Chapitre I : La désobéissance d'un homme définit sa nature : Déterminé

Le premier soleil de Fortegne frappa Quétal tôt ce matin-là. Le site archéologique au sud de la cité avait été recouvert par le sable rouge de la tempête – qui avait surgi la veille – venant de l'ouest, près des montagnes interdites. On pouvait aisément retrouver l'emplacement, car il y avait deux types de sables : le rouge des pics et le jaune du désert quétel qui entourait Quétal et ses environs. Un petit groupe d'archéologues avait déjà commencé de vider le sable rouge qui, lorsqu'il était posé sur celui du désert, se dissolvait libérant de l'oxygène. Cette propriété demeurait en fait la seule qui permettait la survie sur cette planète appelée Convulso. En effet, les plantes ne poussaient pas dans ce désert ni dans les environs. En hauteur, Shaoun, maître-archéologue, attendait patiemment que le chemin soit dégagé pour continuer ses fouilles. L'insoutenable chaleur de l'endroit l'obligeait à porter un short et une chemise à manches courtes. Son vieux chapeau troué le protégeait du soleil et il commençait à s'hydrater de plus en plus. Ses yeux bleus surveillaient l'avancée des ouvriers, protégés du soleil par les grandes tentes du campement. Il les avait engagés en échange de quelques-uns des trésors que l'archéologue allait trouver sur le site. Ses lèvres gercées les stimulaient et son grand nez respirait l'air qui commençait à brûler ses poumons. Shaoun était le seul des archéologues à rester sous le soleil qui tapait fortement dans son dos ; comme s'il voulait prouver quelque chose à ses ouvriers ou à lui-même.

Ce mois de Querin était le plus chaud de l'Année et, à l'opposé, le Mois de Benin était le plus froid. Les plus vieux Quétonnes, habitants de Quétal, avaient près de 240 années, car il n'y avait que quatre mois dans une année : Benin, Anin, Querin et Zetin. Chacun de ces Mois se composait de quatre Semaines divisées en sept Jours : Loda, Meli, Mulbe, Jola, Viltar, Selun et Sarlin. Certains disaient qu'il s'agirait d'un dérivé d'une langue ancienne transformée et perdue au fil du temps.

Certains Quétonnes pensaient qu'il existait d'autres villes, sociétés ou continents dont les mœurs étaient différentes et qui utiliseraient une autre base de temps que celle qu'ils détenaient. Cependant, personne ne s'aventura au-delà des montagnes interdites, car les sages avaient informé les Quétonnes que, là-bas, demeuraient des monstres qui dévoraient tout intrus sur leur territoire.

La chaleur était devenue insupportable et, malgré l'ombre dont il jouissait, l'un des ouvriers s'effondra. Shaoun vint à son secours et décida d'abandonner et de retourner à Quétal jusqu'à ce qu'il fasse moins chaud. Ils rentrèrent tous à pied, car la technologie quételle n'était pas très évoluée. Elle restait limitée par les sages de la cité ; c'étaient eux qui décidaient si les inventions paraissaient dangereuses ou non pour la planète Convulso et ses habitants. Ainsi, ils avaient refusé tout moyen de locomotions polluant et toute entreprise relâchant du gaz nocif.

Les habits qu'ils portaient étaient confectionnés par des techniques transmises de génération en génération et le tissu était livré chaque matin d'on ne savait où et les sages ordonna de ne poser aucune question sur leur provenance. Nourriture, eau, et toutes autres choses nécessaires à la survie étaient déposées devant la porte de chaque habitant selon leurs besoins. Personne ne savait qui les livrait et, à vrai dire, personne ne chercha à savoir du temps que cela leur permettait de vivre.

Les archéologues marchèrent vers le nord et arrivèrent au dôme qui protégeait Quétal de la chaleur du soleil. Il était composé d'une ancienne technologie qui permettait de capter la lumière pour la transformer en énergie. À l'intérieur du dôme, il faisait bon vivre et Quétal était une grande ville dynamique qui se divisait en trois parties. Il y avait un quartier riche où l'on pouvait tout marchander y compris les bijoux et trésors laissés en héritage ou découverts lors de fouilles ; un quartier moyen où la règle d'or était d'offrir pour recevoir et, au centre de la ville, il y avait la cité des sages. La société était bâtie sur un système d'échange : pas de monnaie unique.

À Quétal, l'inégalité entre les classes n'existait pas ; il n'y avait ni riche, ni pauvre, ni racisme, ni fascisme. Chacun aidait les plus démunis qui les aidaient en retour. Il n'y avait pas de meurtres, car il n'y avait pas d'armes et les soldats étaient inutiles puisque personne n'enfreignait les lois. Ces dernières étaient simples : pas de crime, pas de fabrications personnelles sans autorisations des sages et pas d'abus. Cette dernière loi comprenait aussi bien l'abus alimentaire, que l'abus de plaisir et d'eau.

L'eau devenait une ressource naturelle qui, à cette époque de l'Année, manquait cruellement. Depuis plusieurs années, les Quétonnes avaient commencé à faire des réserves dans le cas où le Mois de Querin devenait trop chaud. Pour survivre avec les maigres réserves qu'ils avaient, les sages avaient décidé de limiter la population à un certain nombre. Les plus vieux et les plus faibles devaient s'exiler dans les montagnes interdites pour nourrir les monstres qui, en échange de ces sacrifices, apportaient de l'eau pour Quétal. Ce Mois de Querin était craint de tous, car ils avaient peur de mourir de soif ou même d'être sacrifiés. Pour certains, c'était un honneur de servir de nourriture aux monstres, car grâce à eux, leur famille allait pouvoir survivre plus longtemps. Ces dernières étaient limitées à deux enfants maximum pour garder une population constante. Seul un décès dans la famille offrait la possibilité d'en avoir un autre.

À l'entrée du dôme, Shaoun se sépara de ses employés et alla retrouver sa maison située à la limite des quartiers riches et moyens. Il monta dans sa chambre et s'allongea sur son lit. Il regarda le cadre sur sa table de chevet, l'attrapa et le serra fort entre ses bras. Il ferma les yeux et rêva. Il rêva d'être avec sa femme et ses enfants qui jouaient dans leur jardin, d'une maison pleine de vie, de repas conviviaux et de veillés pleines d'humour et de joie.

Soudain, quelqu'un frappa à la porte et Shaoun revint à la réalité : plus de femme, plus d'enfant, plus de joie. Il se leva et fit tomber le cadre qui se trouvait au bord du lit. L'archéologue ramassa les débris de verre cassé et une larme vint se poser sur la photo de sa femme et de ses enfants. La porte frappa à nouveau et Shaoun descendit ouvrir. Ses ouvriers l'attendaient et l'un d'eux expliqua :

— La nuit est tombée et nous attendons vos ordres.

— Préparez le matériel ; je vous rejoins.

— Vous allez bien, monsieur ?

— Il me semble vous avoir dit quelque chose !

— Bien, nous y allons.

Shaoun claqua la porte et s'assit au sol, dos à celle-ci. Il se recroquevilla sur lui même et versa quelques larmes puis l'archéologue finit par se ressaisir et se prépara à partir. Il retrouva ses ouvriers à la sortie de Quétal et tous commencèrent leur route vers le site, torche à la main. Il faisait froid et humide tout comme le sable dans lequel ils avançaient, mais le groupe avait du mal à se diriger dans cette nuit noire, plus sombre que le fond d'une grotte.

Les fouilleurs arrivèrent au campement où Saaran, le meilleur ami de Shaoun, les attendait pour terminer le travail qu'ils avaient effectué le matin. Certains bénévoles s'étaient relayés pour déterrer le site et, à présent, le plus gros était fait. Il y avait deux projecteurs issus de la technologie ancienne qui illuminaient les ruines. Le haut de ce qui semblait être une entrée était visible et, impatient, Shaoun prit une torche et se glissa à l'intérieur sans attendre que tout soit dégagé. D'autres torches longeaient les murs des ruines qui ressemblaient à un grand labyrinthe.

Pour retrouver son chemin, Shaoun rusa d'intelligence et commença à allumer une à une chacune des torches à côté desquelles il passait. Il prit tout d'abord à droite, puis à gauche et, rapidement, il oublia son chemin comptant sur les torches allumées pour retrouver la sortie. Au bout de plusieurs intersections, Shaoun arriva dans une grande salle entourée de gravures anciennes et de symboles indéchiffrables. Un grand puits occupait également une grande partie de la salle, un puits qui semblait être sans fond. Il y avait également deux statues sur l'une des façades de la salle, l'une était un homme et l'autre une femme. Entre celles-ci, en hauteur, une phrase était écrite : ''la fin de Convulso, le maître du Destin choisira''.

Autre chose la finissait et Shaoun dépoussiéra la dalle. Il fit apparaître le chiffre deux qui semblait se séparer du mur. L'archéologue essaya de la remettre en place puis soudain, le mur sous la phrase s'enfonça et pivota laissant place à un passage secret ainsi qu'à un grand courant d'air qui éteignît toutes les torches qu'il avait précédemment allumées.

N'ayant plus rien à perdre, il posa un pied à l'intérieur et une rangée de lampes lui éclaira le passage. Il n'y avait aucun croisement et le chemin semblait se prolonger à l'infini. Shaoun s'y engouffra et marcha le long de la galerie et, au bout d'un certain temps, il arriva à une impasse l'obligeant à faire demi-tour. Lorsqu'il fut revenu dans la grande salle, il préféra déchiffrer les symboles du temple plutôt que de chercher la sortie et mourir perdu et introuvable dans le labyrinthe.

Ces derniers ne ressemblaient à rien de ce qu'il connaissait ou de ce qu'il avait lu dans des livres. Les gravures, elles, illustraient une sorte de cérémonie dans laquelle les autochtones jetaient des offrandes au fond d'un puits pour que la planète survive. Shaoun s'inquiéta d'abord de l'avenir de Convulso avant de se rendre compte qu'il ne s'agissait probablement que d'une religion, d'une croyance. Entre chacun des dessins, il y avait un symbole et l'archéologue découvrit rapidement qu'ils étaient aux nombres de vingt-six et qu'ils étaient tous différents les uns des autres. Il chercha à savoir à quoi cela pouvait correspondre et il se rappela qu'il avait lu dans un livre qu'autrefois il existait un système de lecture différent de celui qu'ils possédaient à présent. Les pictogrammes avaient substitué des dessins qui eux-mêmes avaient remplacé l'ancienne écriture qui avait autrefois élu domicile sur Convulso. Il commença par chercher lequel correspondait au début de l'alphabet, mais à peine eut-il le temps de commencer qu'une voix l'appela du labyrinthe. C'était Saaran, l'ami de Shaoun qui venait lui porter secours et le ramener à la surface.

Il faisait encore nuit et l'explorateur décida de retourner à Quétal pour annoncer sa découverte aux sages et il demanda à ses ouvriers d'étudier plus en détail le site qu'ils venaient de déterrer ainsi que ses alentours. Il était réjoui de sa découverte et s'empressa de retourner à la ville pour clamer haut et fort qu'il avait enfin atteint son but. Sur le chemin, le soleil se leva et Shaoun réalisa qu'il avait passé plus de temps dans les ruines qu'il ne le pensait. À l'entrée de la cité des sages, la haute double porte lui faisait face. Il frappa et les portes s'ouvrirent. À l'intérieur, il y avait un grand bâtiment où résidaient les érudits et autour, des artisans fabriquaient ce dont avait besoin chacun des Quétonnes.

Shaoun se dirigeât vers la demeure des sages et un homme, à l'entrée de celle-ci, l'amena au centre d'un amphithéâtre. La personne située au centre de ce dernier pouvait s'adresser à son public qui pouvait s'asseoir tout autour d'elle sur des bancs en marbre. Certains étaient plus en hauteur que d'autres, permettant ainsi à ceux placés à une certaine place de ne pas gêner la vue d'un autre. Il n'y avait qu'une seule place qui différait des autres. Un siège en marbre sculpté à effigie du plus ancien. Le garde lui demanda d'attendre les sages que Shaoun avait convoqués pour une assemblée exceptionnelle. Tous s'installèrent autour de Shaoun et le plus ancien de tous se posa dans le siège qui dominait les autres. L'un d'entre eux commença :

— Pourquoi avoir convoqué les sages, jeune Shaoun ?

— Je viens de faire une découverte des plus incroyables ! s'exclama l'archéologue. Il y a peu, je vous ai convoqué pour m'autoriser à faire des fouilles au sud de la ville et tout cela vient de porter ses fruits.

— Ne tournez pas autour du pot, insista un second, dites-nous ce que vous avez découvert !

— J'ai trouvé les ruines d'un ancien temps et une salle dans laquelle des offrandes étaient faites pour la survie de Convulso.

— Est-ce l'unique raison pour laquelle tu nous as convoqués ? demanda le plus jeune.

— Il y avait autre chose dans cette salle, une phrase étrange et un numéro avec un passage secret sans issues. Je pense que c'est par ce passage que les offrandes devaient être livrées, mais l'accès a dû être condamné pour je ne sais quelles raisons.

Le plus érudit de tous, silencieux depuis le début, se leva de son grand fauteuil et prit la parole :

— En effet, c'est une grande découverte que vous nous présentez, mais je crains qu'elle ne doive s'arrêter là.

Les mots du sage provoquèrent la surprise générale de l'amphithéâtre et certains érudits contestèrent sa décision. Un vacarme sans nom s'était installé et Shaoun réclama le silence. Il resta calme et répliqua :

— Quelles sont les raisons de cette décision aussi improbable qu'incompréhensible ?

— Nous savons tous que depuis ce tragique incident qui nous bouleverse encore tous, vous êtes à la recherche du maître du destin ! Lorsque vous vous êtes présenté à nous pour la première fois, nous avons eu de la pitié pour vous, mais il est temps que cela cesse au plus tôt.

— Tout cela est ridicule. Il n'y a aucun rapport avec la mort de ma femme et de mes enfants, s'énerva l'archéologue. Je le fais uniquement pour la culture de Quétal et de ses habitants. De plus, je pense qu'il est nécessaire que je continue mes recherches sur ce lieu pour savoir si nous sommes en danger ou non.

— Avec vos découvertes, vous allez créer un vent de panique. Certains Quétonnes vous prennent pour un fou, d'autres vous vénèrent. Vous allez déclarer une guerre d'opinions et diviser Quétal en deux…

—… Elle est déjà divisée en deux, l'interrompit Shaoun.

— Ne soyez pas désobligeant envers nous, vous nous devez le respect. Sans nous, vous seriez tous morts. J'ai donc décidé, pour la sécurité de Quétal, de vous interdire d'approcher le site de fouilles et de parler à qui que ce soit de tout cela. Vos employés et votre ami Saaran seront soumis aux mêmes interdictions et dans le cas où l'un d'entre vous les enfreindrait, vous serez exilé dans les montagnes interdites et livré à vous-même.

—… mais, c'est injuste !

— Messieurs les érudits, je vous prierais dorénavant de vous occuper d'autres affaires plus importantes que celle-ci.

L'intellectuel quitta l'amphithéâtre et les autres érudits s'en allèrent un par un, regardant Shaoun avec pitié, le laissant seul, attristé par la décision irrévocable du grand sage. Il rentra chez lui, tête baissée, et monta dans sa chambre pour pleurer en la mémoire de sa famille.

Plusieurs Jours passèrent et les Quétonnes s'inquiétèrent de ne pas voir Shaoun. Depuis la décision du grand sage, il s'était réfugié chez lui et les cauchemars qui hantaient ses nuits depuis la mort de sa famille s'aggravaient de jour en jour. Un Jola de Zetin, Saaran vint frapper à sa porte et Shaoun ne répondit pas. Il glissa sous sa porte une lettre que l'ermite décida de lire. Son ami et ses employés lui proposaient une opportunité de retourner dans les ruines au moment de la relève des agents des sages qui gardaient le site. Saaran et Shaoun devaient se faire passer pour les gardes de la relève et ce dernier refusa que son ami soit exilé si le plan devait mal tourner. Il décida donc d'y aller seul, mais accepta que son ami lui rende un service.

Le soir même, avant que les gardes ne partent de Quétal pour la relève, Saaran fit diversion et les retarda. Shaoun passa inaperçu et se dirigeât vers le site. Il espéra que la nuit noire le rende méconnaissable au vu des gardiens, mais il avait sous-estimé la sécurité aux alentours du site. Des projecteurs balayaient la zone et empêchaient l'archéologue d'avancer plus loin sans se faire repérer. Lorsqu'il fit demi-tour, il croisa les deux gardes de la relève et baissa la tête pour éviter qu'ils ne puissent discerner les contours de son visage, mais c'était trop tard. La faible lueur provenant des projecteurs les dessinait déjà et les deux agents le reconnurent immédiatement. Ces derniers l'emmenèrent à la cité des sages et la sentence se fit rapidement entendre. Shaoun fut exilé vers les montagnes interdites et si jamais il n'y allait pas, il allait mourir de soif dans le désert qui entourait toute la ville ou pire encore, exécuter par un garde. Il fit ses adieux à ses amis et il récupéra les derniers souvenirs de sa famille avant de se diriger vers l'ouest.

En sortant de Quétal, il regarda une dernière fois en arrière avec le remords d'abandonner ses amis derrière lui. La peur de mourir le faisait marcher lentement, mais l'espoir de retrouver le maître du destin pour sauver sa famille le maintenait en vie. En aval des montagnes, un chemin permettait de pénétrer dans le lieu où résidaient les monstres des légendes quételles et de subir son destin. Il avançait calmement et n'avait plus peur de mourir, car il espérait au plus profond de lui qu'il retrouverait sa famille dans l'au-delà. Plus Shaoun avançait plus il se demandait quel genre de monstres pouvait vivre dans un tel endroit. À présent, il guettait autour de lui pour voir ces êtres qui semblaient ne pas vouloir se présenter à lui quand soudain, une voix aiguë de femme sortit de nulle part et commença :

— Tiens, ce n'est pas commode de trouver un exilé à cette époque !

— Qui est là ? s'inquiéta l'exilé en question.

— Je m'appelle Kala !

— Montrez-vous, monstres !

Une femme s'avança alors vers lui et continua :

— Monstre ? Ai-je l'air d'être un monstre ? Je suis la douanière du territoire Catène. Bienvenue, étranger !

— Le territoire Catène ?

— Bien évidemment. Tu pensais qu'au bout de ces montagnes il y avait quoi ? La demeure d'horrible monstre ?

— eh bien... pour tout dire, c'est ce que je pensais ! avoua Shaoun.

— Sacrés sages ! Que ne feraient-ils pas pour garder leurs citoyens dans leur si belle ville ?

— Excusez-moi, mais qu'y a-t-il de l'autre côté de ces montagnes ?

— Plus loin, il y a la cité de Cata, une ville paisible. Tu viens de Quétal, mais c'est étrange ! Habituellement, les vieux sages vous exilent plus tôt. Tu n'as pas l'air pauvre pourtant ! De quel quartier de Quétal viens-tu ?

— Le quartier riche Madame !

— S'il te plaît, pas de politesse entre nous. Considère qu'à présent nous sommes amis. Tu as dû faire quelque chose de vraiment mal pour te retrouver exilé chez nous.

— J'ai désobéi aux ordres des sages et…

—... Attends, tu me raconteras tout cela en chemin, l'interrompra la douanière. Kirino ! Prend ma place, veux-tu ? J'accompagne monsieur à Cata. Au fait, quel est ton nom ?

— Shaoun ! s'exclama-t-il.

— Bien Shaoun, allons voir les grands conseillers ! termina Kala.

Les monstres des montagnes étaient bien moins effrayants que ceux des légendes qui se transmettaient à Quétal. Shaoun se demanda pourquoi les sages avaient caché leur existence aux Quétonnes et commençait à douter de leur autorité ainsi qu'aux raisons qui l'ont fait arriver ici. Il se dirigea vers Cata, accompagné de Kala avec laquelle il sympathisa rapidement en lui racontant sa petite histoire. De l'autre coté des montagnes, le paysage n'était pas si différent du désert quétel sauf qu'ici, le sable était rouge comme celui qui avait recouvert le site d'excavation. Ils marchèrent plusieurs kilomètres vers l'ouest sans se préoccuper de ce qui les entourait.

2: Chapitre II : Force et esprit ne font qu'un, muscles ne sont qu'atouts
Chapitre II : Force et esprit ne font qu'un, muscles ne sont qu'atouts

« Le maître du destin demanda Kala, de quoi es-tu en train de me parler ?

— Selon certains livres, il s'agirait d'un homme qui déterminerait le destin de toutes personnes sur Convulso ! Lui répondit Shaoun. Depuis la mort de ma femme, je me suis juré de comprendre pour quelles raisons elle devait mourir. Les sages quétels n'ont pas su me répondre et m'ont orienté vers leur ancienne bibliothèque. C'est ici que j'ai découvert ce qu'il était et comment l'atteindre.

— Donc, pour résumer, tu te retrouves exilé à cause de ta femme et de tes enfants !

— On peut le dire comme cela !

— Tu es un sacré numéro Shaoun ! Tiens, regarde ! Nous sommes arrivés. »

De l'extérieur, Cata ressemblait fortement à Quétal, mais à l'intérieur, la pauvreté était majoritaire. À la place du quartier riche, il y avait des maisons abandonnées, la plupart délabrées. Il s'agissait du quartier pauvre dans lequel les commerçants cherchaient à vendre leur produit quelque en fût le prix. Le système commercial Catène était différent de celui de Quétal. Ici, il n'y avait qu'une monnaie unique : le daha. C'était elle qui définissait la valeur des choses et déterminait qui était riche ou pauvre. Plus une personne possédait de dahas, plus elle était riche.

« Arrête de rêver et suis-moi ! »

Shaoun et Kala traversèrent le quartier pauvre à toutes allures pour rejoindre le quartier riche dans lequel vivaient les grands conseillers. Ces derniers définissaient ce qu'un exilé de Quétal allait faire à Cata et combien il gagnerait de dahas pour son travail. Selon Kala, aucun habitant originaire de Cala ne savait qui ils étaient. Les rencontrer était un privilège que peu d'entre tous pouvaient se vanter d'avoir connu.

Shaoun arriva devant la salle du conseil et Kala lui ordonna d'entrer, mais ne l'accompagna pas. Lorsqu'il passa la porte, il se retrouva dans une haute pièce sombre et cylindrique. En son centre, il y avait une chaise éclairée par la lumière artificielle du dôme de Cata. En face de celui-ci, plus en hauteur, trois autres sièges étaient également illuminés et dans chacun d'eux s'installa l'un des conseillers. Dans le premier, celui à l'extrême gauche s'installa un adolescent d'environs 48 années. Dans le second qui se trouvait au milieu des deux autres, un adulte prit place et enfin, dans le dernier, tout à droite, un vieillard d'au moins 237 années s'y assit. L'adulte fit signe à Shaoun de s'installer sur la chaise et le plus jeune des trois commença :

« Bienvenu à Cata, ville du refuge. Bien qu'à cette époque de l'Année nous n'en comprenions pas les raisons, vous avez été exilé chez nous par vos sages.

— Vous allez être évalué par nos soins et nous définirons le travail le mieux adapté pour vous, s'exprima l'adulte. Veuillez nous exposer les faits qui vous ont conduit jusqu'ici. »

À la demande des conseillers, Shaoun commença son récit depuis la mort de sa famille jusqu'à son arrivée à Cata. Même si son histoire fut des plus incroyables, les conseillers furent très intéressés de savoir qu'il était archéologue. Ils pensèrent que son ancienne profession pouvait régler l'un de leur problème qui les ennuyait depuis un long moment déjà. Aucun Catène n'avait de connaissances en architecture ou en archéologie et les conseillers lui confirent ce qu'ils pensaient être les plans de Cata. Shaoun se demanda alors comment ils pouvaient vivre dans des bâtisses s'ils n'avaient pas les compétences requises pour les fabriquer. Il n'eut aucune réponse, car les conseillers jugèrent que ceci était en dehors des sujets qu'il pouvait aborder avec eux.

Il récupéra les plans et les conseillers lui expliquèrent la situation. Depuis plusieurs années, les Catènes subissaient les températures extérieures à l'intérieur du dôme comme s'il existait une sortie cachée ou une brèche dans ce dernier. Bien que la cartographie ne fût pas son fort, il essaya de se remémorer les cours qu'il avait suivis avec les sages pour savoir lire de tels plans. Il essaya tant bien que mal de les déchiffrer et y prêta une forte attention. Il finit par constater que les souterrains de la ville n'apparaissaient pas sur les plans, ou du moins pas dans leur totalité. Le temps, l'humidité et la poussière durent certainement effacer ces importantes informations.

Il demanda au plus ancien s'il en connaissait l'existence et s'il savait ce qu'il s'y trouvait, mais le vieillard ne sut quoi lui répondre. Les conseillers lui autorisèrent un accès quasi total à Cata et lui interdirent de s'aventurer dans le quartier réservé. Pour qu'il ne soit pas tenté d'enfreindre les lois comme il l'avait fait auparavant, les conseillers firent entrer Kala et lui ordonnèrent de veiller à ce que Shaoun respecte ce qui venait d'être décidé. Elle accepta en gage d'une compensation que les conseillers lui accorderaient une fois le travail accompli.

Ne sachant pas par où commencer, l'archéologue décida de jeter un coup d'œil dans ces souterrains. Selon les plans, l'accès aux souterrains n'était accessible que par une trappe située en plein cœur du quartier pauvre. Shaoun demanda à Kala d'assurer sa sécurité du mieux qu'elle pouvait et ils s'enfoncèrent tous deux dans ce lieu qualifié de dangereux. Ils traversèrent de nombreuses rues avant d'arriver à la trappe et, lorsqu'ils y arrivèrent, une sorte de mécanisme étrange et un verrou, par lequel un courant d'air chaud s'échappait, empêchaient de l'ouvrir. L'archéologue retourna voir les conseillers pour en obtenir la clé, mais ces derniers l'informèrent qu'ils n'avaient pas connaissance de cette dernière. Shaoun réétudia attentivement les plans et il découvrit un message caché parmi les dessins représentant Cata. « Pour trouver la clé, il faudra ruser d'intelligence et prouver sa force dans le Catarien du Destin. »

« Kala, commença Shaoun, c'est quoi le Catarien du Destin ?

— Cela fait longtemps que je n'ai pas attendu ce nom, lui répondit-elle. Il s'agit d'une bâtisse située à la limite nord du quartier riche, pauvre et l'extérieur du dôme. Sa porte est fermée depuis des années. »

Armé de courage et de détermination, Shaoun décida d'y aller faire un tour. À l'entrée du bâtiment, il y avait une pancarte sur laquelle était écrit : « 'la force d'un homme vaut celle d'une femme »' Shaoun comprit rapidement qu'il ne pourrait ouvrir la porte sans l'aide de Kala. Il lui exposa les faits et elle enfonça la porte.

« Voilà, c'est fait ! S'exclama-t-elle, fière de reconnaître qu'elle était plus forte que Shaoun.

— Ce n'est pas cela que tu devais faire ! lui répondit l'archéologue. Cette phrase n'était qu'une énigme de plus pour atteindre la clé. »

Sa fierté en prit un sérieux coup et s'excusa de lui avoir manqué de respect. Amusé par la honte de Kala, Shaoun accepta volontiers ses excuses et lui avoua qu'elle n'avait pas tort. Il n'a jamais été d'une énorme force puisqu'elle ne lui servait pas à se battre ni à effectuer de gros travaux physiques. Ils rirent ensemble et entrèrent dans la maison. En face d'eux, il y avait une autre porte et, au-dessus de son embrasure, un autre message était écrit. ''En raisonnant différemment, la réponse devient évidente, mais les apparences sont parfois trompeuses''. Sur la porte, il n'y avait ni serrures, ni poignet pour l'ouvrir. Seules une énigme et des lettres à encastrer dans trois trous étaient présentes. La phrase disait cela : "Mon premier est utile, mon second est indispensable et mon dernier est futile. Placez la première lettre de chacun de ces mots dans l'ordre et la voie vers la vérité s'ouvrira."

Kala proposa plusieurs réponses tandis que Shaoun réfléchissait dans son coin. À bout de solution, la protectrice se tourna vers l'archéologue et ce dernier, après une longue réflexion, comprit la logique de l'énigme.

« En soi, l'énigme a une infinité de possibilités, mais si on la combine avec l'autre, elle prend tout son sens ! expliqua Shaoun

— L'autre énigme ? demanda Kala. Celle de la porte d'entrée ?

— Hé bien non, je pense que celle-là est pour plus tard. Il faut utiliser celle qu'il y a au-dessus de la porte. Elle nous dit : "En raisonnant différemment, la réponse devient évidente." Telle quelle, l'énigme que l'on nous pose n'a pas de solutions évidentes, donc nous raisonnons mal. En revanche, si l'on s'éloigne un peu…

—… Non plus ! S'exclama Kala qui venait de s'éloigner de la porte. »

Shaoun ricana et expliqua ce qu'il voulait dire. Gênée, elle répondit qu'elle le savait bien et cacha son ignorance. L'archéologue avait compris que l'énigme n'en était pas réellement une, mais plutôt des affirmations. En partant de ce raisonnement, la réponse devenait effectivement évidente. Shaoun espéra avoir raison et commença à encastrer les lettres suivant l'ordre dans lequel elles étaient énoncées. L'archéologue espéra que quelque chose se passe, mais la porte resta close. Il réfléchit encore un moment et regarda une nouvelle fois les affirmations et le message en haut de la porte. Il essaya d'établir un lien et arriva finalement à une conclusion. "L'ordre" qu'énonçait la dernière phrase devait également être raisonné d'une autre façon. Il ne s'agissait pas de l'ordre d'apparition, mais l'ordre alphabétique. Les affirmations étaient à la fois un guide et un piège qui induisait en erreur. En fait, il fallait utiliser la seconde partie de l'énigme au-dessus de la porte pour l'ouvrir.

L'archéologue essaya sa nouvelle théorie et la porte s'ouvrit enfin. Elle donnait accès à un escalier qui permettait de monter à l'étage. Là-haut, il y avait une grande pièce séparée en deux par du verre transparent. Dessus, une nouvelle énigme était posée pour permettre d'atteindre la clé des souterrains, posée sur un piédestal de l'autre côté du verre. "Seul un homme aura la force d'actionner ce levier", disait la phrase. C'est alors que Kala se remémora la première indication qu'ils avaient vue à l'entrée du bâtiment. Elle pensa qu'elle allait enfin servir et se précipita vers le levier situé en dessous de l'énigme. Shaoun, inquiet par la simplicité des énigmes, regarda autour de lui et s'écria soudain :

« Ne touche pas à ce levier Kala !

— Pourquoi ? demanda-t-elle.

— Regarde autour de toi ! Ne trouves-tu pas quelque chose d'étrange ? Il y a des trous disséminés sur les murs !

— Je trouve cela normal pour une maison abandonnée et délabrée.

— Justement, elle ne le devrait pas. De plus, tous les trous sont dirigés vers ce levier.

— Ce n'est qu'une simple coïncidence ! S'exclama-t-elle

— Je ne préfère pas le vérifier par moi-même. Réfléchissons un peu avant de nous jeter dans la gueule du loup. »

Alors ils se mirent à réfléchirent sur l'énigme qui leur était proposée et sur celles qui leur avaient été posées. Après avoir tout examiné en détail, Kala ne trouva pas d'autre solution que celle qu'elle avait déjà envisagée. Mais Shaoun était d'un tout autre avis. Il lui expliqua que chacune des énigmes posées devait être mise en relation, mais l'une des quatre énigmes posées n'en était pas une celle sur la porte n'était qu'une affirmation qui permettait de résoudre les autres. Ainsi, Shaoun résonna du mieux qu'il put et fini par emmètre une hypothèse.

« Je pense que la première est utile donc elle nous aide à résoudre les deux autres. La seconde énigme est indispensable donc il faut voir les choses sous un autre angle et ne pas les prendre au pied de la lettre. La dernière est futile donc elle ne nous sert pas. Si on les réunit toute avec celle du plan on peut penser… »

Il n'eût pas fini sa phrase qu'il se précipita en bas et Kala la rejointe aussitôt. Shaoun expliqua qu'il avait pu voir un étrange mur bougé lorsqu'ils sont entrés dans le bâtiment. Cependant, il n'en parla pas avant, car il pensait que ce n'était qu'un mirage dût à son voyage dans le désert et de sa fatigue. Mais maintenant qu'il avait émis son hypothèse, il pensa que ce mur était la clé vers celle qu'ils recherchaient. Il s'avança vers lui, tendis sa main et découvrit qu'il s'agissait en fait d'une sorte de déguisement qui cachait une autre porte. L'archéologue l'enleva et ouvrit la porte. De l'autre côté, il y avait un autre levier, mais les murs étaient également jonchés de trous.

« Le déguisement de la porte était la réponse à la seconde énigme, mais nous n'avons toujours pas celle de la première. Je pense que nous allons devoir enclencher tous les deux les leviers en même temps et, si je me trompe, l'un de nous, ou peut-être même les deux, va mourir ou pire encore. Reste ici et lorsque je crierai, tu l'abaisseras. »

Shaoun avait peur de ce qui pourrait se passer et hésita un long moment avant de les actionner. Il avait peur de s'être trompé sur la dernière des énigmes. Cependant, il était presque sûr que Kala ne risquerait rien en restant en bas. Il finit par prendre son courage à deux mains et lui cria d'abaisser le levier en même temps que lui.

Lorsque ce fut fait, un grand bruit se fit entendre et Shaoun regarda le piédestal de l'autre côté du verre. La clé et son support s'enfoncèrent dans le plancher et Shaoun se précipita au rez-de-chaussée pour la retrouver, posée sur le sol. Kala était déjà là et tous les deux la dessinaient du regard. Ils se regardèrent dans les yeux et Shaoun acquiesça de la tête. Kala s'avança, toujours en regardant son ami qui continua à acquiescer. Elle arriva à portée de main de la clé et regarda une dernière fois l'archéologue qui, cette fois, ne fit rien. Ce dernier réfléchit un dernier instant avant de s'avancer vers le piédestal. Il regarda autour de lui puis fit signe à Kala de l'attraper tous les deux en même temps à la fin de son décompte. Trois… Deux… Un…

A peine le décompte terminé, Kala attrapa la clé et se protégeât le visage avec ses mains, de peur d'avoir déclenché un piège quelconque, mais rien ne se passa. Ils sautèrent de joie et se dirigèrent enfin vers la trappe qui menait aux souterrains. Ils passèrent tout d'abord par le quartier riche en se rapprochant le plus possible de la trappe, mais sans traverser les ruelles obscures du quartier pauvre. Cependant, ils ne purent les éviter bien longtemps puisqu'ils devaient se frayer un chemin pour accéder à l'entrée des souterrains.

Étrangement, maintenant qu'ils avaient la clé, ils craignaient pour leur vie et ils avaient raison. Elle était devenue un objet de valeur pour tous ces pauvres commerçants qui cherchaient désespérément à vendre tout ce qui leur tombait sous la main en échange d'un peu de dahas. À peine eurent-ils fait quelques mètres dans le quartier qu'un homme les assomma par-derrière.

Shaoun tomba alors dans un profond sommeil et ses songes se transformèrent rapidement en cauchemars. Il commença tout d'abord par rêver du jour où il avait rencontré sa femme. C'était lors d'une fouille sur un site dans le sud de Quétal, non loin du temple qui lui était encore totalement inconnu. Shaoun avait été envoyé là pour y trouver d'anciens documents enfouis dans une ville abandonnée et recouverte par le sable depuis plusieurs années. Shaïra, sa femme, faisait partie d'une autre équipe d'archéologues envoyée par les sages pour aider celle de Shaoun. Ce dernier déclina tout d'abord sa présence, mais lorsqu'il vit son visage, il changea tout à fait de point de vue. Ses formes, sa voix et sa démarche faisaient d'elle un ange tombé du ciel à ses yeux.

Il rêva ensuite de sa vie avec elle et de la naissance de ses deux enfants. C'est comme s'il vécut pour la seconde fois ces bonheurs et ces souvenirs qui firent de lui un meilleur homme qu'avant sa rencontre avec elle. Il n'avait pas d'amis jusqu'à ce que Shaïra lui présente l'un de ces frères, Saaran. Depuis la mort de sa bien-aimée, Shaoun avait décidé de le voir plus comme un ami que comme le frère de sa femme.

Enfin, il rêva de sa femme et de ses enfants, mais cette fois-ci, ils étaient allongés sur le sol, inconscient et sans vie. Dans son rêve, l'archéologue tenta de les sauver, mais il savait au plus profond de son cœur qu'il était déjà trop tard et qu'il ne pouvait rien faire d'autre que de revivre cette scène qui bouleversa sa vie.

À son réveil, Shaoun était seul dans ce grand quartier sombre et dangereux et la clé avait disparu en même temps que Kala. Il se releva et essaya de trouver du secours en allant dans le quartier riche, mais le coup qu'il venait de recevoir à la tête lui avait fait oublier le chemin qu'ils avaient pris pour venir ici. Il était à présent seul et totalement perdu avec, pour seule compagnie, de sinistres bruits venants de toutes parts. L'archéologue était immobilisé par la peur et la solitude qu'il avait ressentie le jour du décès de sa femme. Ce coup à la tête avait fait resurgir des souvenirs plus que douloureux pour lui. La seule personne qui aurait pu le consoler était de l'autre côté des montagnes, bien loin de lui.

Seul face à la peur, il devait trouver le courage d'avancer vers l'inconnu pour retrouver Kala et la clé, sûrement en sa possession. Il prit son courage à deux mains et s'enfonça dans les ruelles sombres et étroites du quartier pauvre de Cata sans vraiment savoir où cela aller le conduire.

3: Chapitre III : Le choix nous appartient, tant qu'il y en a plus d'un
Chapitre III : Le choix nous appartient, tant qu'il y en a plus d'un

Shaoun ne connaissait pas la violence, car depuis son plus jeune âge, il vivait dans une ville sans violence et si un seul Quétonne osait lever la main sur un autre, les sages l'enverraient vers les montagnes. Il comprit alors que les sages avaient imaginé ces histoires de monstres pour maintenir l'ordre et la discipline dans Quétal et ainsi avoir le contrôle total de ses habitants. Cette fois, il était plus déterminé que jamais à sauver le peuple Quetel par n'importe quel moyen de la tyrannie des sages.

Cependant, pour ce faire, il devait tout d'abord sortir du quartier pauvre de Cata. Plus il s'y engouffrait, plus les bruits qui l'entouraient s'intensifiaient. Des pas, des chuchotements, des cris et bien d'autres encore qui amplifiaient l'atmosphère inquiétante qui l'entourait. Devant et derrière lui, il n'y avait que l'obscurité sans lumières ni sorties. Il était au beau milieu d'un labyrinthe de maisons délabrées dont les occupants semblaient l'observer sans se dévoiler. Shaoun se demanda ce qu'ils craignaient tant pour ne pas daigner l'aider.

L'archéologue ne tarda pas à le savoir, car un groupe d'individus menaçants apparut devant lui avec des bâtons dans les mains. L'un d'eux s'avança et réclama :

« Donne-moi tout ce que tu as et passe ton chemin ou refuse et reçois mon courroux !

- Qui êtes-vous ? Demanda alors l'aventurier.

- Ne pose pas de questions et agit ! Continua un autre.

- Mais, je n'ai plus rien sur moi ! En entrant dans le quartier, on m'a tout pris !

- Dans ce cas, tu ne nous laisses pas le choix » termina le chef de la bande.

Trois des hommes s'avancèrent vers lui tandis que Shaoun reculait petit à petit jusqu'à se coller contre un mur qui l'empêchait d'aller plus loin. Lorsque la bande fut proche de lui, l'archéologue vit, par-dessus l'épaule du chef, un autre homme qui interpella les brigands. Ce dernier les menaça de les tuer s'ils ne laissaient pas le pauvre homme en paix et ils s'enfuirent sans demander leurs restes.

Shaoun observa son sauveur se rapprocher de lui et ce dernier s'expliqua :

« Bienvenue dans les bas-fonds de Cata, mon ami. Je m'appelle Salvatore et je suis venu pour te sauver.

- Me sauver... moi ? Pour quelles raisons ? Se demanda-t-il.

- On me surnomme le sauveur de l'humanité bien que tu sois la première personne que j'ai sauvée à ce jour, mais j'ai dans l'espoir d'en sauver bien plus en commençant par les habitants de Cata.

- Je te remercie et j'espère que tu y arriveras un jour. À présent, je souhaiterais que tu me rendes un autre service. Pourrais-tu m'indiquer la sortie de ce quartier et m'aider à retrouver mon amie ? Elle a probablement été enlevée.

- J'en serais ravi ! » Termina-t-il.

Ils marchèrent ensemble dans les rues étroites et sombres du plus délabré des lieux du quartier pauvre. Salvatore expliqua que la misère avait divisé le quartier en plusieurs parties qui se font la guerre depuis l'aube des temps. Plusieurs fois, les pauvres avaient essayé d'aller chez les riches, mais ces derniers les avaient menacés de mort s'ils recommençaient comme ce fut le cas plusieurs Mois avant son arrivée.

Ces séparations existent depuis l'aube des temps et personne n'essaya d'arranger les choses. C'était le but que s'était fixé Salvatore : réunifier les pauvres pour se soulever contre les riches. Shaoun pensa être avec les méchants, ceux qui tueront tous ceux qui s'opposeront à eux pour réussir. Il resta alors le plus discret possible et évita de se faire remarquer par les habitants du quartier pauvre.

Salvatore l'emmena dans un morceau du quartier dont l'accès était surveillé par des hommes qui portaient des couteaux et des fourchettes. Il lui expliqua que c'était la seule défense qu'ils avaient contre les autres en quête de territoires. Au départ, il y avait plus d'un millier de territoires dans le quartier, mais les guerres de bandes et la loi des plus forts firent apparaître trois grands territoires. Chacun de ceux-là avait sa propre particularité : la force, la défense, l'intelligence. Le premier gardait son territoire en attaquant l'ennemi avant que celui-ci ne vienne les affronter. Le second possédait de puissantes défenses qui empêchaient quiconque de passer. Enfin, le dernier possédait autant de l'un que de l'autre offrant ainsi une bonne défense ainsi qu'une bonne attaque. Toute personne cherchant la paix venait se réfugier dans ce camp. Ceux qui cherchaient la protection avaient le choix entre les deux autres. Que ce soit la force ou la défense, chacun d'eux recherchait l'agrandissement des territoires et s'affrontait perpétuellement. Seule l'intelligence sortait du lot. Les autres camps savaient qu'il ne fallait pas les affronter, car leur propre atout deviendrait leur pire ennemi, mais ce camp-ci ne cherchait ni la violence, ni la conquête de pouvoir et de terrains.

Salvatore faisait partie de celui-là et il conduisit Shaoun dans sa base : sa maison. Son père était l'ancien chef du camp et depuis sa mort, il avait pris la relève. Sa politique était paix et loyauté tout comme chacune des générations avant lui, mais Salvatore avait l'espoir de réunifier une Cata prospère et équitable pour tous. Il pensait qu'en aidant tout le monde, il pourrait faire d'eux ses alliés. Depuis des années, toutes les décisions se prenaient avec le consentement de chacune des personnes se trouvant dans le camp et tout le monde y trouvait son compte.

« Bien, maintenant que tu sais comment nous fonctionnons, commença Salvatore, nous allons réfléchir à l'endroit où pourrait se trouver ton amie. Je t'ai retrouvé ici et tu dis venir de là, à la limite du quartier riche. Je pense que la personne qui vous a assommé provient du quartier de la force. J'ai déjà un espion sur les lieux qui pourra nous en dire plus. En attendant, fais comme chez toi.

- Comment ce quartier a-t-il pu devenir un tel enfer ? Demanda Shaoun. Lorsque je suis arrivé ici pour la première fois, le quartier ne semblait pas si divisé.

- Les riches nous ont demandé de laisser une partie du quartier neutre permettant ainsi un passage sûr pour les étrangers comme toi.

- Pourquoi leur obéissez-vous ?

- Les deux autres camps reçoivent de l'aide des riches avec des technologies qui nous dépassent encore. Nous, nous nous contentons de les récupérer chez eux et de nous en servirent contre les autres. C'est pourquoi nous ne pouvons toujours pas nous passer de leur services. Au fait, je t'ai vu roder autour d'une trappe souterraine. Que cherchais-tu ?

- C'est une longue histoire qui ne vous concerne pas... du moins pour l'instant. »

Une femme entra dans le bâtiment et expliqua à Salvatore que l'espion était revenu. Kala avait effectivement était capturé en possession de la clé. Shaoun demanda son aide pour aller la récupérer, mais s'y refusa. L'archéologue lui expliqua alors ce qu'il était venu faire et promit à Salvatore de sauver les Catènes de la température extérieure. Ce dernier accepta alors de se sacrifier pour le bien de tout les Catènes. Étant devenu l'ennemi numéro un de chaque camp, Salvatore était devenu un trophée à quiconque le capturerait vivant. Il échangea alors sa place avec celle de Kata avant de lui donner le chemin à suivre pour retrouver la trappe.

Les deux amis enfin réunis se dirigèrent vers la porte des souterrains. Kala ne parla pas pendant un long moment comme si elle avait honte de ce qu'il venait de lui arriver. Elle semblait également effrayée et déçue d'avoir failli à son devoir de protection envers Shaoun. De son côté, l'archéologue espérait réussir dans sa quête pour sauver celui qui l'avait protégé.

Shaoun plaça la clé dans la serrure et la tourna pour déverrouiller le mécanisme. Un bruit d'engrenage s'y fit entendre puis un clic. Il tourna la poignée puis tira pour ouvrir la trappe qui permit l'accès aux souterrains. Il faisait sombre là-dessous, mais sur la droite, il y avait un bouton rouge qui s'illuminait dans l'obscurité. Curieux, Shaoun appuya dessus et le souterrain s'éclaira grâce aux mêmes lampes qui illuminaient le passage secret dans les ruines de Quetal. Ils longèrent les murs et arrivèrent dans une grande salle la même que celle des vestiges quetels sauf que cette fois-ci, les gravures aux murs étaient différentes.

Les ressemblances étaient trop importantes pour que ce ne fût qu'une coïncidence. La même architecture, vraisemblablement la même culture et technologie. Shaoun regarda entre les deux statues et une autre phrase y était inscrite : ''Gardée par les six temples, la vérité attend'' suivi du chiffre quatre, mais cette fois-ci ce dernier ne ressortait pas du mur. Shaoun chercha un rapport entre les phrases et les numéros. La première parlait de la fin de leur planète tandis que l'autre semblait expliqué qu'il existerait cinq autres temples comme ceux-ci. S'il s'agissait effectivement de prophéties, l'archéologue devait impérativement toutes les trouver ne serait-ce que pour prévenir les Convulsiens du sort qui pourrait leur arriver. Cependant, il devait encore trouver six salles comme celle-ci probablement éparpiller sur toute la planète, pour prévoir ce qui allait se passer. Il se demanda longtemps pourquoi tout ceci lui arrivait à lui plutôt qu'à un autre. Kala, étonné de trouver une telle salle sous sa ville, lui demanda :

« Comment savais-tu qu'il y avait quelque chose comme cet endroit sous Cata ?

– Hé bien, je n'en savais rien, mais nous ne nous trouvons pas sous ta ville ! Je pense que nous sommes à l'extérieur du dôme !

─ Comment peux-tu en être sur ?

─ Disons qu'avec la distance que nous avons parcourue dans ces souterrains, il est impossible que ce soit le cas. Ce qui expliquerait que Cata subissent les températures extérieures. De plus, je pense que ce temple est de la même époque que la création du dôme voire antérieur à celui-ci, expliqua Shaoun.

─ Comment es-tu arrivé à cette conclusion ?

─ La technologie de ce temple ressemble à celle utilisée pour la construction du dôme. De plus, sur Quetal existe le même type de temple avec des gravures quasi similaire. Dans la bibliothèque des sages, j'ai découvert que celles-ci étaient très anciennes. Enfin, il y a plusieurs années, j'ai découvert un autre vestige de civilisation ancienne. J'en ai déduit que c'était celle-ci qui avait construit le temple. »

Kala était émerveillée par les récits de Shaoun et avait totalement oublié tous ses problèmes. L'archéologue lui expliqua qu'il existait six autres temples de ce type à découvrir, mais la douanière refusa par un temps de le croire. Cependant, la voix de son ami résonnait chez elle comme une douce mélodie qui, petit à petit, la séduisit au point de lui faire changer d'avis.

Lorsqu'il eut fini de parler, Shaoun chercha une sortie ou un passage secret, comme il l'avait précédemment trouvé dans les ruines quetelles, par lequel s'infiltrerait la température extérieure. Il regarda tout d'abord entre les deux statues, mais ne trouva rien. Il finit par douter que le temple fût la cause du changement de degrés à l'intérieur du dôme, et c'est lorsqu'il décida de partir qu'il ressentit un courant d'air chaud sous ses pieds. Le centre de la pièce était la source des maux de Cata et Shaoun ne constata qu'à cet instant que le sol était jonché de sable rouge le même que celui du désert catène. Il trouva étrange qu'un tel sable se retrouve dans cette salle à plusieurs mètres sous le sol.

N'ayant aucun outil de fouille, Shaoun remonta à la surface pour expliquer la situation aux conseillers qui refusèrent de lui donner quelque aide que ce fût. Surpris de cette décision, l'archéologue réclama quelques explications :

« Vous nous avez expliqué précédemment que vous aviez été exilé de Quetal à cause de vos fouilles et, arrivé ici, vous découvrez la cause de nos maux qui se trouve être le même type de temple que celui que vous aviez trouvé chez vous. Vos sages avaient raison ! Vous allez créer un vent de panique avec vos ''prophéties''. Nous avons décidé de vous nommer au nettoyage du quartier riche jusqu'à nouvel ordre.

─ C'est injuste ! Je suis certain de ce que j'affirme et je pense que si nous ne faisons rien, nous allons tous mourir !

─ Cela suffit ! S'écria le plus ancien. Les décisions qui sont prises par le Conseil sont irréfutables. Vous serez payer trois dahas par Jours et vous serez logé non loin du conseil pour garder un œil sur vous. Vous resterez à notre disposition jusqu'à ce que nous décidions de votre sort. À présent, veuillez nous laisser. »

Shaoun n'eut pas le temps de placer un mot, que les Conseillers l'avaient déjà expulsé de la salle. Il pensa retrouver Kala à l'extérieur, mais elle était déjà partie. L'un des gardes se présenta devant lui et l'emmena vers sa nouvelle demeure dans laquelle il resta le reste de la journée. Lorsqu'il se leva le lendemain matin, son bleu de travail était accroché à sa porte d'entrée ainsi qu'une note indiquant l'endroit où aller chercher ses outils, nécessaires au nettoyage des rues.

Chaque jour, il effectuait son travail malgré lui et, chaque jour, il observait autour de lui. Bien rapidement, il constata l'évidence même. Du matin au soir, personne ou presque n'occupait les maisons et il n'y avait aucune école pour les enfants. Shaoun voulait en savoir davantage sur ce qu'il voyait et il décida un soir de faire un tour dans le quartier tout en évitant les gardes qui faisaient leurs rondes. Après une longue balade, il arriva près d'un grand four clôturé et lourdement armé à l'extrémité du quartier pauvre et riche. Tous les soirs, il se cachait et observait cet étrange lieu, espérant y voir quelque chose.

Un an passa et ce soir là, Shaoun vit enfin ce qu'il attendait depuis tout ce temps. Deux gardes escortaient un homme au visage caché par un linge vers le grand four. Arrivés devant la porte d'entrée, les gardes ôtèrent le linge laissant apparaître le visage d'un des hommes de Salvatore. Shaoun resta figé sur place et n'osa pas se déplacer pour lui venir en aide. Le prisonnier avait l'air effrayé comme s'il allait mourir et c'est alors que l'archéologue comprit ce qu'était le four. Ils y brûlaient vifs tout opposant au régime autoritaire des conseillers.

« Comment peut-on être aussi cruel pour n'avoir aucun respect pour la vie humaine ? Se demanda Shaoun. Si seulement je pouvais faire quelque chose, mais si je ne veux pas me retrouver dans la position de ce pauvre homme, je dois me tenir tranquille. »

L'archéologue rentra donc chez lui, se reposer de sa dure journée et, allongé dans son lit, chercha un moyen d'aider les rebelles sans pour autant trouver de solutions. Il passa les trois années suivantes à chercher le moyen de tous les sauver de cette tyrannie. Certaines options s'offraient à lui, mais aucune d'entre ne lui aurait permit d'échapper à sa propre incinération.

Vers la fin du mois de Querin, les conseillers convoquèrent Shaoun pour une entrevue exceptionnelle. Lorsqu'il entra dans la salle du Conseil, il passa sans dire un mot devant Kala qui, elle aussi, était présente. Le plus jeune lui demanda tout d'abord comment son intégration à la vie Catenne se passait, mais vint rapidement aux faits :

« Nous avons décidé de vous accorder l'accès à votre site de découverte.

– À quoi est dû ce changement de décision ? Le leur demanda-t-il.

– L'année dernière, répondit l'ancien, le brutal changement de température a quelque peu fragilisé l'intérieur du dôme et si cela continue, il finira par s'écrouler sur nous et nous ensevelir à jamais...

–… Et vous espérez que je vienne à votre rescousse ? Je me permets de vous rappeler que vous m'avez jeté ma découverte à la figure sans même vous préoccuper des conséquences.

– Si vous ne n'êtes pas avec nous, alors vous êtes contre nous... et j'ai cru comprendre que nous saviez ce qu'il arrive à ceux qui sont contre nous.

– S'il te plaît Shaoun, supplia Kala, fait ce qu'ils te demandent. »

Shaoun fit mine de ne pas écouter Kala et accepta le contrat. Bien évidemment, l'une des principales conditions de ce dernier était d'être sous sa garde, pour éviter toutes évasions. Le trajet jusqu'au site fut silencieux. Shaoun marchait devant tandis que Kala marchait dans ses pas, tête baissée comme si elle se sentait coupable de ce qui lui était arrivé. Elle espérait retrouver la confiance de Shaoun : au moins qu'il lui parle, mais pas un mot ne sortit de sa bouche. À peine l'eut-elle ouverte que l'archéologue se retourna et lui lança :

« Tu savais ce qu'il se passait ici, mais tu n'as rien dit. Tu m'as abandonné en sachant pertinemment ce qui allait m'arriver. Je pensais qu'on était devenus amis.

– C'est toujours le cas Shaoun, continua-t-elle.

– En quatre années, tu n'as pas essayé une seule fois de me contacter. Quel genre d'amis fait cela ?

– J'étais...

–… occupée, compléta le Quétel. Je connais déjà ce refrain. Occupé à fournir de nouveaux prisonniers à ces dictateurs qui n'hésitent pas à tuer pour régner.

– Ce ne sont pas des dictateurs ! Ils définissent qui fera quoi et gagnera combien. Quels genres de dictateurs feraient ça ?

– Tu veux plutôt dire qu'ils décident qui doit vivre ou mourir !

– Pourquoi n'arrêtes-tu pas de répéter cela ?

– Ne vois-tu donc pas ce qu'il se passe derrière ton dos ? S'énerva violemment Shaoun. En quatre années j'ai vu plus de choses sur cette ville que toi en toute une vie. Ne t'es-tu jamais demandé pourquoi les habitants du quartier riche sont si peu nombreux et, au contraire, ceux du quartier pauvre prolifèrent en masse ?

– Où veux-tu en venir exactement ? Demanda Kala.

– Les conseillers estiment que, si telle ou telle personne leur est utile, alors celle-ci vivra dans le quartier riche tandis que le reste devra se débrouiller seul dans le quartier pauvre. S'ils meurent, cela fera moins de bouches à nourrir !

– Je refuse de te croire, j'en ai assez entendu. Maintenant, avance et ne dis plus un mot !

– Es-tu donc si aveugle que cela ? Je te pensais plus intelligente ! »

Kala réfléchit longuement en essayant de mettre ses idées en ordre et de démêler le vrai du faux, mais les paroles de Shaoun ne faisaient qu'accroître ce flou qui régnait déjà dans sa tête. Elle refusait de le croire et ne voulait pas voir ceux qui lui avaient permis de vivre comme des dictateurs, mais elle se dit, qu'en tant qu'amie, elle devait lui faire confiance.

Lorsqu'ils arrivèrent au temple, Shaoun commença à creuser le sable qui jonchait le sol, mais n'y arrivant pas tout seul, demanda à contre cœur, de l'aide à sa surveillante. Cette dernière regarda l'archéologue droit dans les yeux, mais ne vit que la colère et la tristesse dans son regard. Sans dire un mot, elle se dirigeât vers lui et l'aida à déblayer le sable qui laissa paraître une grande planche en bois circulaire. Les deux individus ne reconnurent cependant pas cette matière, ne vivant pas tout à fait près d'une forêt.

Elle cachait un grand trou tout comme celui du temple Quetel. Avant de retirer la planche, Shaoun voulait comprendre pourquoi tout était semblable aux ruines Quételles mises à part les gravures qui différaient des autres par un seul détail : à la place d'avoir des offrandes telles que des fruits, de l'eau était versée. L'archéologue était déterminé à découvrir ce qu'il pouvait se cacher au fond de ce puits et déplaça donc la planche qui fit apparaître un escalier en colimaçon conduisant à une sortie par laquelle devait probablement s'infiltrer la température extérieure.

Shaoun et Kala empruntèrent les escaliers puis suivirent le chemin de la sortie. Cet endroit était un grand labyrinthe, mais les différentes intersections étaient murées de telle sorte qu'un seul chemin était envisageable. L'archéologue prit deux silex se trouvant au sol, les entrechoqua jusqu'à produire des étincelles et alluma la torche à côté de Kala. Ils suivirent la voie qui s'offrait à eux et, au bout d'une bonne heure de marche dans les entrailles du labyrinthe, la lumière des soleils fit son apparition et les éblouit.

Autour d'eux, des montagnes cachaient le paysage et l'entrée du temple était encastrée dans l'une d'entre elles. L'aventurier chercha le moyen d'en bloquer l'accès et trouva un énorme rocher capable d'empêcher l'air de pénétrer dans le temple et ainsi empêcher la température d'y entrer également.

Il demanda alors à Kala de lui prêter main-forte, mais cette dernière souhaita tout d'abord des explications :

« Si tu mets cet énorme rocher ici, comment allons-nous faire pour rentrer ?

– N'as-tu donc toujours pas compris ? Je ne peux pas retourner là-bas. Je dois continuer ma route pour découvrir ce que ces temples signifient et j'espérais que tu m'aiderais à le découvrir !

– Toute ma vie se trouve à Cala ! Mes amis, ma famille...

–… la vie de tes rêves n'est-ce pas ? Sans oublier tes dictateurs. Ouvre les yeux Kala ! Tu as le droit d'être libre et de vivre ta vie. De découvrir de nouvelles choses et expérimenter de nouveaux sentiments comme la peur, la curiosité et beaucoup d'autres encore.

– Peux-tu me promettre que tu me ramèneras ici ?

– Je ne peux te promettre ce que je ne peux garantir. Je ne suis même pas sûr qu'après notre voyage, tu veuilles revenir. J'ai déjà fait une promesse que je n'ai jamais pu tenir. Je ne referais pas la même erreur deux fois. »

Shaoun laissa un temps à Kala pour réfléchir et cette dernière se décida enfin à l'aider et de le suivre quoi qu'ils leur en coûtent. Ils déplacèrent donc le rocher et, une fois que ce fut fait, ils explorèrent les alentours pour trouver un chemin leur permettant de se diriger et de trouver le prochain temple.

L'aventurier, posté en hauteur, observa la chaîne de montagnes qui s'étendait à perte de vue. Il vit cependant au loin, un lieu verdoyant à l'opposé de l'entrée du temple. Avant de pouvoir s'aventurer plus loin dans les montagnes, ils devaient trouver de l'eau et d'après les quelques livres que Shaoun put lire, un lieu verdoyant était souvent synonyme d'eau.

Ils se mirent donc en marche et Shaoun essaya d'en savoir un peu plus sur Kala car, s'il devait voyager avec elle, une totale confiance devait s'installer. Elle avait vécu chez ses riches parents jusqu'à sa majorité à 64 ans et avait demandé un travail aux conseillers. Shaoun avait rapidement compris qu'elle avait fait un métier qui l'intéressait uniquement parce qu'elle était issue d'une famille aisée. La douanière vivait dans un monde parfait, mais il aurait suffi qu'elle vive dans la pauvreté pour lui ouvrir les yeux. Son rang social l'avait rendu aveugle à tout ce qui l'entourait et Shaoun espérait, par ce voyage aussi bien matériel que culturel, lui rendre la vue.

La chaîne de montagnes était sinueuse et les deux explorateurs commençaient à être assoiffés et leurs pieds leur faisaient mal. Kala exigeait de se reposer, mais Shaoun lui expliqua qu'il ne fallait pas s'arrêter pour éviter de mourir de soif et il espérait également trouver une trace de civilisations pour se nourrir. Ils continuèrent leur route vers cette terre d'espoir sans dire un mot pour économiser le peu d'eau qu'il restait encore dans leur corps. À mis chemin, Kala s'effondra et Shaoun s'empressa de retenir sa tête avant qu'elle ne vienne heurter une pierre aussi tranchante qu'un couteau. Il lui murmura à l'oreille quelque chose qu'elle ne put entendre, trop préoccupé à sentir son esprit quitter petit à petit son corps. Elle observa Shaoun continuer son épopée en la laissant là, sans même se retourner, avant de fermer ses yeux et de mourir aux soleils.

4: Chapitre IV : Dans l'ombre, se cache l'inconnu
Chapitre IV : Dans l'ombre, se cache l'inconnu

« Kala, réveille-toi ! S'il te plaît, ouvre les yeux. »

Peu à peu, son âme réintégrait tandis qu'un vent frais rafraîchissait son visage mouillé. Surprise d'être toujours en vie, elle se releva brusquement et vint cogner la tête de celui qui venait de la sauver. Elle ouvrit les yeux et vit Shaoun, les mains mouillées dans lesquelles se trouvait encore un peu d'eau qui avait servi à la réanimer. Il lui fit boire un peu de ce breuvage miracle pour la remettre d'aplomb avant de reprendre la route en direction de la grotte que Shaoun venait de trouver. L'aventurier eut beaucoup de chance d'en trouver une si proche et il proposa à son amie de s'y reposer quelque temps.

C'était une grande et profonde caverne dans laquelle une petite étendue d'eau permettait de nager et de s'y baigner. Mais ce qu'il y avait de plus étrange, c'était le foyer dont les braises encore chaudes réchauffaient l'atmosphère. Quelques victuailles étaient accrochées le long d'une ficelle et quelques matériaux de chasse, tels qu'arcs et couteaux, étaient posés contre le mur. Cependant, n'ayant pas explorés la grotte, ni de Shaoun ou de Kala ne se doutèrent que ce fusse là.

Lorsqu'ils s'installèrent à l'entrée de la grotte — suffisamment profondément pour accéder à l'étendue d'eau, mais pas assez pour voir le campement — à son tour, Shaoun s'adossa au mur, ferma les yeux et dormit. De son côté, Kala se réhydrata, en buvant l'eau à qui elle devait sa vie. Salie par la journée qu'elle venait de passer, elle se déshabilla et se lava.

L'eau épousait parfaitement les courbes de son corps si parfait et sa peau était si lisse, que l'eau ne restait pas longtemps pour en profiter. Cette belle brune n'avait pas de mari, car elle attendait celui qui allait faire chavirer son cœur jusqu'à la rendre folle. C'est pourquoi elle se préservait pour lui, si bien qu'elle ne connaissait pas le sens même de l'acte sexuel et de la procréation.

Soudainement, Shaoun se leva en sursaut et transpirait. Le cauchemar de sa famille était revenu le hanter et Kala, qui venait de se rhabiller, vint le réconforter en posant sa tête sur son imposante poitrine. Lorsqu'il fut calmé, Kala l'informa qu'ils devaient partir au plus vite avant que les gardes envoyés par le Conseil ne les retrouvent. Cependant, Shaoun sentit que Kala lui cachait quelque chose dont elle semblait avoir honte, mais il décida de ne rien dire. Ils continuèrent donc leur route et, au bout d'un moment, Shaoun s'arrêta et demanda à Kala :

« Tu sens cette odeur ?

– Quelle odeur ? Lui répondit-elle alors.

– Des fruits, comme ceux que tes conseillers cultivent dans leur palais.

– Tu as raison, j'arrive à les sentir. Allons voir de quoi il s'agit. »

Enfin, l'autre côté des montagnes était atteint et ils posèrent le pied sur une terre verte d'herbes. Un léger et agréable vent frais survolait chaque brindille qui se courbait à leur tour pour le laisser passer. Cette verdure ressemblait sensiblement aux jardins artificiels de la cité des Sages Quetelle, mais celle qu'ils avaient devant les yeux n'était pas comparable. Elle s'étendait à perte de vue et, n'ayant jamais connu d'arbres de leurs vies, Shaoun et Kala étaient émerveillés devant ce don de la nature qui offrait de quoi se restaurer. Les deux aventuriers s'approchèrent de l'un d'eux, cueillirent une pomme et, curieux de ce que cela pouvait bien être, Shaoun croqua dedans. Il fut subitement submergé par son goût et continua à mordre dedans. Il en fit partager Kala et ils se mirent tous deux à en cueillir de plus en plus.

Soudain, un bruit étrange vint perturber leur succulent repas. Un bruit qui semblait venir du ciel et des arbres en même temps une sorte de cri. C'était un nuage d'oiseaux qui se dirigeait à l'Ouest. Alors, l'archéologue et son amie se précipitèrent pour voir où ils allaient et aperçurent un grand point d'eau dans lequel quatre ruisseaux provenant des montagnes venaient se jeter. Ces oiseaux étaient tous de couleurs différentes et lorsqu'ils commençaient à boire, leur plumage changeait. Tous sans exception se mirent à se déshydrater et ils commencèrent alors à changer de couleur jusqu'à ce qu'ils devinrent tous bleus. Lorsqu'ils reprirent leur envol, leur plumage les rendait invisibles dans le ciel de tout prédateur, quel qu'il fût.

Shaoun et Kala étaient complètement bouche bée et ne prêtèrent plus attention à ce qui les entourait y compris l'homme qui survint dans leur dos et leur lança avec un drôle d'accent :

« Vous v'la b'in vous ! Qu'est-ce vous 'ga'dez comme ça ?

– Bonjour Monsieur ! Je m'appelle Shaoun et voici Kala. Nous étions en train d'admirer ces drôles de bêtes dans les airs et...

– ... 'parlez d'mes zozios ?

– Vos ''Zozios'' ? Demanda alors Kala.

– Yep ! Et z'êtes sur mes terres. Tous les gens d'coin l'save. Vous êtes pas d'ci vous. Qu'est-ce vous 'mene à Telle ?

– Nous venons des montagnes, au sud d'ici, lui répondit l'archéologue.

– Les montagnes Telloises ! S'écria alors l'homme. Vous v'nez d'Cata alors. 'fo que j'vous présente au PERE. Suivez-moi. »

Les phrases du vieil homme étaient parfois incompréhensibles, mais les jeunes aventuriers décidèrent de le suivre. Peut-être que le ''PERE'' avait toutes les réponses aux questions que Shaoun se posait.

Ils longèrent alors un petit cours d'eau à l'opposé du lieu où se jetaient les quatre ruisseaux pendant plusieurs heures, faisant halte lorsque nécessaire. Ils arrivèrent enfin au dôme de Telle ce qui confirma l'une des hypothèses de l'archéologue. Une ancienne civilisation avait construit ces abris partout sur Convulso encore restait-il à savoir pourquoi. Pour entrer, toute personne devait se présenter devant un poste de garde dans lequel un homme suffisamment musclé gardait l'entrée au dôme. Ici, chaque Tellois devait montrer un morceau de papier qui indiquer son nom ainsi que son rang dans la ville.

La carte du vieil homme indiquait qu'il s'appelait ''ID3705P'' et qu'il s'agissait d'un paysan. Ainsi, le garde ouvrit l'une des deux portes qui permettaient l'accès à Telle puis, lorsqu'il demanda l'identité de Shaoun, le vieil homme répondit qu'il les emmenait aux ''PERE''. Alors, le surveillant de l'entrée ouvrit la seconde porte et referma la première derrière le paysan. Il ordonna aux deux étrangers de passer la porte puis deux gardes, à l'intérieur du dôme les escortèrent.

Ils marchèrent sur une passerelle en fer puis montèrent un petit escalier d'une dizaine de marches. Shaoun observa à droite, là où le paysan était passé, et il vit qu'il y avait un autre escalier qui lui, descendait. Ici, l'air était pur et parfumé avec une odeur de fruits. Les maisons étaient toutes colorées et diversifiées. Cependant, plus on descendait, plus la ville se dégradait. Les murs des maisons devenaient vieux, décolorés et les habitats tombaient en ruines. Certains d'entre eux étaient abandonnés et toutes les maisons se ressemblaient. On pouvait ainsi distinguer les pauvres des riches : plus on habitait haut dans le dôme, plus on était riche.

La passerelle qu'ils empruntaient conduisait à une grande tour située en plein cœur de Telle. À chaque meurtrière, il y avait un garde armé d'un arc et de flèches et qui surveillait tout les alentours. Ils continuèrent leur avancée, mais quelques mètres avant l'entrée de cette tour, la passerelle s'arrêtait, puis reprenait plus loin. De chaque côté, il y avait une échelle qui descendait dans les entrailles de Telle. En bas se regroupaient les rebuts de la société, les criminels et les fugitifs. Une vraie prison dont les gardes se trouvaient en hauteur, à surveiller depuis les meurtrières. L'un d'eux leur expliqua qu'ils avaient l'ordre de les abattre s'ils s'approchaient trop près de l'échelle. Lorsque Kala demanda de qui ils tenaient ces ordres, il ne répondit pas.

Leur escorte leur demanda de patienter un instant puis un son de métal se fit entendre. C'était le morceau manquant de la passerelle qui s'abaissait. Les deux aventuriers montèrent dessus puis elle s'éleva au plus haut du dôme jusqu'à atteindre le sommet de la tour. Devant eux, il y avait quatre gardes bien armés devant la porte par laquelle ils entrèrent. Ils avaient posé le pied dans une salle plus qu'étrange. Elle était immense et, un peu partout dans la pièce, il y avait de drôles d'engin bruyant d'où sortaient des images encore plus étranges. Devant chacun des ces objets, il y avait un homme ou une femme qui appuyaient sur des boutons avec des lettres écrites dessus et qui modifiaient l'image une fois appuyés dessus.

Cependant, Shaoun et Kala ne purent se rapprocher pour en savoir davantage, car des gardes avaient formé un couloir menant au centre de la salle où le plus gros de ces engins se situait. Ils n'eurent donc d'autre choix que d'avancer vers leur destin. Arrivés devant, l'image qui se projetait alors en trois dimensions était le visage d'une femme, qui se présenta :

« Bienvenue à vous ! Je suis le Programme Expérimental de Regroupement d'Étrangers plus communément appelé PERE. Je fus, à la base, créé pour faciliter les entrées et sorties de Telle mais depuis que mon créateur est mort, j'ai le contrôle total de cette ville et je suis donc le maître de ces lieux. De quelle province venez-vous ?

– Nous venons de Cata, répondit Kala. Et nous sommes à la recherche d'un temple, probablement situé à l'extérieur du dôme.

– Vous devez probablement parler du Cœur de Telle. Je suis navrée, mais je ne peux vous en donner l'accès. C'est un accès strictement réservé.

– C'est vraiment très important, expliqua alors Shaoun. Sans cela, c'est la mort assurée. N'y a-t-il vraiment rien qui puisse vous convaincre d'y jeter un œil ?

– Il est vrai qu'une aide me serait utile. En bas, dans les tréfonds, se cache un homme qui n'y a pas sa place. Si vous voulez accéder au Cœur de Telle, vous allez devoir me le ramener vivant.

– Pourquoi se cache-t-il ? Demanda alors Kala.

– Cet homme a perdu la mémoire après qu'un fugitif lui ait porté un violent coup à la tête, expliqua le PERE. Il me le faut vivant.

– Pourquoi n'envoyez-vous pas vos gardes dans ce cas ? S'inquiéta Shaoun. Après tout, bien que peu loquaces, ils sont bien armés et pourraient aisément retrouvé votre homme.

– Ne comprenez-vous donc pas. L'homme dont je vous parle est devenu leur chef et il me faudrait des agents infiltrés tels que vous pour l'approcher. Attention cependant, car il possède une particularité qui le rend... différent des autres.

– Très bien. Nous acceptons votre mission, termina Kala. »

Avant même que Shaoun ne puisse placer un mot, un garde vint les assommer par-derrière et ils se réveillèrent entourer d'une dizaine d'hommes et de femmes qui semblaient attendre quelque chose d'eux. Ils se relevèrent puis, tous formèrent un couloir humain et obligèrent les deux aventuriers à avancer. Ils bandèrent leurs yeux avec un linge et attendirent un long moment sans rien faire. N'entendant plus aucun bruit autour de lui, Shaoun retira son bandage, mais ne vit plus personne dans les alentours. Ils se retrouvaient sous la ville, sans un seul point de repère et aucune idée de comment parvenir vers leur objectif.

Ce qui préoccupait le plus Shaoun, c'était la manière par laquelle ils allaient sortir des bas-fonds sans que personne d'autre ne les suive. Ils marchèrent longtemps avant de trouver âmes qui vive et, la première personne qu'ils virent, fut un enfant pleurant et recroquevillé sur lui même. Shaoun, en voyant ce jeune homme, resta figé un moment avant de réaliser qu'il ne s'agissait bien évidemment pas de son fils. Kala s'approchât de l'enfant et engageât la conversation :

« Hé bien petit, que t'arrive-t-il ? »

Ne répondant pas, elle se présenta et demanda son nom. N'ayant toujours aucune réponse au bout d'un certain temps, elle pointa son regard en direction de Shaoun qui, perplexe, haussa les épaules. C'est lorsqu'elle posa sa main sur son épaule pour le réconforter qu'il daigna enfin répondre :

« Je m'appelle Ratanne, sanglota-t-il. On vient de m'abandonner. Je suis tout seul maintenant.

– Ne t'en fais pas, tes amis ne doivent pas être très loin.

– Fait attention Kala, intervint Shaoun. Il est sûrement dangereux.

– Dangereux ? Ce petit être apeuré ? Voyons, ne sois pas ridicule.

– C'est un rebut de la société. S'il est ici, c'est qu'il doit y avoir une raison.

– Ho, mais non Monsieur, interrompit l'enfant. Je n'ai jamais rien fait de mal. On m'a jeté ici parce que je n'avais plus aucune famille.

– D'où viens-tu alors ? Demanda Kala.

– De l'Est Madame.

– Pas de cela entre nous veux-tu ? Appelle-moi Kala. Sais-tu où se trouve l'homme qui dirige cet endroit ?

– Bien sûr, tout le monde le connaît. Je vais vous mener à lui. »

Sur le chemin, Kala chercha à en savoir plus sur cet endroit et son histoire, mais l'enfant n'était pas là depuis assez longtemps pour savoir quoi que ce soit. Ce dernier, quant à lui, espéra savoir pourquoi les deux compagnons cherchaient à voir l'homme et Kala lui expliqua tout, sans se préoccuper des conséquences que de tels mots pourraient avoir dans un tel endroit. Shaoun, lui, restait en retrait et laissait Kala et l'enfant à une bonne distance devant lui. Et il avait bien raison, car, au bout d'une demi-heure de marche, la Catène et son protégé se firent attaquer par des hommes qui leur ligotèrent les bras derrière le dos. Devant l'imposant nombre d'attaquants, le Quétel préféra se cacher et observa la scène qui se déroulait devant ses yeux. Un linge fut mis sur la tête de chacun d'eux et ils les firent avancer. Shaoun les suivit de près, car il se doutait que ces hommes allaient les conduire vers leur chef.

Au bout de quelques mètres, l'un des attaquants enleva le linge de l'enfant qui resta avec ses agresseurs, laissant Kala avancer toute seul parlant dans le vide, essayant de le réconforter. Étrangement, l'archéologue préféra suivre le protégé de près, se doutant du traquenard qui se tramait. L'un des hommes réclama alors de nouveaux ordres et l'enfant pris une voix plus grave et mature pour annoncer :

« Trouvez moi l'homme qui était avec cette brunette. Faites attention, celui-là m'a l'air plus malin que les autres. Remettez-moi le linge avant que l'on nous voie et avançons. »

Le jeune homme, que l'on croyait alors abandonné, n'était autre que le chef des bas-fonds de Telle. À son tour, Shaoun devait trouver le moyen de le capturer, de délivrer Kala et enfin de le livrer au PERE. Cependant, il était seul contre une armée de criminels et de fugitifs. De plus, il considérait ce chef comme bien plus malin que lui et devait donc se surpasser comme jamais pour accomplir ses objectifs.

A genouillée, Kala réclama qu'on lui ôte son linge et, lorsque ce fut fait, elle vit l'enfant à côté d'elle, les mains toujours attachées dans le dos et le linge sur la tête, gisant sur le sol dans une mare de sang. Terrifiée, elle poussa un cri d'effroi qui glaça le sang des hommes qui se trouvaient autour. Elle implora de toutes ses forces de l'aide, mais personne ne bougeât le petit doigt. Elle essaya alors de se délier les mains pour le sauver sans succès. Un autre homme, s'avança alors vers elle, un couteau à la main et le posa sous sa gorge. Il mit son doigt sur la bouche et Kala se tut. Avant d'enlever le couteau, le criminel la coupa légèrement, laissant couler du sang jusqu'à hauteur de sa poitrine.

« J'ai entendu dire que vous me cherchiez, commença-t-il. Hé bien, me voici.

– Pourquoi avez-vous tué ce pauvre enfant ? sanglota Kala. Il ne vous avait rien fait.

– Il ne me servait à rien. Pourquoi l'aurais-je épargné ? De plus, il voulait prendre ma place sur le trône, alors je l'ai exécuté.

– Pourquoi un enfant aurait-il voulu prendre votre place de chef ?

– Mais parce qu'il est le chef de la rébellion, voyons. Trêve de bavardage. Si vous ne voulez pas finir comme lui, donnez-moi une seule bonne raison de vous laisser en vie.

– Peut-être pourriez-vous me dire ce que vous désirez.

– Hé bien, en tant que femme, il y a bien certaines choses que tu peux m'offrir. »

Le pervers se rapprocha d'elle et commença à lui lécher la nuque, puis les oreilles et commença à l'embrasser. Kala se débattit du mieux qu'elle put et l'homme la gifla violemment. Il se rapprocha à nouveau d'elle, mais cette fois avec son couteau. Il le glissa entre ses seins et, écœurée, la victime détourna la tête et ferma les yeux.

C'est alors que le pervers s'écroula sur elle et la fit tomber à la renverse. Lorsqu'elle rouvrit les yeux pour savoir ce qu'il venait de se passer, son regard se posa sur le couteau planté entre ses omoplates. Kala regarda plus en hauteur et observa l'enfant, les mains ensanglantées. Le protégé était devenu le protecteur. Elle s'empressa de couper ses liens avec le couteau tout en observant les gardes aux alentours se faire executer les uns après les autres par un groupe d'enfant et vint auprès du sauveur non seulement pour le remercier, mais également pour recevoir quelques explications.

« Je pensais que tu étais mort ! S'exclama alors Kala. Comment est-ce possible ?

– Ce n'était pas moi, lui répondit-il. C'était effectivement un enfant, mais pas moi. C'était cependant l'un de mes amis, mais je l'ai vengé.

– Tu viens de tuer le chef de ces lieux.

– Je sais. »

L'idée même de l'avoir tué l'amusait, car, aux yeux de Kala, un innocent enfant avait tué un dangereux chef de clan. Il s'assit alors sur le siège qui se trouvait en face d'eux et tous les enfants s'agenouillèrent devant lui. Ratanne proposa alors à l'aventurière de devenir celle qui allait diriger ses hommes. Elle hésita un instant puis accepta sans mesurer les conséquences de son acte.

Soudain, l'un des enfants s'approcha de l'oreille du sauveur et ce dernier demanda à Kala de le laisser seul un moment. Elle s'exila donc dans la chambre qui juxtaposait la pièce principale. Les murs étant faits d'un matériel spécial, elle ne put entendre aucun des mots provenant de la salle qu'elle venait de quitter.

Les enfants amenèrent, aux pieds du traître, un homme avec un linge sur la tête. Lorsqu'il le retira, il engageât la discussion :

« Tu sais, la première impression, c'est toujours celle qui compte. Et toi, mon ami, tu m'as énormément surpris. Autant tu as été désobligeant envers moi, autant tu as redoublé de prudence et d'ingéniosité. C'est pourquoi avant de te tuer, nous allons avoir une petite discussion. Tu ne m'en voudras pas, mais je préfère garder ton ami sous la main au cas où tu ferais des bêtises. Mais, tu n'en feras pas, n'est-ce pas Shaoun... »