

- Je te dis ça parce que je te trouve différente. J'aime les différences. C'est cela qui nous rend unique et spécial.

Elle hocha la tête.

- Je suis d'accord. Mais je crains que nous sommes les seuls à le penser dans cette ville. (Elle grimaça) Visiblement, ils tiennent tous à faire comme les autres et à leur ressembler…

- Par peur d'être rejetés dans le cas contraire, continua Toby. Je suppose que c'est le prix à payer pour être « accepté » - dire et faire des choses idiotes en permanence, qu'on n'aurait pas forcément dites ou faites si l'on n'était pas sous l'influence de ce stupide concept de popularité. Tout ce qu'on fait dans ce cas-là c'est nous faire du mal à nous-mêmes. Effacer notre propre personnalité dans l'espoir de plaire aux autres… Dans ce monde, ce n'est pas nous qui choisissons si on nous fait du mal ou pas, en revanche on peut choisir qui nous fait du mal. Et c'est triste de réaliser que dans ce cas-là notre pire ennemi... c'est nous.

Katherine médita un instant ses paroles, puis pouffa de rire.

- Wow… A t'entendre, on dirait bien que tu as une longue expérience en la matière.

Toby eut un petit rire.

- Ce n'est pas faux. C'est ce que je pense. J'ai cessé d'espérer que les gens me remarquent et m'apprécient.

- Mais ils te remarquent, dit Katherine en repensant aux filles qui le fixaient en permanence au lycée ou dans la rue.

Toby secoua la tête, ayant l'air de comprendre à quoi elle pensait.

- Non, je ne veux pas être remarqué de cette façon là. Je veux qu'on m'apprécie pour ce que je suis. Même si je peux être bizarre des fois, je l'admets.

Il se concentra un instant sur la chanson, puis faisant référence aux paroles, il déclara :

- Moi, je me soucie de toi.

La jeune fille se dandina dans son siège. Au bout d'un moment, elle soupira.

- Je ne t'ai pas remercié. Pour avoir fêté mon anniversaire. Je pensais que personne ne s'en soucierait ou même s'en rappellerait. Alors, merci. Merci aussi pour tout ce que tu fais pour moi.

Il lui sourit légèrement.

- Il n'y a pas de quoi.

Quelques minutes plus tard, Toby ralentit et se gara devant chez Katherine. Ils détachèrent tous les deux leur ceinture et sortirent du véhicule. S'arrêtant dans l'allée menant à la porte d'entrée, Toby regarda son amie, gêné. Cette dernière s'efforça de ne pas le regarder en retour et de cacher sa nervosité.

Il devait être près de 21h. Les lampadaires plantés ici et là éclairaient la rue. De la lumière apparaissait à pratiquement chaque fenêtre des maisons voisines. À l'exception des rares personnes qui marchaient un parapluie à la main ou promenaient leurs chien, le lieu était désert. Une drôle d'odeur planait dans l'air.

- Pour ce qu'il s'est passé tout à l'heure… (Toby déglutit) Si tu ne veux pas… Enfin s'il y a une autre raison pour laquelle tu…

- C'est juste que je dois réfléchir. Je ne sais pas exactement ce qui se passe avec toi, mais…

Katherine s'arrêta. L'étrange odeur vint à nouveau chatouiller ses narines. Elle essaya de déterminer ce que c'était mais son attention fut attirée par une silhouette qui s'élançait à toute vitesse un peu plus loin. Ses yeux s'écarquillèrent de surprise.

Toby suivit son regard, et il aperçut la silhouette juste à temps pour deviner son identité. Malgré la capuche relevée sur sa tête qui dissimulait son visage, il était facile de la reconnaître : Elena.

- Il se passe quelque chose.

Puis quelque chose dans le ciel les alerta tout les deux. Il leur fallut quelques secondes pour comprendre. Ils se jetèrent un regard inquiet.

Morgane.

Ils se mirent à courir le plus vite possible. Deux minutes à peine et ils arrivèrent à la lisière des bois, là où se trouvait la maison des Callum. Seulement, ils furent étonnés – et soulagés – de voir Morgane aux côtés de sa famille dans leur jardin. Car le danger n'était pas là. Non. Il était dans la maison d'en face.

Chez Amanda.

Une fumée noire émanait de la grande maison. Des flammes flamboyantes engloutissaient peu à peu la bâtisse. Des hurlements terrifiants se faisaient entendre de l'intérieur.

Mais en moins de deux, une sirène se fit entendre et un camion de pompiers apparut. Ils maîtrisèrent le feu assez vite sous les yeux ronds des curieux qui étaient sortis de chez eux pour voir ce qu'il se passait. Deux personnes furent sauvées : Amanda et Lucy. Elles étaient couvertes de suie. Elles toussaient et avaient du mal à respirer. Des larmes coulaient sur leurs joues. Elles étaient tellement vulnérables…

Ce n'était pas bien difficile de faire le lien entre le fait d'avoir vu Elena courir un peu plus tôt dans la direction opposée et cet incendie.

C'était même très simple. Elena à déclenché un incendie dans la maison d'Amanda. Son geste était en aucun cas un accident, mais bien prémédité. Elle avait tenté de tuer ses meilleures amies.

Mais… Pourquoi ?

18: Chapitre 17 - Oh, love
Chapitre 17 - Oh, love

Chapitre 17 – Oh, love

« Aimer, c'est donner à l'autre le pouvoir de vous détruire, en comptant qu'il n'en fasse rien »

En temps normal, la famille Porter serait en train de discuter avec animation autour de la table. Mme. Porter aurait confectionné un dîner délicieux, M. Porter aurait fait rire sa famille avec ses blagues tordantes. Elena et Lisa – sa sœur – auraient raconté chacune sa journée.

En temps normal.

Cette fois, les Porter se trouvaient bien autour de la table du salon, mais c'était différent. Lisa était affaissée mollement contre le dossier de sa chaise. Elena jouait avec sa nourriture sans vraiment y goûter. Les parents fixaient l'écran de la télé – d'ordinaire éteinte pendant les repas – qui diffusait le journal télévisé. Une bande en bas de l'écran clamait : « Rosewood : Un incendie blesse deux adolescentes ».

- … Suite à l'appel des voisins rapidement après l'enclenchement de l'incendie, celui-ci a vite été maîtrisé, racontait la journaliste. Néanmoins, il a causé quelques dégâts matériels et engendré deux blessées.

Elena serra ses poings sous la table. Elles n'allaient quand même pas la dénoncer ?

La journaliste poursuivit :

- Les deux jeunes filles, Lucy Donovan et Amanda Ross, qui se trouvaient dans la maison de cette dernière, affirment que c'était accident. D'après elles, elles auraient allumé plusieurs bougies à proximité de la fenêtre fermée. Un moment d'inattention, et les rideaux auraient prit feu, et les flammes se seraient propagées dans la pièce, sans qu'elles ne réussissent à s'en échapper à temps.

Elena réprima un sourire. Lucy et Amanda avaient raconté une histoire banale, mais cela suffirait certainement à ce que personne ne découvre le rôle qu'elle-même avait joué dans la vraie version. Car bien évidemment, c'était loin d'être un accident.

Cette soirée-là, Elena se trouvaient avec ses deux meilleures amies chez les Ross, dans la chambre d'Amanda. Tout se passait bien, jusqu'au moment où Lucy avait décidé de jouer à sa grande je-sais-tout, et qu'elle commence à lui faire la morale. Elle ne se souvenait plus comment, mais la discussion avait tourné sur le fait qu'elle soit coupable de trois meurtres, et que ses amies gardaient un bien trop lourd secret. Elena ne supportait pas qu'on lui fasse ce genre de commentaires, ou qu'on lui dise ce qu'elle devait faire ou pas, y compris quand c'est ses meilleures amies. Lucy lui expliquait que c'était trop dur pour elle, Amanda et Morgane de taire une telle chose, surtout qu'elles n'étaient pas vraiment responsables, et que seule Elena l'était. Elle avait décrété qu'Elena devait arrêter de commettre ces crimes, que ce n'était qu'une jeune fille de 18 ans, qu'elle avait une vie merveilleuse et qu'elle devait cesser de la gâcher et enfin laisser le passé derrière. Oh, Lucy… Furieuse, Elena sortit en claquant la porte. Elle revint plus tard, déclencha l'incendie et les enferma dans la pièce. Car Elena n'avait pas l'attention d'arrêter. Non. Et quiconque se mettrait sur son chemin devrait en payer les conséquences. Elle était ravie que Lucy et Amanda aient été assez intelligentes de n'avoir rien raconté. Elles avaient retenu la leçon.

Mes chères amies…

Elena revint à la réalité en se rendant compte que sa mère venait d'éteindre la télévision. Cette dernière se rassit à sa place. Elle regarda sa fille avec compassion.

- Nous sommes désolés, ma chérie. J'imagine que tu as eu très peur pour tes amies.

Elena se concentra pour faire monter des larmes à ses yeux. Dès que sa vue s'embua, elle secoua la tête d'un air triste.

- J'étais si inquiète ! J'ai déjà perdu Rebecca et Emma et je ne veux surtout pas perdre les seules amies qui me restent. Amanda et Lucy ont eu de la chance, elles auraient pu y rester et moi je…

De fausses larmes coulèrent sur ses joues. Mais bien sûr, sa famille ne s'en doutait pas.

- Oh… (Sa mère lui tint la main)

- Ça va. Elles vont bien, maintenant. C'est l'essentiel. Je les reverrai bientôt et tout rentrera dans l'ordre.

Ses parents et sa sœur acquiescèrent.

C'est si facile…

Pendant ce moment, Katherine se préparait pour son rendez-vous avec Toby. Depuis la fameuse nuit où ils s'étaient embrassés, une gêne s'était installée entre eux, et elle détestait ça. Elle avait décidé de tout mettre au clair au plus vite.

Alors qu'elle s'apprêtait à enfiler son manteau, elle entendit un bruit derrière elle et se figea. L'espace d'une seconde, elle s'imagina découvrir le visage d'Elena déformé par la colère après avoir découvert l'origine de ses messages anonymes. Elena est rusée, elle avait très bien pu tout comprendre et décidé par la suite de se venger. Mais avant même qu'elle se retourne, quelqu'un l'attrapa par derrière et lui plaqua la main droite sur sa bouche.

- Chuuuuut…

Katherine s'apprêta à hurler quand même, mais ses muscles se détendirent après quelques secondes. La personne était trop grande, trop imposante, et trop forte pour que cela soit Elena. Elle se dégagea vivement tandis que l'emprise qu'avait cette personne sur elle se desserrait. Quand elle eut la certitude de qui il s'agissait, elle poussa un soupire.

- Tu mérites un gros coup de poing dans la figure !

- Je t'ai fait peur ?

- Evidemment que tu m'as fait peur !

Katherine baissa les yeux vers son poignet qui était toujours emprisonné par la main du jeune homme.

- Toby, il faut qu'on parle. De… Ce qui s'est passé l'autre soir.

- Laisse-moi deviner. Tu vas me dire que tu as des sentiments pour moi, mais que c'est trop dangereux. Tu ne veux pas me faire du mal, alors tu préfère rester loin de moi… Seulement tu oublies que même en restant amis, nous sommes en danger. Nous nous sommes mis en danger à la seconde où nous avons commencé à établir notre premier plan contre Elena. Et pourtant… Nous sommes encore là.

Les yeux de Toby brillaient.

- Tu peux ne pas m'aimer, tu peux me faire sortir de ta vie à jamais. Mais je te défends de me mentir, Katherine. Dis-moi clairement les choses.

Katherine soupira.

- Tu sais quoi ?... J'abandonne.

- Tu abandonnes… ?

Sans un mot de plus, Katherine s'avança et posa ses lèvres sur celles de Toby. Surpris, le jeune homme la repoussa après quelques secondes.

- Euh, est-ce que ça veut dire que… ?

- Oui, ça veut dire que.

Katherine pressa la main de Toby en souriant. Elle l'entraîna dehors, là où la couleur blanche de la neige régnait.

- J'ai le droit de faire un commentaire, ou je vais recevoir de la neige en pleine gueule ? demanda Toby en rajustant son écharpe autour de son cou.

- Mmm… Essaye.

- Eh bien, Katherine Anderson, tu es un vrai point d'interrogation.

Katherine tourna la tête vers des enfants qui faisait un gros bonhomme de neige.

- Un point d'interrogation ? répéta-t-elle distraitement.

- C'est cela. Un coup tu es gentille, un coup tu te comportes comme si tu ne voulais voir personne. Tu sembles de bonne humeur, mais tu te montres antipathique envers les autres. Un coup tu me détestes, un coup tu m'aimes… (Toby leva la tête vers le ciel) Tu es un gros point d'interrogation.

Katherine rentra ses mains dans les manches de son manteau.

- C'est juste que je préfère garder ce que je ressens bien au fond de moi. Je me comporte « normalement », puis je me rappelle que je ne veux pas qu'on voit ce côté-là de moi-même.

- « Ce côté-là » ?

- La gentille moi. Dans ma vie, on m'a si souvent marché dessus que j'ai décidé de ne plus jamais laisser paraître ne serait-ce qu'une seule de mes faiblesses. Plus les gens voient ta vulnérabilité, plus ils en profitent. Et la gentillesse en fait partie. Même le Dr. House le dit : selon lui, la gentillesse est une maladie.

Toby hocha la tête, un petit sourire aux lèvres.

- Quant au fait que je te détestais… Ça aussi, je le fais souvent. Rejeter les gens. Même si je tiens à eux, je les maintiens à distance. Comme ça, tout va bien et aucun de nous n'est blessé. (Elle tourna à l'angle d'une grande maison) Mais toi, tu es une exception.

Toby lui prit la main et montra du doigt la grande horloge de la ville, qui indiquait 16h16.

- Regarde. Ça porte bonheur.

Katherine haussa les sourcils.

- Ah ? Et depuis quand ?

- Il y a seulement quelques secondes. C'est moi qui l'ai décidé.

- Cela ne veut rien dire.

La grande aiguille avança d'une minute.

- On dit que le temps passe vite, reprit Katherine. Mais d'un autre côté, quand on se dit qu'on a toute la vie pour faire tout plein de choses, le temps ne parait plus s'écouler si vite.

- Tu as tort. C'est même effrayant à quel point le temps s'envole. Et puis, on ne sait jamais combien de temps on a devant soi.

Toby se tourna vers elle. Il se pencha et l'embrassa.

- Oh, mon dieu.

Les deux jeunes gens se séparèrent.

- Salut, Morgane, dit Katherine d'une petite voix.

- Je le savais ! s'exclama Morgane.

Elle sautilla joyeusement vers eux et passa un bras autour de leurs épaules.

- Je savais bien que ça allait arriver un jour. Ok, c'est bizarre, mais vous êtes trop mignons ! (Elle rit de bon cœur) On devrait vous trouver un nom de couple…

Tandis qu'elle réfléchissait, Toby et Katherine se penchèrent pour ramasser de la neige. Formant chacun une boule, ils la jetèrent sur leur amie.

- Hé ! protesta cette dernière en sursautant. Vous allez me le payer.

C'est ainsi que fut déclarée la première guerre mondiale de boules de neige.

19: Chapitre 18 - It started a long time ago
Chapitre 18 - It started a long time ago

Chapitre 18 – It started a long time ago

« Toutes les choses vraiment atroces naissent dans l'innocence » - Ernest Miller Hemingway

- Mme Porter ?

- Lucy ! Entre.

Lucy adressa un sourire à la mère d'Elena puis se dirigea vers le salon où elle découvrit Amanda et Morgane assises l'une à côté de l'autre sur le canapé, et M. Porter debout près de la fenêtre.

Lucy s'asseyait en se demandant une énième fois pourquoi les parents d'Elena les avaient convoquées quand Mme. Porter prit une grande inspiration avant de prendre la parole.

- Bien. Si nous avons demandé à vous parler, c'est pour vous faire part d'une chose importante…

- Tout va bien, j'espère ? s'inquiéta Amanda.

M. Porter s'installa près de sa femme, en face des filles.

- C'est à propos d'Elena. Nous savons que vous êtes les amies les plus proches de notre fille. C'est pourquoi il nous a semblé naturel de vous en parler. Ce que nous allons vous dire n'est pas facile. Mais je vous demanderai de ne pas avoir peur ni de vous inquiéter.

Il marqua une pause puis reprit.

- Nous pensions que c'était fini… Jusqu'au jour où Rebecca nous a parlé de choses que vous aviez peut-être remarqué, vous aussi.

- Du temps où Rebecca était en vie, elle était très proche de vous, n'est-ce pas ? demanda Mme. Porter même si elle connaissait déjà la réponse. Elle a constaté qu'Elena agissait des fois de façon… anormale. Elle a affirmé que notre fille prétendait entendre ou voir des choses improbables. Qu'elle se lançait dans des délires parfois paranoïaques…

- Nous avons commencé à nous inquiéter… Etant donné ses antécédents.

- Ses… Antécédents ? répéta Morgane.

Lucy crut avoir mal entendu.

- Oui…

FLASHBACK, 25 juin 2001.

- Maman !

- Oui, Elena ?

La petite fille âgée de dix ans s'assit sur une chaise de la cuisine.

- J'ai eu ce que je voulais.

- Ah. Et qu'est-ce que tu voulais ?

- Un ami !

Le visage de la femme s'illumina.

- C'est bien, ma chérie. Tu vois ? Je t'avais dit que tu te ferais plein d'amis. Cette ville n'est finalement pas aussi nulle que tu le pensais, tu ne trouves pas ?

Elena hocha la tête en souriant.

- Je l'ai rencontré au parc, toute à l'heure. Il s'appelle Charlie.

- Oh, dans ce cas tu pourrais inviter Charlie à venir prendre le goûter un des ces jours.

Le sourire d'Elena s'effaça.

- Maman… Charlie est déjà là. Ne le vois-tu pas ?

La petite fille montra du doigt la chaise au bout de la table.

Mme. Porter regarda la chaise vide, ne comprenant pas. Elle fronça les sourcils, mais ses traits se détendirent vite à nouveau.

- Elena… Tu aurais pu me dire que Charlie était un ami imaginaire.

Elle trouvait que sa fille était un peu trop grande pour avoir un ami imaginaire. Mais après tout, l'ami imaginaire était un phénomène assez répandu chez les enfants.

Elena se leva lentement de sa chaise.

- Maman, dit-elle doucement. Charlie est là. Il existe. C'est mon ami.

- Je sais bien que c'est ton ami, Elena. (Elle s'approcha de sa fille avec un petit sourire) Tu sais, tu n'as pas à avoir honte. Tu as le droit d'imaginer Charlie et…

- Il est réel ! s'écria la fille. Charlie est là, pourquoi tu ne le vois pas ?

- Qu'est-ce qui se passe ?

M. Porter venait de rentrer.

- Maman refuse de me croire. Mais je t'assure, papa, Charlie existe !

Elle désigna à nouveau la chaise vide.

M. Porter fit la navette entre la chaise et sa femme d'un air interrogateur.

Elena se mit en colère.

- Charlie a raison ! Vous êtes méchants ! Viens, Charlie.

- Elena !

La petite s'éloigna sans un mot de plus.

Quelques semaines plus tard, un soir, Mme. Porter alla souhaiter une bonne nuit à sa fille. Mais alors qu'elle s'apprêta à ouvrir la porte de sa chambre, elle surprit ce qui devait être une conversation.

- Charlie, je ne peux pas faire ça !

Un petit silence sépara cette phrase de la suivante.

- Non. J'aime mes parents. Jamais je ne ferais une chose pareille…

Silence.

- Ne me demandes pas ça, Charlie… Jamais je ne tuerais mes parents.

La porte s'ouvrit brusquement et Elena hoqueta. Mme Porter lui empoigna le bras.

- Elena, tu peux m'expliquer ?

- T'expliquer quoi ?

- Avec qui tu parlais ?

- Avec personne…

- Elena ! s'écria sa mère. C'est encore ce Charlie, c'est ça ? Qu'est-ce qu'il t'a dit ?... (Elle s'interrompit un moment) Bon sang… Mais qu'est-ce que je raconte ?! Evidemment qu'il n'a rien dit ! Charlie n'existe pas !

Elena se mit à pleurer.

- Arrêtes, maman. Charlie existe !

- Ecoute-moi bien, Elena. Je veux que tu comprennes que cet… ami n'a jamais existé, et qu'il n'existera jamais. Je comprends que tu puisses te sentir seule depuis qu'on a emménagé ici, mais j'aimerais que tu essayes de te faire de vrais amis au lieu d'inventer un être aussi mauvais !

Elena s'arrêta de sangloter.

- Charlie a raison. Je devrais vous tuer.

Mme. Porter lui lâcha le bras, horrifiée. Elena sursauta légèrement et se tourna vers la fenêtre.

- Oups. Désolée, Charlie. Cela devait rester secret.

La mère regarda sa fille avec horreur.

C'est ainsi que leur fille fut suivie par un psychologue puis un psychiatre. Elena souffrait de Psychose, maladie qui courait depuis longtemps et sur plusieurs générations dans la famille maternelle. Des médicaments lui furent administrés et Charlie ne devint plus qu'un simple – et affreux – souvenir.

FIN DU FLASHBACK.

Amanda et Lucy n'en croyaient pas leurs oreilles. Elles ne voulaient pas le croire. Les amies d'Elena depuis plusieurs années déjà, savaient qu'Elena semblait perturbée des fois, et que ses agissements récents témoignaient d'une certaine folie chez elle… Mais avoir la certitude que l'une de leurs amis était atteinte de Psychose… Elles ne pouvaient s'y résoudre. Et ce, contrairement à Morgane qui l'avait d'une certaine manière su dès lors que la jeune fille les avaient mises dans la confidence qu'elle avait commis un meurtre.

Les parents d'Elena eurent un regard triste.

- Nous lui avons dit de ne jamais en parler à quiconque.

Lucy s'alarma.

- Nous aussi, nous avons quelque chose à vous dire, dit-elle d'une voix tremblante. C'est à propos de Rebecca… Elena a… C'est elle qui…

Les mots refusaient de sortir de sa bouche. Elle avait juré de ne pas révéler cet affreux secret. Mais qu'est-ce qui était le mieux pour Elena ? Garder son secret et lui permettre de tuer encore, ou le révéler et qu'elle se fasse soigner afin de se débarrasser de cette maladie ? Certes, elle avait peur d'Elena, mais celle qui était censée être sa meilleure amie avait tenté de la tuer…

Elle prit une grande inspiration pour se calmer et prononcer une phrase cohérente. Mais elle se résigna quand elle remarqua Amanda… Celle-ci la regardait fixement et intensément.

Tu as juré… disaient ses yeux.

Lucy déglutit péniblement sous les yeux inquiets des parents d'Elena, qui attendaient toujours qu'elle parle.

- Rebecca avait raison. (Elle se concentra pour contrôler ses tremblements) Elena se comporte bizarrement, des fois.

Morgane se crispa. Et dire que Lucy était sur le point de tout leur dire…

- C'est pour cela que nous vous demandons de garder vos distances avec elle, répondit M. Porter. Nous essayerons de lui parler, de nous expliquer avec elle. Mais pour l'instant, essayez de ne pas trop vous voir en dehors du lycée. C'est pour votre bien à toutes.

Les trois jeunes filles hochèrent la tête et M. et Mme. Porter leur adressèrent un sourire qui se voulait rassurant.

- Maman ? Papa ? Je suis rentrée ! s'écria soudain une voix en même temps que la porte d'entrée s'ouvrait.

La surprise et l'appréhension passèrent sur les visages des cinq personnes tandis qu'Elena apparaissait sur le seuil.

Cette dernière fronça les sourcils en se rendant compte de la présence de ses amies, et de l'expression qu'arboraient ses proches.

- Qu'est-ce que vous faites là ? interrogea-t-elle lentement.

- Euh…Nous voulions… commença Lucy.

- Nous voulions parler à tes parents, intervint Amanda. Nous… Nous voulions leur parler de la fête surprise qu'on avait programmée pour ton anniversaire, improvisa-t-elle. (Elle soupira) Dommage, ce n'est plus une surprise, maintenant.

Elena regarda ses parents, qui acquiescèrent rapidement, puis revint sur Lucy et Amanda qui affichaient de petits sourires désolés et Morgane qui ne réagissait pas.

- Oh… dit-elle enfin. Ce n'est pas si grave. De toute façon, je ne comptais pas inviter grand monde et votre surprise m'aurait certainement un peu dérangée.

Les sourires d'Amanda et Lucy s'effacèrent. Morgane se leva.

- Hum, nous devons y aller.

Elle dit au revoir aux Porter et se dirigea vers la porte d'entrée. Plus tôt elle quitterait cette maison, mieux elle se porterait.

S'ils savaient ce dont leur fille est capable… pensa-t-elle.

20: Chapitre 19 - Shouldn't play with the devil
Chapitre 19 - Shouldn't play with the devil

Chapitre 19 – Shouldn't play with the devil

« Que celui qui combat les monstres prenne garde dans sa guerre à ne pas devenir un monstre lui-même. A force de plonger longtemps votre regard dans l'abime, c'est l'abime qui rentre en vous » - Friedrich Nietzsche.

Elena fouillait son sac en quête du livre de biologie pour son exposé avec Morgane. Alors qu'elle sortait un cahier de la poche avant de son cartable, une feuille en tomba. C'était le message que lui avaient glissé les trois personnes qui l'avaient enfermée dans un sous-sol.

Elena examina d'un peu plus près le message, et remarqua le symbole à la fin du message. Elle n'y avait pas vraiment accordé d'importance auparavant, mais à présent… Que représentait-il ? Elle trouvait que cela ressemblait à une sorte d'émoticône. Mais elle doutait fort qu'il s'agissait de cela. Elle réfléchit désespérément à une quelconque explication, mais…

Elle sursauta. Un moment lui revint en mémoire. Elle resta figée tandis qu'elle se rappelait : Nate, un intello de première catégorie qui était dans le même cours de maths qu'elle cette année, s'était mis un jour à parler d'une sorte de code… Comment appelait-il cela, déjà ? Le code… Morse ? Elle s'ennuyait tellement en sa compagnie qu'elle l'écoutait à peine. Il ne cessait de répéter qu'il trouvait cela très intéressant – Intéressant ? Comment peut-on se passionner d'un truc pareil ? Avait alors pensé Elena. Il expliquait comment s'écrivaient les chiffres et les lettres en alphabet morse. Elena priait pour qu'il s'arrête. Elle ne comprenait décidément pas l'utilité de cette chose – et c'est alors que le prof entra, interrompant Nate dans son récit.

Par chance, Elena était parvenue à se souvenir du nom. Elle ouvrit vite son ordinateur portable et se rendit sur Google. Les résultats s'étaient affichés quelque secondes après avoir lancé la recherche « code morse ». Elle cliqua sur le premier lien, et une page Wikipédia lui déroula toutes les informations qu'elle recherchait. « L'alphabet morse ou code morse, est un code permettant de transmettre un texte à l'aide de… » Blablabla. Elle descendit plus bas sur la page. « Table d'encodage ».

Bingo.

Merci Nate… et Wikipédia.

Le « -.- » correspondait à la lettre « K ». Ce qui fait que la fameuse signature de son maître chanteur – étant {-.-} – voulait en fait dire {K}.

Elena se creusa les méninges. « K » comme Karen? Katie? Kate ? Kylie? Katherine ?... Katherine.

Elle froissa la feuille de colère.

Je te tiens, salope.

- Elena ? On va devoir commen…

Morgane s'arrêta net sur le seuil de la porte, fixant l'écran de l'ordinateur avec des yeux ronds de surprise. Elena se hâta de réduire la fenêtre.

- On va devoir commencer notre exposé si nous ne voulons pas être en retard, dit Morgane en s'efforçant de garder une expression neutre.

Elena lui sourit innocemment. Sourire que Morgane se serait donné la peine de lui rendre si elle n'avait pas compris quelle catastrophe il venait d'arriver.

Redescendant les escaliers avec Elena qui lui emboîtait le pas, Morgane chercha son téléphone dans sa poche.

- Hum, j'arrive. Je vais aux toilettes.

Elle courut presque et s'enferma dans la minuscule pièce. Elle chercha le numéro de Katherine dans le répertoire, essayant tant bien que mal de contrôler ses tremblements.

Les secondes s'écoulaient… Aucune réponse.

Allez, Katherine, s'il te plait !

Elle la rappela, encore et encore. Rien.

Et pour cause…

Chez elle, Katherine se tenait face à Toby. Un Toby en colère et blessé.

- Alors, tu t'en vas. Juste comme ça.

- Toby, je ne peux pas rester ! Mary m'a retrouvée, et je n'ai aucune envie de la voir.

Mary, la sœur de Maya – la vieille dame qui s'était occupée de Katherine avant de mourir – avait recherché la jeune fille. D'après elle, Katherine aurait volé de l'argent à leur famille. Alors que c'était Maya qui le lui a laissé.

La sonnerie d'un téléphone retentit.

- Tu n'as qu'à lui expliquer que cet argent est à toi.

- Elle ne m'a pas crue. Quand Maya est décédée, je suis partie sans prévenir. Je n'avais pas encore officiellement 18 ans, aussi, je devais rester jusqu'à être majeure. Elle en a conclu que j'ai volé l'argent et que je me suis enfuie avec.

Son téléphone sonna à nouveau. Elle y jeta un bref coup d'œil.

- C'est Morgane. Je devrais répondre.

- Non. Donne-moi ça.

Il lui arracha le téléphone des mains.

- On va trouver une solution, ok ? Tu ne peux pas partir. Tu ne peux pas nous laisser Morgane et moi. On a besoin de toi, comme toi tu as besoin de nous.

Des larmes montèrent aux yeux de Katherine.

- Je suis désolée. Je sais que je détruis tout, tout le temps. C'est comme ça. Je n'aurais jamais dû m'approcher de vous deux. Je suis désolée.

Elle ramassa son unique valise et se dirigea vers la porte au pas de course. Toby la rattrapa, la toisa un instant puis la prit dans ses bras.

- Tu n'as rien détruit, Katherine. Bien au contraire… On se reverra, n'est-ce pas ? Promets-moi qu'on se reverra.

Les larmes de Katherine coulèrent.

- Un jour, peut-être. Je ferai tout pour.

Ils marchèrent main dans la main jusqu'à la voiture de Toby. Il avait insisté à l'accompagner jusqu'à la gare routière de Philadelphie. Le silence régnait tandis qu'ils prenaient un chemin à proximité des bois. Les phares avant du véhicule étaient allumés, éclairant la route dans l'obscurité.

Tous deux fixaient la route. Dehors, tout était calme, immobile. Puis quelque chose apparut en plein milieu du chemin. Une silhouette. Toby freina brusquement dans un crissement de pneus énorme. Le cœur battant la chamade, ils sortirent de la voiture pour vérifier que la personne n'avait rien.

Celle-ci était debout immobile et leur tournait le dos. Elle était assez grande, ses longs cheveux bruns lâchés. Habillée toute en noir, on la distinguait à peine à la faible lueur de la lune.

Katherine posa une main sur l'épaule de la personne.

- Bonsoir… Est-ce que ça va? Nous pouvons vous aider ?

- Oh, comme c'est gentil, Katherine.

Elle retira sa main. Cette voix…

- El-Elena ?

- Bonsoir, Katherine ! Ça me fait plaisir de te revoir. Depuis le temps !

- Tu veux peut-être qu'on te raccompagne chez-toi ? proposa Toby.

Elena pencha la tête sur le côté.

- C'est très aimable de ta part, Toby. Mais non, je préfère rester admirer les étoiles encore un peu. (Elle désigna le ciel) N'est-ce pas magnifique ?

Katherine lança un regard en biais à Toby.

- Nous allons devoir partir, lâcha-t-elle. Il se fait tard, et la gare…

- La gare ? répéta Elena. Tu pars ?

- Hum, oui. (Elle posa une main sur le bras de Toby) Allons-y. Au revoir, Elena.

Tous deux se dirigèrent vers la voiture.

- Pas si vite, les arrêta sèchement Elena. Tu t'es bien amusée à me pourrir la vie, et maintenant tu comptes repartir, juste comme ça ?

Katherine hoqueta de surprise. Elena sourit.

- Je savais bien que quelque chose clochait le soir où tu nous as interrogées à propos de Rebecca. J'aurais dû te surveiller.

Le téléphone de Katherine bipa au même moment que Toby déclara :

- On doit y aller.

- J'ai dit : pas si vite !

Elena laissait désormais la colère s'afficher sur son visage.

- Je me suis juré de me venger. Toi, Toby… Vous allez me le payer. Mais avant, dites-moi qui est la troisième personne.

Katherine et Toby secouèrent la tête. Pas question que Morgane soit entraînée là dedans.

- Non ?... Ce n'est pas grave. Je trouverai bien.

Elle s'avança vers eux, sortant quelque chose de sa poche. C'était une arme, qu'elle pointait sur les deux jeunes gens.

- Vous devriez savoir que personne ne s'attaque à Elena Porter. Vous avez commis une terrible erreur en commençant ce jeu avec moi. Vous auriez dû vous rendre en vous apercevant que je gagnais sur toute la ligne. Et ce soir, je gagne pour de bon…

Les coins de sa bouche se relevèrent en un rictus sinistre.

- … La partie est terminée, Katherine.

Un coup de feu partit et un hurlement déchirant se fit entendre.

Katherine s'écroula par terre… Devant le sang de Toby qui coulait à flots.

- Toby… Non… NON !

Elena l'observait. Satisfaite, elle disparut dans les bois.

- Toby, je t'en supplie, réponds-moi…

- Katherine… articula-t-il difficilement. Pars vite de cette ville, prends soin de toi, et…

- Non, je t'interdis de partir. (Elle prit son téléphone) Je vais appeler une ambulance, et tout ira bien.

- Et fais-moi le plaisir de vivre, continua-t-il.

Les larmes de Katherine redoublèrent quand elle s'aperçut que son téléphone n'avait plus de batterie.

- Non, ce n'est pas possible… (Elle tourna la tête vers la voiture) Je t'emmène à l'hôpital !

Elle le prit dans ses bras, essayant de le relever.

- Je veux que tu sois heureuse, Katherine. (Il la regarda droit dans les yeux) Je t'aime, tu le sais ?

Katherine hocha la tête.

- Moi aussi, je t'aime.

Toby eut un faible sourire. Ses yeux se posèrent sur les étoiles qui brillaient de mille feux.

- C'est un monde étrange, n'est-ce pas ?… Oui… C'est de loin le plus étrange de tous.

Ce fut la dernière chose que Toby McAlister eut dite.

21: Chapitre 20 - A world of nothingness
Chapitre 20 - A world of nothingness

Chapitre 20 – A world of nothingness

« La mort n'est pas la perte la plus grande dans la vie. La perte la plus grande est ce qui meurt en nous tandis que nous vivons » - Norman Cousins.

Un meurtre. C'était un meurtre parmi tant d'autres. Et Elena se réjouissait d'en être l'auteure. À ce moment précis, rien n'était meilleur que la sensation d'avoir enfin vaincu son ennemie jurée : Elena avait gagné, comme à chaque fois. Katherine aurait dû savoir que s'attaquer à Elena Porter allait avoir des répercussions. De terribles répercussions.

Après avoir abattu le jeune homme, Elena s'était enfuie dans les bois. Les connaissant comme sa poche, elle retrouva vite sa maison à l'aide d'un vieux raccourci, et rejoint Morgane – dont elle comptait se servir pour son alibi. Elle s'arrangea pour s'éclipser dans sa chambre, nettoya l'arme qui lui avait servi pour le meurtre, et la cacha en lieu sûr en attendant d'avoir l'occasion de la faire disparaître pour de bon. Elle s'était arrangée pour que Morgane rentre chez elle rapidement, attendit que ses parents s'en aillent dormir, puis elle reprit l'arme et s'apprêta à quitter discrètement le domicile. Mais Elena fut prise de panique.

Et maintenant ?

Car un problème subsistait. Un énorme problème, puisqu'il s'agissait de son journal, la preuve ultime de sa culpabilité – du moins, à propos de Rebecca. Et puis, il y avait Katherine et son/sa deuxième complice. Elena n'a toujours pas découvert qui était la seconde personne à aider Katherine. Mais l'ennui actuel est que celle-ci allait sans doute la dénoncer, maintenant qu'elle n'avait plus rien à perdre. Elena a tué Toby sous le coup de la colère, sans penser à ce qui pourrait en advenir…

Elena n'avait pas prévu cela, mais elle devait trouver le moyen de lui dérober le journal… Et de faire taire Katherine à tout jamais. Et Vite.

Le deuil. Selon les spécialistes, il existerait cinq étapes constituant le processus du deuil : le déni, la colère, le marchandage, la tristesse et enfin l'acceptation.

Katherine était persuadée de passer et repasser en boucle par les quatre premières étapes durant tout le reste de sa vie, et ne jamais arriver à la dernière.

Accepter d'avoir perdu un être cher ? Cela lui était inconcevable. Elle avait eu à affronter la mort de plusieurs personnes auxquelles elle tenait, dans le passé : Alice, son amie au primaire. Maya, celle qu'elle considérait comme sa grand-mère. Rebecca, la sœur qu'elle n'a pas eu la chance de connaitre pleinement. Et maintenant Toby. Elle s'imaginait mal « accepter » leur mort.

Toby.

Katherine étouffa un énième sanglot. Elle repensait sans cesse à la veille, à cette nuit cauchemardesque. Paniquée, elle avait essayé d'arrêter l'hémorragie, essayé de transporter Toby à la voiture pour le conduire à l'hôpital, essayé de se convaincre qu'il n'était pas trop tard. Mais il était déjà trop tard. Après une dernière phrase prononcée, la respiration du jeune homme s'arrêta. Ses yeux noirs fixèrent le ciel, et la vie le quitta peu à peu. Katherine le serra contre elle et sanglota jusqu'à l'arrivée d'un automobiliste qui lui, alerta la police. Il lui posa plein de questions, les yeux emplis d'horreur. Mais Katherine l'avait seulement regardé, impuissante et incapable de répondre. Puis, elle souffla un « adieu » à l'oreille de Toby avant de s'enfuir – elle ne voulait avoir affaire avec personne pour le moment. Elle avait couru et s'était enfermé chez-elle avec cette image encrée dans son esprit. L'image de Toby qui mourrait juste sous ses yeux. Cette image à présent gravée dans sa mémoire. Et qui jamais plus ne la quitterait.

Katherine ramassa son téléphone qui gisait par terre. « 3 nouveaux messages » affichait l'écran d'accueil. Ils dataient de la veille, au moment où Toby et elle étaient confrontés à Elena.

Katherine, je t'en supplie, réponds ! avait écrit Morgane. Je viens de surprendre Elena, et je crois qu'elle a tout découvert. Elle semble furieuse. S'il te plait réponds-moi !

Oh, mon dieu… Je suis allée retrouver Elena dans le salon mais elle a disparu ! poursuivait-elle dans le deuxième message.Jeviens de trouver la porte d'entrée grande ouverte et j'ai peur qu'elle vienne te chercher. Katherine, dis-moi où tu es.Où que tu sois, il faut que tu te mettes en sécurité. Fais attention à toi. On doit prévenir Toby.

Bon sang ! Pourquoi ne répondez-vous pas ? Dis-moi que vous allez bien tous les deux !

Katherine s'aperçut aussi de la longue liste d'appels manqués. Elle se sentait mal de ne pas avoir rappelé son amie, ni de lui avoir expliqué ce qui s'était passé. Mais elle se sentait tout aussi incapable de le faire.

D'un seul coup saisie d'une colère incontrôlable, elle jeta le téléphone contre le mur avec rage, et l'objet qui ne put résister se fracassa en mille morceaux.

Elle en avait marre de perdre ses ? Pourquoi avait-elle encore une fois tout gâché ? Elle se considérait elle-même comme une malédiction. Depuis toujours, les personnes qu'elle aime soit meurent, soit vivent dans une profonde tristesse. Et à plusieurs reprises, c'était par sa faute. Par sa faute, des personnes innocentes sont mortes. Et parmi elles l'une des seules personnes ayant été capables de l'aimer. Toby.

Les larmes tombèrent de plus belle. Il lui était difficile de respirer. C'était comme si un énorme poids lui comprimait la poitrine. Toby… Lui qui l'avait soutenue, qui était là pour elle, qui la faisait sourire alors qu'elle croyait que toute joie l'avait désertée… Il est parti. Il est parti à jamais. « On ne sait jamais combien de temps on a devant soi » avait-il dit une fois. Maintenant qu'il est parti, Katherine comprenait à quel point il avait raison. Elle comprenait aussi que ce poids qu'elle ressentait ne partirait pas, et que cette profonde tristesse accompagnée de désespoir ne la quitterait jamais plus.

Elena semblait la seule responsable, mais à bien y réfléchir Katherine était tout aussi coupable qu' aujourd'hui Rosewood est en deuil, c'est par sa faute. Elle est la cause de tout cela… Elle a fait du mal à bien des gens, même à Morgane, son amie ainsi que tous les proches des défunts. Si elle avait donné ce foutu journal à la police dès le départ, Elena serait enfermée et n'aurait pu nuire à ceux qui l'entouraient. Certes, Katherine aurait quand même perdu Rebecca, mais cela aurait sauvé bien des gens. Emma, Anna, Toby. Ils seraient toujours là si elle avait simplement montré cette page qui affichait les aveux de l'auteure du meurtre de Rebecca.

Les pensées de Katherine furent interrompues lorsque quelqu'un toqua à la porte. Elle sursauta. Etait-ce la police ?

D'un pas silencieux, elle se leva et s'approcha lentement de la porte d'entrée. On toqua à nouveau. Katherine empoigna la poignée de la porte, tremblante. Et si c'était la police ? Si Elena s'était arrangé pour qu'ils l'accusent du meurtre de Toby, qu'allait-elle leur dire ? Comment leur expliquer ce qu'il s'était passé ?

Elle ouvrit à peine la porte, et sentit sa peur s'évaporer en apercevant la seule et unique personne se tenant sur le seuil. Cependant, elle appréhenda ce qui allait suivre.

- Oh, mon dieu, souffla la jeune fille dehors, soulagée. J'avais tellement peur qu'il ne t'arrive quelque chose !

Katherine ne bougea pas. Morgane la toisa un instant, attendant une réaction. Au bout de quelques secondes, la porte s'ouvrit davantage, lui laissant le passage.

- Pourquoi tu ne répondais pas ? Je t'ai appelé une tonne de fois, et… (elle aperçut le téléphone cassé par terre) Qu'est-ce qui est arrivé à ton téléphone ? (Elle secoua la tête) On s'en fout. Je voulais m'assurer que tu allais bien. Elena est sortie sans prévenir, et j'ai cru qu'elle allait s'en prendre à toi. Je ne sais pas où elle est passée, mais elle est revenue plus tard, sans me fournir d'explications… Ce n'est pas vraiment le moment pour les visites, mais je vais passer voir Toby, puisque lui non plus ne répond pas. Tu lui as parlé ?

Morgane se tourna vers son amie, et fut surprise de découvrir le visage de Katherine. Celle-ci restait silencieuse. Son regard était vitreux, vide, plein de tristesse. Elle garda une expression impassible, mais ne tarda pas à éclater en sanglots.

Morgane la prit dans ses bras, sans trop comprendre. Mais alors qu'elle faisait le lien entre la disparition d'Elena, la mine de Katherine et sa réaction à l'évocation de Toby, les pires scénarios lui vinrent en tête.

- Katherine, murmura-t-elle. Toby va bien… Il va bien, n'est-ce pas ?

Les chaudes larmes de Katherine témoignaient cependant du contraire.

- Je suis désolée… arriva-t-elle à prononcer. Toby… Il était avec moi, et… Et Elena… Toby est m-m-mort !

Morgane sursauta violemment avant de se figer.

- Non…

- Je suis tellement désolée…

Il faisait encore nuit dehors. Katherine n'avait aucune idée de combien de temps il s'était écoulé depuis qu'elle était rentrée, mais l'aube ne tarderait certainement pas à se montrer, et la chaîne d'infos locale diffuserait sans doute l'information. Bientôt toute la ville serait au courant du meurtre de Toby. Katherine voulait partir, quitter cette ville. Mais il est certain que l'automobiliste l'aura mentionnée dans son témoignage… Or, son but n'était pas d'avoir la police de Rosewood à ses trousses. Oh, elle partirait… Mais avant, il lui restait une dernière chose à accomplir : envoyer Elena à l'asile.

22: Chapitre 21 - Happy Birthday, my dear enemy
Chapitre 21 - Happy Birthday, my dear enemy

Chapitre 21 – Happy Birthday, my dear enemy

« Une personne rencontre souvent son destin sur la route qu'elle a prise pour l'éviter » - Jean de La Fontaine

Elena consulta sa montre. Il était environ trois heures du matin. Si tout se passait bien, elle aurait le temps d'aller affronter Katherine et de reprendre son journal afin de le détruire et effacer toutes les preuves. Seulement, elle ne savait pas comment elle allait s'y prendre, et c'est bien cela qui la mettait hors d'elle.

Le temps pressait.

Décidant qu'elle devait faire vite, elle descendit l'escalier et ouvrit la porte d'entrée, s'apprêtant à s'en aller. Seulement, quelque chose attira son attention et l'arrêta net. Une sorte de petite boite gisait là, par terre, dehors. Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'elle ne la ramasse et découvre ce qu'elle contenait.

Un cœur brisé. En dessous des petits morceaux rouges, une feuille écrite d'une écriture irrégulière.

Tu vois ça ? C'est ce que tu as fait de mon cœur… Je parie que tu en es satisfaite, n'est-ce pas ? Il semblerait que maintenant nous ne soyons plus que deux. Qu'il en soit ainsi. Elena a gagné, et Katherine n'avait aucune chance. Oh, non, attends… Dois-je te rappeler que la partie continue tant que personne n'a prononcé les mots « Echec et mat » ? Mon cœur a peut-être périt en cours de route, mais la haine que tu as nourris en moi à la place restera à jamais… Et elle-même t'enverra à ta place : en enfer.

Joyeux anniversaire… de la part de Katherine

Katherine était ici ? Il est évident que cette boite n'a pas atterri là comme par magie.

L'espace d'un instant, Elena regarda partout autour d'elle dans l'espoir d'apercevoir Katherine. Mais sans trop savoir pourquoi, un souvenir vint s'imposer à son esprit.

FLASHBACK, 2 mars 2005

Elena devait prendre ses médicaments.

Encore, se dit-elle avec dégoût.

Ces tout petits comprimés blancs qu'on appelait Antipsychotiques étaient le cauchemar d'Elena. Depuis son diagnostic il y a quatre ans de cela, elle devait en prendre régulièrement.

« C'est pour te guérir » lui avait expliqué gentiment son psychiatre. « Si tu les prends tous les jours, alors tout ira bien ».

Elena eut un petit rire sans joie. Le Dr. Pierce était loin d'avoir raison. Le diagnostic a été fait alors qu'elle était âgée de dix ans. Voilà quatre ans qu'elle prend ses antipsychotiques, consulte un psychologue afin de vérifier que tout allait bien. Voilà quatre ans qu'Elena se battait… En vain. Ses hallucinations ont bel et bien disparu, son humeur était stabilisée, et le cours de sa pensée n'avait plus rien d'anormal. Cependant, la Psychose ne l'avait pas quittée. Cette maladie était en elle, et menaçait de faire surface à tout moment. Elle ne disparaîtrait pas.

Elena était consciente de la chose. Elle savait pertinemment ce que souffrir d'une Psychose voulait dire : elle était folle. Elle savait qu'elle était mentalement instable. Le Dr. Pierce lui a un jour expliqué que c'était le facteur génétique qui en était la cause. D'après ce que ses parents lui avaient raconté plus tard, plusieurs membres de sa famille au cours des générations précédentes avaient été dans le même cas. Mais cela n'avait pas beaucoup affecté leurs vies pour autant.

Seulement, Elena détestait le fait de se sentir anormale. Elle avait l'air d'être ordinaire aux yeux des autres, mais la vérité en était loin. Elle était psychotique, et elle ne voulait plus être considérée comme telle pour sa famille. Tout ce qu'elle désirait était d'avoir une vie normale, pouvoir vivre comme tous les jeunes de son âge. Ne plus ressentir cette angoisse d'un jour perdre définitivement la tête.

Elle reporta son attention sur la petite bouteille orange qui contenait ses médicaments. Elle enleva le couvercle blanc et prit un comprimé. Elle observa ce dernier sur sa paume.

À quoi bon ? À quoi bon essayer d'y échapper, alors qu'il est évident qu'elle ne se débarrassera jamais de cette maladie ?

Soudain prise de colère et de désespoir, Elena se mit à pleurer.

Pourquoi moi ? Pourquoi il a fallu que ça tombe sur moi ? S'était-elle demandé.

Au lieu de prendre son comprimé comme d'habitude, elle le jeta dans les toilettes. Elle s'apprêta à vider tout le contenu de la petite bouteille, mais se ravisa. Si elle le faisait, ses parents remarqueraient forcément l'absence des médicaments. Alors elle les remit à leur place.

Depuis ce jour, elle ne prit plus aucun comprimé.

FIN DU FLASHBACK.

Et puis la réalité la rappela, et ce fut soudain le chaos.

Des sirènes se faisaient entendre au loin, puis le bruit se rapprocha de plus en plus, pour enfin devenir assourdissant tellement il était proche. Les voisins furent alertés aussitôt par ce vacarme singulier et si rare à Rosewood. Des voitures du département de police de Rosewood apparurent au coin de la rue jusqu'à s'arrêter juste en face d'Elena.

Non…

Elena en laissa tomber la boite qui se vida à ses pieds. Des policiers sortirent des véhicules en claquant les portières. L'un d'eux saisit les bras d'Elena, qui se laissait faire, complètement impuissante.

- Elena Porter, vous êtes en état d'arrestation.

La jeune fille tenta de protester, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Les mains à présent menottées, elle ne pouvait rien faire à part se laisser traîner par l'officier. Elle était prise au piège.

- El-Elena ? Elena !

M. et Mme. Porter ouvrirent la porte à la volée et se ruèrent vers leur fille, tandis que Lisa se tenait sur le seuil les yeux grand ouverts de surprise.

Elena se tourna vers ses parents et vit l'inquiétude sur leurs visages une dernière fois avant que d'autres policiers ne viennent les empêcher de l'approcher.

Devant ce spectacle, son public. Malgré l'heure tardive, les plus curieux s'étaient rassemblés devant la maison des Porter, tandis que certains voisins observaient la scène depuis leurs fenêtres et balcons. Tous silencieux, ils étaient effarés.

Elena balaya du regard les gens, et réalisa la présence d'Amanda et Lucy debout côte à côte, dont elle ne pu déchiffrer l'expression de leurs visages. Quant à Morgane, elle se tenait devant quelqu'un d'autre. Et alors seulement à ce moment-là, elle aperçut cette personne qui l'observait depuis le trottoir d'en face. Une foule commençait à prendre forme, mais c'est cette unique personne qui se tenait là, les yeux brillants d'une certaine lueur qui importait.

Debout de manière bien droite, Katherine Anderson la fixait d'un air étrangement calme. Puis, celle-ci articula lentement : « échec et mat », et un rictus se forma lentement sur ses lèvres.

Elena eu envie de lui sauter dessus et de l'égorger sur le champ, mais tout ce qu'elle pu faire était de voir Katherine l'observer d'un air satisfait tandis qu'on l'obligeait à rentrer dans une des voitures de police.

Elle était tétanisée. C'en était fini pour elle. Sa vie était fichue. Elena allait être enfermée pour le restant de ses jours.

Echec et mat, fit alors une petite voix dans sa tête.

23: Chapitre 22 - Welcome to Radley
Chapitre 22 - Welcome to Radley

Chapitre 22 – Welcome to Radley

« Quand on enferme la vérité sous terre, elle s'y amasse, elle y prend une force telle d'explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle » - Émile Zola

Radley, me revoilà.

Radley Sanitarium est l'institut psychiatrique de Philadelphie, non loin de Rosewood. Elena a déjà fréquenté cet endroit durant les huit années précédentes. Cet endroit sinistre… Elle n'aurait jamais cru y retourner un jour. Et pourtant, le journal avait finalement atterri entre les mains de la police. Lucy, Amanda et Morgane l'ont accusée du meurtre d'Emma, Anna et Toby sans se compromettre elles-mêmes de manière grave. Après interrogatoire et tests, la voilà de nouveau ici.

Elle n'était venue ici que pour consulter le Dr. Pierce pour son diagnostic et l'administration de ses Antipsychotiques. Elle n'y était jamais restée sur plusieurs jours comme tous ces patients enfermés, pour certains, depuis des années. Et voilà que, cette fois, elle allait être exactement comme eux… enfermée.

« Radley Sanitarium, fondé en 1931 » était-il indiqué sur une grosse plaque en pierre. Le grand portail noir laissait entrevoir à travers ses barreaux la petite cour qui séparait celui-ci des escaliers menant à l'entrée de l'immense bâtiment. Si on ignorait le fait que ce soit un institut psychiatrique, on dirait que c'était un endroit magnifique. Mais l'apparence extérieure contrastait totalement avec ce qui se passait à l'intérieur… Bien évidemment, les gens qui n'y ont jamais mis les pieds ne peuvent pas en témoigner. Mais ceux qui ont fait l'expérience de franchir le seuil de la porte d'entrée de l'établissement vous en diraient long sur ce que dégage cet endroit. Et les patients vous en diraient encore plus.

Elena Porter a passé une entrevue psychiatrique de soixante-douze heures. Etape déterminative de l'état du patient avant son admission officielle à l'institut. Il n'y a aucun doute : les résultats clament qu'Elena souffrait de Psychose qui porterait à une Schizophrénie Paranoïde. Maladie assez grave pour décrocher une chambre à Radley.

La chambre. Parlons-en. Depuis le début de son internement, Elena restait le plus clair de son temps dans sa chambre. Pièce aux murs de couleur pâle, elle abritait seuls un lit, un minuscule lavabo ainsi qu'un petit bureau et sa chaise. Une unique fenêtre bien évidement munie de barreaux donnait une vue sur l'arrière du bâtiment. C'était ici qu'elle prenait ses repas trois fois par jour. Elena se sentait plus ou moins en sécurité ici, à l'abri de toute autre personne.

La seule autre pièce où Elena allait des fois s'asseoir était la salle commune. Une grande pièce dans laquelle les patients peuvent se reposer, regarder la télévision, ou même recevoir des visites. Pour Elena, c'était la pièce qui affichait le plus de mélancolie que n'importe quelle autre dans cet Institut. Car quand les patients n'éraient pas dans les couloirs ou restaient enfermés dans leurs chambres, ils venaient là et affichaient leur désespoir. Plusieurs malades choisissaient un coin, s'asseyaient et se recroquevillaient sur eux-mêmes en se balançant d'avant en arrière. Certains ne faisaient rien et avaient le regard dans le vide. D'autres essayaient de se distraire avec la télévision, ou avec les jeux qu'on leur procurait, mais semblaient bien ennuyés et fatigués. Un silence de mort y planait, hormis les fois où l'on entendait certains patients – souvent les plus dangereux qui étaient enfermés de façon permanente – hurler depuis leurs chambres. Pas l'ombre d'un sourire sur les visages. Ou alors ils étaient rares. Tout cela constituait un tableau non seulement triste, mais d'une certaine manière sinistre.

Elena ne recevait que les visites de ses parents et de sa sœur. C'étaient les seules personnes qui prenaient le temps de venir la voir régulièrement. Ils prenaient de ses nouvelles, voyaient si elle allait bien, posaient des questions sur son état et son traitement à son psychiatre – le même psychiatre qu'elle avait consulté auparavant, le Dr. Pierce. Ce dernier est l'un des meilleurs, et il connaissait bien le cas d'Elena.

À part sa famille, personne ne venait la voir. Amanda et Lucy n'étaient venues qu'une unique fois, et n'étaient plus jamais revenues, sous prétexte que leurs parents refusaient qu'elles continuent à la fréquenter. Morgane ne s'est jamais montrée. Toutes les personnes qu'elle croyait être ses amis encore moins.

C'est dans des moments comme ceux-là qu'on reconnait ses vrais amis. Et Elena constatait au fur et à mesure que le temps passait qu'elle n'en avait plus aucun. Oh, non : qu'elle n'en avait jamais vraiment eu. Toutes ces personnes qui disaient l'aimer, qui la saluaient tous les matins, qui lui souriaient avec sympathie, qui disaient être ses amis et qu'ils seraient toujours là pour elle… Où étaient-ils tous à présent ? Où étaient-ils tous passés ? Avaient-ils seulement été là ne serait-ce qu'une fois ?

Elena aura au moins compris une certaine chose grâce à cet institut : elle avait toujours été terriblement seule. Et elle le restera. Même ses parents qui étaient tout le temps fiers d'elle avant, ne l'étaient plus à présent. Quoi de plus normal, leur fille était une meurtrière. Et même s'ils venaient la voir chaque semaine, prétendant que tout était resté normal, leurs regards ne trompaient pas : ils étaient profondément déçus. Déçus de son attitude, déçus de ce qu'elle était devenue, déçus de ce qu'elle était et de ce qu'elle avait en elle. Ils ne tarderaient sûrement pas à l'abandonner là. Après tout, ils avaient une autre fille, Lisa, qui marchait sur les traces de sa grande sœur pour ce qui est de la perfection. Et surtout, elle était complètement saine d'esprit, contrairement à Elena.

- Nous te souhaitons la bienvenue, Elena. (La thérapeute se tourna vers le cercle de patients) Dites bonjour à Elena.

- Bonjour, Elena, dirent-ils tous en chœur sans réelle joie.

Oh, oui, car en plus de tout le reste, être en institut psychiatrique impliquait aussi le fait de participer à ce qu'on appelle « thérapie de groupe ». Une thérapie qui réunissait un groupe de patients, et qui vont plus ou moins partager ce qu'ils ont vécu – notamment la raison de leur internement et comment ils vivent au quotidien à présent. Il y a une thérapie de groupe une fois par semaine.

C'était la première fois qu'Elena y participait, et elle détestait déjà ça. Ces visages grimaçants et antipathiques qui l'entouraient… Tout ce qu'elle voulait faire, c'était aller se réfugier dans son lit au lieu d'entendre sans cesse les plaintes des autres patients.

Quand enfin la thérapie s'était achevée, Elena se dépêcha de retourner dans sa chambre. L'absence d'échappatoire l'exaspérait : elle qui voulait tellement quitter cet endroit et retrouver son ancienne vie, il lui était impossible même d'imaginer sa liberté lui revenir. Mais en même temps, ce petit espace qu'était sa chambre lui procurait une sorte de sécurité. Elle avait le sentiment que personne ne pouvait l'atteindre, que personne ne lui ferait du mal.

Car avec Katherine, qui sait ce qui se passerait en ce moment si Elena était en liberté. Serait-elle morte à cette heure-ci ? Après tout, Katherine était folle de rage contre elle et rien ne l'empêcherait de la tuer. Ou alors, c'est Katherine qui serait morte… Elena regrettait amèrement de ne pas l'avoir tuée quand elle en avait eu l'occasion, juste après le meurtre de Toby. Mais cela l'amusait tellement de la voir pleurer… Et puis, tuer Katherine n'était pas son objectif. Elle voulait que Katherine vive, afin qu'elle puisse lui faire mordre la poussière pour ce qu'elle lui avait fait. Grossière erreur qu'était de lui laisser la vie sauve, car si elle Katherine était morte à ce moment-là, Elena ne se trouverait pas à Radley en ce moment. Elle aurait récupéré son journal, détruit les preuves, et gardé ses amies sous contrôle pour qu'elles ne disent rien. Elle se serait arrangée pour que quelqu'un d'autre soit soupçonné… Pourquoi pas Morgane ? Après tout, l'arme qui lui avait servi à assassiner Toby appartenait à son père – qu'il gardait par mesure de sécurité, et qu'Elena a réussi à voler. Morgane ou n'importe qui d'autre, cela importait peu tant qu'Elena serait sortie d'affaire.

Elena soupira et appuya sa tête contre la fenêtre en essayant de se concentrer sur le piètre paysage qui s'offrait à elle à travers les barreaux.

Mais une seule phrase lui revenait sans cesse en tête.

Si seulement j'avais tué Katherine.

24: Chapitre 23 - Lost ghosts
Chapitre 23 - Lost ghosts

Chapitre 23 – Lost ghosts

« Tout ce que nous voyons ou croyons, n'est qu'un rêve dans un rêve » - Edgar Allan Poe

Cela faisait près de trois semaines qu'Elena était à Radley. Elle était condamnée à y rester – aussi longtemps qu'il le fallait. Après qu'elle se soit faite arrêtée juste devant sa maison et sous les yeux des voisins et des passants, toute la ville était au courant de son histoire : de qu'elle façon elle avait dernièrement commis une série de meurtres, et pourquoi.

Mais cela ne la dérangeait pas. Son image, sa réputation… À quoi bon se fatiguer pour ça ? Cela ne lui servait à rien. Plus à ce moment. De toute évidence, ils se fichaient bien de ce qui pouvait lui arriver. Et ce, avant même qu'elle soit admise dans cet hôpital, du temps où toute la ville l'appréciait – du moins, le croyait-elle. Tout le monde ne lui accordait plus qu'un seul adjectif : folle.

Ring around the rosies

Chantonna-t-elle en tournant en rond dans sa petite chambre.

Pocket full of posies

Ashes, ashes

We all fall down

Elle fit mine de tomber par terre sur cette phrase, puis se rassit.

Ring around the rosy

What do you suppose we

Can do to fight this darkness

In which we drown

Elle ferma les yeux et continua distraitement tout en se balançant légèrement.

Ring around the rosy

This evil thing it knows me

Lost ghosts surround me

I can't fall down…

À peine ces mots prononcés, elle entendit un petit bruit tout près d'elle. On aurait dit… Quelqu'un qui chantait. Sans ouvrir les yeux, Elena écouta la douce voix qui reprenait les mêmes paroles.

Lost ghosts surround me…

La voix chuchota ces quatre mots d'une manière qui donna des frissons à Elena, si bien qu'elle n'osait pas rouvrir les yeux.

- Coucou, Elena ! dit une voix sur un ton guilleret.

Elle rouvrit brusquement ses yeux, reconnaissant parfaitement la voix de la personne.

C'est alors qu'elle la vit. Une très jolie jeune fille au teint pâle, des cheveux bruns foncés, et des yeux bleus brillants.

- Rebecca… murmura-t-elle.

Celle-ci sourit.

- Au moins, tu te souviens de moi.

- Mais… Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu… Tu es morte !

Le sourire de Rebecca s'évanouit.

- Oui, je suis morte. Tu m'as tuée. Mais je suis là, maintenant. C'est l'essentiel, non ?

- Cela ne peut pas être possible, contra-t-elle en secouant la tête. Tu es morte, tu ne peux pas être là.

Le sourire revint aux lèvres de la jeune fille en face d'elle tandis qu'elle s'asseyait sur le lit au coin de la pièce.

- Mais pourtant je suis là. C'est toi qui m'as appelée, c'est toi qui as voulu me voir. Autrement, comment aurais-je fait pour arriver ici ?

- Tu n'es pas réelle, en conclut-elle. Tu es le fruit de mon imagination…

Rebecca laissa échapper un rire qui avait le don de transmettre la bonne humeur aux autres, du temps ou elle était vivante.

- Appelle ça comme tu veux, Elena. Mais pour moi, c'est le fruit de ta psychose. (Elle haussa les épaules) Nous aurions dû nous en douter, Amanda, Lucy et moi. Tu étais tellement… Bizarre, des fois. En particulier quand tu prétendais avoir vu ou entendu quelque chose alors qu'il n'y avait rien.

Elle balançait doucement ses jambes par le rebord du lit, presque comme une enfant, sous les yeux ébahis d'Elena par sa beauté surnaturelle.

- Qu'est-ce que tu veux de moi ? demanda cette dernière, la voix tremblante.

- C'est plutôt à toi de me le dire. Rappelle-toi : je ne suis là que parce que tu m'as demandé de venir.

Elena se mit debout.

- Tu veux savoir pourquoi je t'ai poussée dans l'escalier, c'est ça ?

- Mmmm… Non. Cela ne m'apportera rien. Je suis morte, c'est trop tard.

- Alors, tu veux en savoir plus sur Katherine, hein ? Tu veux savoir pourquoi je l'ai faite souffrir, pourquoi je lui ai brisé le cœur ?

- Katherine souffre à cause de toi… Mais elle est forte, je le sais. Elle va s'en sortir, j'en suis sûre.

Elena sentit les larmes monter.

- Alors, va-t-en ! s'écria-t-elle. Je ne veux plus te voir !

- Vraiment ?

- Va-t-en !

- Tu sais, Elena… Je ne te pardonnerai jamais. Regarde-moi… Je suis morte ! Et tu m'as tuée. Tout ça est de ta faute.

- Non…

- Si. C'est entièrement de ta faute si je ne suis plus de ce monde.

Rebecca regarda par la fenêtre avec tristesse.

- Je ne me réveillerai plus le matin. Je n'irai plus au lycée. Je ne verrai plus mes amis. Je ne sentirai même plus le soleil sur ma peau en marchant dehors… (elle soupira) Et regarde-toi ! Tu es peut-être enfermée ici, mais tu es toujours en chair et en os.

Elena ne savait pas quoi répondre.

- Je suis morte… Tu m'as tuée… répéta Rebecca.

- Moi aussi, tu m'as tuée, dit une autre voix juste derrière elle.

Quand Elena se retourna, elle vit Emma debout devant elle, la fixant du regard. Elle se retourna à nouveau vers Rebecca, et vit une nouvelle personne à côté d'elle.

- Je suis morte par ta faute, affirma doucement Anna.

- Et moi aussi, ajouta une toute autre voix à sa droite.

- Toby ?

Elle secoua la tête.

- Vous n'êtes pas réels… Vous n'êtes pas vraiment là..

- Si. Parce que tu… commença Rebecca.

- Nous… poursuivit Emma.

- As… ajouta Anna.

- Tués, finit Toby.

Elena eut le tournis. Elle agrippa sa tête de ses mains.

- Arrêtez… Arrêtez ça tout de suite !

En l'espace d'une seconde, les quatre fantômes du passé l'encerclèrent, et répétèrent en chœur la même phrase.

La vision d'Elena se brouilla. Elle les entendit chuchoter tous en même temps. Prise de panique, elle hurla de toutes ses forces.

Elle entendit à peine la porte s'ouvrir derrière elle.

- Lâchez-moi ! s'égosilla-t-elle tandis que quelqu'un lui saisissait les bras.

Des infirmières étaient rentrées en trombe dans la pièce afin de voir ce qu'il se passait. Deux d'entre elles essayaient tant bien que mal de la calmer, quand la troisième accourut avec les médicaments de la jeune fille qu'elle l'obligea à avaler.

- Non ! Lâchez-moi… Laissez-moi tranquille…

Et Elena sombra dans l'obscurité.

Quand elle se réveilla – elle ne saurait dire après combien de temps – elle se sentait complètement sonnée. Regardant autour d'elle, elle reconnut l'aspect triste da sa chambre. Elle se redressa sur son lit, et fixa le mur d'en face.

Elena n'en revenait toujours pas : cette maladie courait depuis des lustres dans sa famille, et elle n'était en aucun cas au courant, jusqu'au jour où cette chose lui a fait commettre l'irréparable. Elle était tellement en colère… Pourquoi il a fallu que ça tombe sur elle ? Ne pouvait-elle pas vivre une vie tout à fait normale, comme il a été le cas auparavant ?

Soudain, elle en eu assez. Assez de cet asile de tarés. Elle devait sortir de là. Elle devait le faire, et ce, à tout prix. Peu importe si Katherine la traquerait, ou si elle la menaçait. Elle devait s'enfuir vite de cet horrible endroit et de recommencer à vivre. Il devait bien y avoir un moyen…

25: Chapitre 24 - Once upon a time
Chapitre 24 - Once upon a time

Chapitre 24 – Once upon a time

« On dit souvent que le temps guérit toutes les blessures. Je ne suis pas d'accord. Les blessures demeurent intactes. Mais avec le temps, notre esprit, afin de mieux se protéger, recouvre ses blessures de bandages et la douleur diminue, mais elle ne disparait jamais » - Rose Kennedy.

- Vous avez de la visite.

Ce fut l'unique moment où Elena fut déconcentrée de la journée. Elle réfléchissait désespérément à un moyen de s'enfuir. Elle se représentait chacune des pièces cherchant sans relâche une quelconque possibilité d'évasion. En vain.

Durant la matinée, elle était restée simplement assise sur son lit face à la fenêtre. Elle balaya sa chambre du regard plusieurs fois. Il n'y avait aucune issue depuis cette pièce, ça, c'était clair. Pendant le déjeuner, elle inspecta attentivement la salle commune, jeta un coup d'œil à la salle de repos, et détailla même la pièce où avait lieu son activité durant le début de l'après-midi. Toutes les ouvertures étaient protégées. Les patients étaient sous permanente surveillance – du moins, au moment de prendre leur médicaments. Malgré que l'ensemble du personnel ne se soucie guère de ce qui pouvait arriver aux patients, il semblait y avoir toujours quelqu'un de l'institut dans un coin. Mais généralement en train d'essayer de passer le temps à papoter comme le faisaient les infirmières, au lieu de guetter le moindre souci, à observer les fait et gestes des malades, ceux-ci étaient pratiquement libres de faire ce qu'ils voulaient.

Cet institut semblait être un lieu idéal pour les personnes comme Elena. Mais la détresse des patients importait peu au personnel. C'était bien là la faiblesse du système. Cependant, cette négligence pourrait bien être utile à Elena. Sinon, comment pourrait-elle s'échapper de Radley ?

Les heures de visites commençaient à 14h et à 19h durant la semaine, et ne duraient qu'une heure. Le weekend, les patients pouvaient recevoir de la visite de 13h30 à 16h, puis de 19h30 à 20h30. Les patients avaient le droit à un coup de fil chaque dimanche à 16h. C'était un samedi et il était près de 14h30. C'étaient sans doute ses parents, puisqu'ils ne travaillaient pas le weekend, et que c'était l'heure idéal pour eux pour venir voir leur fille.

L'infirmière qui était venue lui annoncer la visite l'accompagna jusqu'à la salle commune, où avaient lieu les visites. À la place des visages à la mine épuisée de ses parents et sa sœur, elle découvrit une toute autre personne. Elena se figea et resta plantée un moment au beau milieu de la pièce.

Katherine l'attendait.

Voir Katherine assise à cette chaise était bien la dernière chose à laquelle elle s'attendait. Que venait-elle faire ici ? Elena était bien trop vulnérable, et Katherine représentait un grand danger. Décidant qu'elle ne lui ferait pas peur, elle serra les poings et avança jusqu'à la table du fond.

Katherine lui lança un grand sourire.

- Elena ! fit-elle sur un ton mielleux.

Elena se contenta de s'asseoir en face d'elle, essayant de garder son calme.

- Bonjour, Katherine.

L'infirmière se retira en restant à une certaine distance, non sans leur jeter de temps en temps un petit coup d'œil, histoire de les surveiller. Katherine regarda longuement autour d'elle.

- Cela ne ressemble pas trop à ce que les gens disent de Radley. Cet asile est beaucoup plus… flippant, vu de l'intérieur. Mais bon. Les gens n'ont la plupart du temps aucune idée de ce qu'ils racontent.

- Cet « asile », comme tu dis, c'est chez-moi maintenant.

- Tu as enfin trouvé ta place, grâce à moi. Tu ne m'as toujours pas remerciée pour ça.

Elena lui lança un regard noir pour réponse.

- Qu'est-ce que tu veux ?

Katherine fit mine de réfléchir.

- Mmmm… Pour l'instant, rien.

- Alors, qu'est-ce que tu fiches ici ? demanda Elena de manière un peu trop agressive.

L'infirmière leur jeta un bref coup d'œil avant d'afficher à nouveau son expression d'ennui suprême.

- Ce n'est pas très gentil de me parler sur ce ton, Elena.

- Je veux que tu t'en ailles. Tout de suite.

Katherine la toisa un instant avec un sourire narquois.

- Je t'ai ramené quelque chose.

Elle lui tendit une feuille pliée en quatre. Elena ne la prit pas. À la place, elle commença à un faire château de cartes.

- Oh, tu décides de m'ignorer. Bien.

Katherine déplia la feuille, et commença à lire.

- Il était une fois, une jolie petite fille de 2 ans nommée Rebecca. Elle vivait comme dans un rêve entourée de parents qui n'avaient d'yeux que pour elle. Un jour, ses parents ont eu une deuxième fille – moi. Mais la pauvre Katherine n'a pas eu de chance : elle n'avait pas eu sa place dans la famille comme elle l'aurait dû, sous prétexte que ses gentils parents n'avaient pas les moyens de s'occuper d'elle – si je puis me permettre de faire un commentaire, c'est plutôt car ils ne voulaient pas d'elle, tout simplement. C'est ainsi que la petite Katherine fut abandonnée par les siens. Les Wilkinson continuèrent leur vie heureuse, et Rebecca grandit n'ayant aucun souvenir de sa petite sœur. Malheureusement, vint le jour où elle perdit ses parents : ces derniers furent tués dans un accident de voiture en rentrant tard la nuit. La jeune fille crut avoir tout perdu, mais un beau jour, elle reçut la visite de quelqu'un d'inattendu… Moi ! Rebecca, qui était sur le point d'être confiée à sa tante, proposa à sa sœur perdue de mieux se connaitre et de venir s'installer chez-elle. Katherine en fut ravie : après s'être fait trimballer de famille d'accueil en famille d'accueil et s'être fait rejeter tant de fois, quelqu'un était enfin heureux de la voir et l'accueillait les bras ouverts. Cependant, alors qu'une toute nouvelle vie lui semblait acquise, quelque chose vint tout détruire. Ou devrais-je dire « quelqu'un »… Rebecca fut assassinée dans sa propre maison, d'abord poussée dans les escaliers, puis brûlée avec l'ensemble de la bâ tante disparut, sa sœur disparut, sa nouvelle vie… Envolée. Katherine revint à la case départ. Tout ce qu'elle avait imaginé après sa rencontre avec sa si charmante sœur était trop beau pour être vrai. Enfin, ça aurait pu l'être si une certaine Elena Porter n'était pas rentrée dans le scénario… Oui, toi. Toi qui…

- Je te conseille vivement d'arrêter, menaça Elena en s'arrêtant à la moitié de son château.

- Toi qui as gâché ma vie, poursuivit néanmoins Katherine. Toi qui as pris la vie de Rebecca. Toi qui as volé celle d'autres innocents. Toi qui m'as pris tout ce qui me restait… C'est vrai, moi aussi je t'ai pris tout ce que tu avais, mais qu'est-ce donc à côté de ce que tu m'as fait endurer ? Ne te crois pas en sécurité dans ta toute petite chambre, Elena… Saches que je suis plus proche de toi que tu ne le crois – et ce, en permanence. Garde bien en tête que ma vengeance n'est pas encore achevée, et que ce tu mérites vraiment t'arriveras tôt ou tard. Compte sur moi.

- Katherine (mais ça, tu le sais déjà)

Elena se crispa un moment mais ne tarda pas à se détendre de nouveau en continuant son château.

- Je te trouve bien pathétique, Katherine.

Cette dernière s'adossa à sa chaise.

- Ah, oui ? Regarde-nous bien toutes les deux et dis-moi qui selon toi est la plus pathétique des deux.

- Sans aucun doute, c'est bien toi !

Amusée par la perplexité de son interlocutrice, Elena s'expliqua :

- Moi, je n'ai toujours été qu'une pauvre folle qui a finalement fini par être enfermée dans cet institut pour un très long moment… En revanche, toi, malgré la vie quelque peu solitaire mais agréable qui s'offrait à toi à Rosewood, tu as décidé de tout foutre en l'air. Et pourquoi ? Afin d'avoir la satisfaction de me voir tomber. Afin de venger une personne qui après tout n'a représenté qu'un fantôme dans ta vie. Afin de soi-disant pouvoir tout recommencer… Courir après quelque chose qu'on sait avoir perdu à jamais, n'est-ce pas plus pathétique ? Tu as voulu ta vengeance et tu l'as eu. Mais tu as perdu tant en cours de route… Regarde-toi. Tu me déteste, n'est-ce pas ? Eh bien tu devrais te rendre compte que toi aussi, tu t'es changée en monstre. Et puis, tes chers amis ont en souffert aussi. En particulier… comment s'appelle-t-il, déjà ? (Elle feignit de réfléchir) Ah, oui. Toby.

Elena rit en évoquant ce prénom et déposa les deux dernières cartes au sommet du château. Elle allait passer à sa partie préférée : la destruction du château. Mais Katherine s'en chargea à sa place en frappant bruyamment la table, ce qui fit voler les cartes.

- Je vais te tuer, menaça Katherine d'une voix qu'elle n'avait jamais eu auparavant.

À sa grande surprise, Elena eut un petit sourire.

- Tu viens à l'instant de confirmer ce que je disais : tu n'es qu'un monstre, Katherine Anderson.

Katherine se leva brusquement en frappant de nouveau la table. Elena se leva au même moment en hurlant et renversa la table sur Katherine. Deux infirmières accoururent, emprisonnèrent les bras d'Elena et l'entraînèrent vers le couloir menant aux chambres.

Katherine fut contrainte de quitter les lieux, mais lorsqu'elle se tourna une dernière fois vers son ennemie, elle vit que celle-ci affichait un sourire sadique.

26: Chapitre 25 - Erase the silence, erase my life
Chapitre 25 - Erase the silence, erase my life

Chapitre 25 – Erase the silence, erasemy life

« Le moment de la mort comme la fin d'une histoire donne une signification différente à ce qui précédait » - Mary Catherine Bateson

Elena posa le carnet qu'elle utilisait en guise de journal intime ainsi que son stylo sur le petit bureau à sa gauche. Installée sur son lit, elle contemplait le paysage à travers les barreaux de la fenêtre en face d'elle.

Radley Sanitarium. C'était l'établissement psychiatrique où elle était internée depuis maintenant plusieurs mois.

Ses jours se ressemblaient tous. Et pourtant, même si elle l'ignorait, quelque chose d'inévitable allait lui arriver ce jour-là : il ne lui restait plus que quelques minutes à vivre.

Depuis qu'elle est ici, elle repensait très souvent à son ancienne vie. Elle menait une existence parfaite : issue d'une famille aisée, elle ne manquait de rien. Elle avait de bons parents avec lesquels elle s'entendait bien. Elle avait des amis qui l'entouraient. Elle était belle, joyeuse, insouciante. Mais surtout, elle était innocente. Puis elle se rappelait de quelle manière les choses se sont bousculées, de quelle façon tout a changé du jour au lendemain. Tout a commencé cette maudite nuit, chez Rebecca. Elle avait poussé son amie dans les escaliers. Elle s'était sentie bizarre, comme si elle n'avait plus le contrôle de son propre esprit. Ensuite ça s'est enchaîné : Emma, Toby, Anna et même presque ses deux meilleures amies (ex meilleures amies ?) Amanda et Lucy. Tout ça, de son plein gré. Pouf! Sa merveilleuse vie se transforme en cauchemar.

La porte claqua. Une employée entra dans sa chambre, traînant avec elle un chariot transportant le déjeuner de la patiente ainsi que ses médicaments. Normalement, elle devrait manger avec les autres patients dans la salle. Mais certains d'entre eux étaient amenés à rester dans leurs chambres pour éviter toutes sortes de problèmes, surtout après ce qui s'est passé avec Katherine lors de sa visite.

Alors, comme d'habitude, Elena se contentait d'attendre que son repas lui soit servit avant de prendre ses médicaments, le tout sans vraiment prêter attention à la personne.

Cela s'est passé comme à chaque fois. Elle se redressa et l'employée déposa doucement un plateau avec une assiette reposant dessus devant elle. Elle attendit un moment, et… Et rien. Alors, elle se retourna pour voir ce qui la retenait si longtemps de lui tendre ce tout petit récipient qui était censé contenir ses cachets.

Elle eut le choc de sa vie. Ces cheveux noirs, ces yeux bleus glacier, cette expression impassible… Ils n'étaient que trop familiers pour elle.

- Katherine…

- La seule et l'unique.

Elles se fixèrent un moment.

- Alors, ta vie de cinglée ?

- Comment tu es rentrée ici ? questionna-t-elle, ignorant son commentaire.

- Je suis bénévole. Surprise !

- Et qu'est-ce que tu fais là ?

- Eh bien, tu vois, Elena (elle s'adossa au mur), je viens réaliser mon rêve, répondit la jeune fille d'un ton nonchalant.

Elena se débarrassa du plateau.

- Ton rêve ?

- Parfaitement. Cela fait tellement longtemps que j'attends… Et cette fois, tu ne m'échapperas pas. Je vais t'éliminer. Pour de bon.

Elena eut un petit rire. Son attitude « innocente » qu'elle utilisait pour tromper les médecins et psychologues qu'elle consultait disparut et laissa place à un regard qui faisait froid dans le dos.

- Ah. Et je peux savoir ce qui t'a empêché de le faire la première fois que tu en as eu l'occasion ?

Katherine se figea. Son air narquois s'effaça.

- Toby. Tu te souviens de lui, au moins ? demanda-t-elle sèchement. C'est lui qui m'a dissuadée de te tirer une balle en pleine tête. Il t'a sauvé la vie. Et en retour, tu l'as tué sur place.

- Toby… (Elena rit) Le meilleur moment, c'est la tête que tu as faite ! Oh, et quand tu t'es mise à pleurer, oui, ça c'était le plus drôle !

Katherine se crispa. Elle sentait qu'elle ne tiendrait plus très longtemps.

- Dis-moi que tu regrettes tout ce que tu as fait.

- Mais quoi donc ? demanda Elena d'un air faussement innocent.

En une fraction de seconde, Katherine, qui sentait sa colère monter au plus haut point, sortit une arme de sa poche et la braqua droit sur Elena. Cet dernière garda son air habituel.

- Dis-moi que tu regrettes d'avoir tué ma sœur. (Elle tremblait légèrement) Dis-moi que tu regrettes d'avoir poignardé Emma et Anna, et d'avoir tiré sur… Sur Toby (elle étouffa un sanglot).

- Oh, pauvre chérie…

Elena fit mine d'être triste.

- Ils te manquent, hein ?

- Dis-le ! s'écria brusquement la jeune fille en face d'elle.

- Eh bien… (elle se racla la gorge) Katherine, si tu y tiens tant, j'avoue en toute honnêteté… N'avoir aucun regret. La si-parfaite-Rebecca méritait de mourir. Emma et Anna sont mortes un peu pour rien, mais on s'en fout. Et ton cher Toby… Quel dommage que j'aie dû l'achever, il était vraiment mignon !

Katherine n'en croyait pas ses oreilles. Après tout ce qui s'est passé… Cette fille n'avait aucun scrupule. Elena soupira.

- Tu sais, je tiens un faux journal intime (elle désigna le fameux carnet). La thérapeute nous demande d'écrire nos pensées, nos sentiments. Et elle les ramasse et lit ce qu'on écrit chaque jour, pour voir si on fait des progrès. Donc, je fais comme si j'étais guérie, comme ça, je sortirai bientôt.

Malgré l'arme pointée vers elle, elle ne semblait pas du tout avoir peur. Et cela consternait Katherine.

- Tu ne sortiras jamais d'ici. Du moins, tu n'en sortiras pas vivante.

- Tu n'oseras jamais appuyer sur la détente.

Elle lui répondait comme si tout ça n'était qu'un jeu.

Katherine mourrait d'envie de le faire, mais elle se mit à se demander ce que lui aurait dit Toby s'il était là.

- Regarde-moi bien, Elena, dit-elle au bord de la crise nerfs. Tu m'as enlevé tout ce que j'avais de plus cher dans ma vie. Tu dois payer pour tout ce que tu as fait. Je te laisserais pourrir avec plaisir ici pour le restant de tes jours. Mais je crois que te voir morte serait plus juste. Pour moi, et pour le reste des gens qui se sont retrouvés brisés par ta faute. Maintenant, je te souhaite un bon voyage jusqu'en enfer. Adieu, Elena Porter.

Une expression effrayée passa brièvement sur le visage de cette dernière, et puis...

BANG.

Elle l'avait fait. Katherine avait appuyé sur la détente. Le coup de feu était à peine parti que la balle transperça le cœur de sa victime. Le sang se mit à jaillir à flots sur les vêtements et les draps de la jeune fille, jusqu'à couler au sol.

Katherine admirait le tableau, tenant toujours l'arme de sa main droite pointée vers elle, comme si elle s'attendait à ce qu'Elena se réveille. Puis, une sorte de soulagement l'envahit. Elle avait enfin assouvit sa vengeance. Elena était morte.

Elle demeura ainsi quelques secondes, et réalisa qu'infirmiers et employés ne tarderaient pas à la surprendre.

Soudain, quelque chose vint se mêler à son soulagement : une profonde tristesse. Elle s'imagina l'espace d'un instant la vie qu'elle aurait pu mener avec Rebecca et Toby à ses côtés. Ils seraient tellement heureux tous les trois… Et rien de tout cela ne serait arrivé.

Si seulement il n'y avait jamais eu d'Elena. Si seulement elle avait contacté Rebecca plus tôt. Si seulement elle n'avait pas mêlé Toby à cette histoire. Si seulement elle ne s'était pas lancée dans cette mission vengeance. Si seulement…

Dans cette chambre, le temps semblait marcher au ralenti. Son soulagement, sa tristesse et même toute émotion avaient soudainement disparu en elle.

Alors, elle réalisa qu'elle n'avait rien à présent. Plus rien.

Tremblant de tout son corps, les joues ruisselantes de larmes, elle pointa son arme vers sa tête. Elle regarda une dernière fois le corps baignant dans le sang d'Elena.

- Pardonne-moi, Toby…

Elle ferma les yeux, et…

BANG.

27: Epilogue
Epilogue

Epilogue – I was counting the days to meet you on the other side

« La fin d'une histoire est le commencement d'une autre. La seule chose, c'est qu'on l'ignore à ce moment-là »

Tout était blanc. Entièrement blanc. Il y avait une lumière blanche si vive et aveuglante pendant un moment qu'elle ne pouvait rien distinguer. Katherine avait l'impression de flotter dans les airs, elle se sentait tellement légère !

Mais où était-elle exactement ?

Elle n'avait aucune idée de ce qui se passait. Elle ne se rappelait de rien. Comme si elle avait reçu un énorme coup sur la tête, et qu'elle venait de se réveiller dans un endroit qui lui était complètement étranger.

Elle était debout, regardant autour d'elle. Ne voyant rien aux alentours, elle se concentra sur elle-même. Elle était habillée d'une simple robe légère qui lui arrivait presque aux genoux. Ses cheveux noirs étaient lâchés, tombant sur ses épaules et son dos. Et elle était davantage pâle qu'elle ne l'était d'habitude.

Son incroyable beauté, son allure, sa grâce, la légèreté de ses mouvements et son regard innocent…

- Tu es magnifique.

Katherine releva la tête et se figea. Était-elle en train de rêver ? Car il était impossible que…

Elle n'osait pas se retourner. Était-il ne serait-ce qu'envisageable que ça soit ce à quoi elle pensait ?

Soudain, quelqu'un lui toucha doucement le bras. Décidant de ne plus trop réfléchir, elle se retourna très lentement.

- Je t'ai manqué ?

Et là, son cœur faillit exploser de joie. Elle voulait répondre, mais les mots s'étranglaient dans sa gorge, refusant d'en sortir. Alors, elle lui sauta dessus.

- Eh, fais gaffe ! s'exclama la personne en riant.

- Toby… c'est toi ? murmura-t-elle, les larmes aux yeux.

Il eut un de ces sourires qui n'appartenaient qu'à lui.

- Oui, c'est moi ! J'ai trop la classe, hein ?

- C'est clair !

Ils se serrèrent dans les bras.

- Si tu savais à quel point tu m'as manqué…

Et BAM c'est là que tout lui revint. Rebecca, sa rencontre avec Toby, les multiples morts, la façon dont elle avait tué la cause de tous ses malheurs, et comment elle s'était tuée elle-même. C'était comme si sa vie se défilait à toute allure devant ses yeux.

Mais oui… Ce n'est pas un rêve… Je suis morte.

Morte.

Elle plongea son regard dans celui de Toby.

- Où sommes-nous?

- Dans le même monde... Sauf qu'on en fait plus tout à fait partie. On est invisibles à l'œil humain, à présent.

- On est morts, c'est ça ?

- Je préfère le terme « fantôme ».

- Sérieux…

Il marqua une pause.

- Je t'avais dit de ne pas me rejoindre trop tôt… chuchota-t-il.

- Je ne pouvais pas vivre comme ça. Si tu savais à quel point c'était douloureux… Je n'arrêtais pas de repenser à toi, et ce qu'elle t'a fait…

- Chuuut, l'interrompit-il. Ne prononce pas son nom. Et ne repense plus jamais à elle.

Il lui prit la main.

- Maintenant, tu es là, et c'est tout ce qui m'importe.

Et sur ces mots, il lui entoura la taille de ses bras et la serra contre lui.

- Je t'aime, Toby.

- Moi aussi, je t'aime, Katherine.

Il se pencha vers elle et ils s'embrassèrent avec tout l'amour qu'ils avaient l'un pour l'autre.

Puis, ils se tinrent par la main et avancèrent tous les deux.

Alors, Katherine comprit que finalement, elle avait tout. Son Toby à elle était là, et il lui montrait le chemin vers sa sœur. Sa sœur qui l'accueillit d'un large sourire.

Deux êtres chers perdus mais finalement retrouvés. Que pouvait-elle bien demander de plus ?

« Notre amour c'est notre maison. Nos pieds peuvent la quitter mais nos cœurs jamais » - Oliver Wendell Holmes.

 

Si vous lisez ceci, c'est que vous venez de terminer la lecture de ma fiction. Et je vous en remercie.

Un grand merci et un gros bisou à 'M', une personne très spéciale pour moi, et qui se reconnaîtra.

Vous avez aimé cette fiction? Retrouvez bientôt ma collection "Thirteen Tales of Love and Revenge", recueil de treize courtes histoires!